Ce tome fait suite à Immortal Hulk, tome 8 (épisodes 36 à 40) qu'il faut avoir lu avant. Il regroupe les épisodes 41 à 45, initialement parus en 2021, écrits par
Al Ewing, dessinés par
Joe Bennett, encrés par Ruy José & Belardino Brabo, mis en couleurs par
Paul Mounts, avec des couvertures toujours aussi splendides d'
Alex Ross. L'épisode 42 a été mis en images par plusieurs équipes : Alex Lins pour la séquence du Leader,
Adam Gorham pour la séquence Gamma Flight, Rachel Stott pour la séquence Jackie McGee, et
Joe Bennett pour la séquence U-Foes, avec l'assistance de Chris O'Halloran pour la mise en couleurs des 3 premières séquences. Il contient également les couvertures variantes réalisées par
Joe Bennett (*5),
Michael Cho,
Rob Liefeld, Alexander Lozano,
Carlos Pacheco. Comme pour les précédents tomes, chaque épisode s'ouvre avec une citation.
Dans l'épisode 5 de Fantastic Four, Johnny Storm fait remarquer à Ben Grimm à quel point Hulk lui fait penser à son interlocuteur. Dans une zone sauvage de l'Arizona, Charlene
McGowan arrive devant un chalet. Elle arrête le moteur, et descend de voiture. Elle cherche à rétablir le contact avec les scientifiques de la Shadow Base. Ils ont tous réussi à évacuer le site sans dommage, mais ils se sont tous évaporés dans l'anonymat. Elle se fait identifier par le système de reconnaissance très sophistiqué de cette annexe, et elle rentre à l'intérieur. Elle sait qu'elle ferait mieux de se planquer elle aussi, mais elle est fermement décidée à arrêter de fuir et de se cacher, peut-être animée par la colère, et parce qu'elle croit toujours en Hulk. Celui-ci se trouve à Coney Island, très diminué
physiquement et en train d'encaisser les coups de The Thing. Les deux combattants se trouvent sur la promenade : Hulk envoie un direct du gauche dans la mâchoire de Thing, manquant de puissance, et Grimm riposte par un puissant gauche à son tour, envoyant Hulk à plusieurs mètres de là.
Ben Grimm contacte Reed Richards pour lui faire part de la situation, expliquant qu'il a réussi à neutraliser Hulk, et que ce n'est pas la peine qu'il lui passe
Sue Richards. Puis il se dirige vers Hulk, encore à terre et lui rappelle comment Hulk l'a envoyé dans un coma pendant sa lune de miel. Hulk se relève difficilement, des larmes glissant sur son visage, en chouinant qu'il n'est pas chétif, qu'il n'est pas faible. Il prend un lampadaire tordu et en frappe Thing avec, faiblement. Grimm lui envoie un direct du droit, puis du gauche et marche vers lui pour continuer à le frapper. Hulk le supplie d'arrêter, et met les bras devant son visage pour se protéger. Il se produit une horrible transformation, déformant spasmodiquement son corps, et il reprend la forme de Bruce Banner, alors que le poing de Thing s'abat sur lui. Fort heureusement il a réussi à retenir partiellement son coup. Banner est à terre, les deux bras cassés.
En ouvrant un nouveau tome de cette série, le lecteur sait qu'il plonge dans un récit dense. Il retrouve les citations en exergue de chaque épisode : Fantastic Four 5 par
Stan Lee (1922-2018) &
Jack Kirby (1917-1994),
George Eliot (1819, 1882,
Mary Ann Evans),
Aristote, le Livre de Job,
Henry Wadsworth Longfellow (1807-1882). La citation peut paraître au départ un peu sortir de nulle part, mais elle fait écho à une facette de l'épisode. Ben Grimm éprouve de l'empathie pour Hulk. L'épisode 42 montre les conséquences des actions d'un individu sur les personnes de son entourage. le comportement de Henry Peter Gyrich illustre la différence qu'il y a entre un homme bon et un bon citoyen. Les avanies subies par Hulk illustre comment une force divine peut secouer un individu jusqu'à y laisser sa marque. La remarque de Longfellow établit que Hulk est au plus bas, juste avant le retour de la marée, c'est-à-dire un retour en force pour le dernier tome. le lecteur remarque également les sources des citations, écrits pouvant tous être associés à une forme d'horreur corporelle ou gothique. Par ce procédé narratif, Ewing rattache la condition de Hulk à celle d'un individu marqué par le sceau de la laideur, et de la force incontrôlable, étant le jouet de sa puissance
physique, et soumis à un destin capricieux, peu clément.
Le lecteur revient bien évidemment pour la suite de l'intrigue. Il se rappelle rapidement que le scénariste a progressivement mis en scène de nombreux personnages : Hulk avec sa personnalité basique, mais aussi celle de Joe Fixit, et une autre qui reprend le dessus en fin de tome, Bruce Banner très effacé dans ces épisodes, Charlene
McGowan, Jackie McGee, Rick Jones, del Frye, Ben Grimm, les membres de Gamma Flight et pour partie Alpha Flight (Titania, Puck, Shaman), Doc Samson, Henry Peter Gyrich et l'équipe des U-Foes (Vector, Iron Clad, Vapor, X-Ray), et quelques autres encore. S'il n'y prête pas attention, il peut rater la connexion entre un jeune arrêté par la police et la Teen Brigade. le lecteur prend conscience du nombre de personnages, mais aussi de la manière habile avec laquelle Ewing donne à chacun le nombre de cases ou de pages nécessaires pour qu'il puisse les resituer et que leur situation évolue de manière significative. de son côté, le dessinateur continue à reproduire fidèlement l'apparence de tous ces individus, conformément à leur tenue de superhéros, ou leurs caractéristiques
physiques. La situation reste donc complexe : la dégénérescence de Hulk, provoquée par Celui en dessous de tout, le méli-mélo des différentes personnalités de Hulk, les expérimentations peu avouables d'une branche de l'armée américaine, l'action très officielle du gouvernement en désignant Gyrich comme responsable de la capture de Hulk, avec ce qu'il reste de l'équipe d'Alpha Flight, et avec les U-Foes, sans oublier l'aide apportée par Charlene
McGowan et Jackie McGee. Il s'agit donc d'un récit construit dans la durée qui ne peut s'apprécier qu'en ayant lu les tomes précédents, en ayant commencé par le premier.
La saveur de l'écriture du scénariste se révèle dans sa capacité à proposer des scènes au déroulement inattendues, sans s'écarter du droit fil de son intrigue. En fonction de sa sensibilité, le lecteur peut savourer l'humour à froid contenu dans des moments comme Banner savourant un énorme hotdog attablé avec Ben Grimm, Leonard Samson déployant une stratégie de discussion très froide face à Gyrich qui manipule les membres de Gamma Flight, les U-Foes se disputant l'ordre d'entrée dans le combat pour tabasser Hulk, Jackie McGee découvrant la nature de son pouvoir, l'apparition d'une autre des personnalités de Hulk. de son côté, l'artiste reste dans un registre descriptif, sans ajouter d'éléments visuels de nature humoristique, pour des comportements adultes à l'ironie sans condescendance. Bien évidemment, ces éléments viennent s'ajouter à la colonne vertébrale de tout récit de Hulk : la violence
physique sous forme de combats, avec en plus cette touche d'horreur que le duo de créateurs a réintégrée dès le premier épisode. Dans l'épisode 41, Thing en met plein la tronche à Hulk, de plus en plus malingre, avec juste la peau sur les os par endroit. Son apparence fait vraiment mal au coeur. Son visage se fait plus suppliant, générant une réelle empathie chez le lecteur. de son côté, Grimm apparaît sur de lui, sûr de sa force et sûr de son bon droit. Il doit stopper Hulk pour éviter que celui-ci ne rentre dans une rage destructrice mettant en jeu la vie des civils. le lecteur assiste à nouveau à une transformation
physique de Hulk en Banner, qui tord son corps de manière hideuse.
Dans l'épisode suivant, il revient à Alex Lins de transcrire ces maltraitances morphologiques, et il s'en tire plutôt bien.
Joe Bennett revient avec l'épisode 43 et il commence par un clin d'oeil, en donnant comme nom à un bar, celui de Starlin (Jim), ce créateur ayant illustré une confrontation mémorable entre Hulk et Thing, et en ayant écrite une autre dessinée par
Bernie Wrightson. Il s'amuse bien avec une démonstration des pouvoirs de chacun des U-Foes, et avec l'apparition monstrueuse de la créature amalgamant Rick Jones et del Frye. L'épisode 44 relate l'affrontement de Hulk contre les U-Foes, et il en prend plein la tête, faisant pitié à chaque coup encaissé, suscitant l'effroi quand X-Ray le bombarde de rayons cosmiques : une vision d'horreur dans laquelle l'artiste s'est fortement investi. le dernier épisode est une succession de visions d'horreur dans le ventre de la bête, avec une horreur corporelle très charnelle.
Al Ewing poursuit son chemin, continuant de maltraiter Hulk comme jamais, provoquant une sympathie irrépressible chez le lecteur qui est totalement impliqué dans cette intrigue foisonnante, avec des touches d'humour à froid aussi efficaces que les éléments horrifiques.
Joe Bennett continue de réaliser une mise en images sans baisse de régime, disposant du temps supplémentaire grâce à trois quarts d'un épisode réalisé par d'autres artistes. Outre les éléments de superhéros, les éléments d'horreur corporelle, et les thèmes rehaussés par les citations en ouverture de chaque épisode, le lecteur se sent entraîné dans la folie de certains personnages, à la personnalité totalement polarisée.