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EAN : 9782841148790
187 pages
Ramsay (01/01/1900)
5/5   2 notes
Résumé :
Vingt nouvelles, vingt histoires de gens comme les autres.
ou presque comme les autres : il s'en faut de si peu, d'un trop de misère. d'une nationalité malencontreuse...

Les vingt nouvelles balancent sur une vaste gamme, des larmes au rire. du noir au rose, du XVIIIe siècle à nos jours, du désespoir à l'optimisme tonique, mais le bouquet est presque toujours couleur des paradis perdus, des illusions, et aussi de la tendresse.

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Critiques, Analyses et Avis (1) Ajouter une critique
Chronique initialement publiée sur : Romance rouge, nouvelles noires
https://romancerougenouvellesnoires.wordpress.com/2019/05/22/r2n2-exhume-adieu-alice-adieu-sweetheart-de-frederic-h-fajardie/

Une nouvelle se définit généralement comme un récit de fiction court, particulièrement rythmé, concentré autour d'un événement central et d'un faible nombre de personnage, un récit direct et efficace, allant à l'essentiel. Les fans de Fajardie remarqueront que cette définition pourrait très bien coller aux romans de cet auteur. On pourrait donc penser que Fajardie n'avait pas besoins d'écrire des nouvelles, une des clés de la réussite de ses romans étant justement de reprendre les principales caractéristiques des nouvelles. Pourtant, chez Fajardie la nouvelle n'est pas une activité mineure. Il en a produit beaucoup et de grande qualité. Wikipedia dit qu'il en a écrit 365, une par jour de l'année, mais j'ai déjà exprimé le peu de confiance que j'apportais aux infos de ce site. Ce qui est certain, c'est que Fajardie est un des auteurs francophones les plus prolifiques en nouvelles noires, derrière sûrement le spécialiste du genre, Marc Villard. Incontournable donc pour quiconque s'intéresse aux nouvelles noires.

Un échantillon de l'oeuvre de Fajardie

Adieu Alice, adieu Sweetheart est paru en 2001 chez Ramsay, plutôt une oeuvre de fin de carrière donc. Il est composé de vingt nouvelles courtes, de dix pages en moyenne. Elles ont toutes été écrites entre 1997 et 2000 et la plupart avaient déjà été publiées, soit dans des recueils collectifs (à l'image de la nouvelle titre, qui figurait dans le recueil collectif Alice au pluriel paru en 1998 au Fleuve Noir) soit dans des journaux (Juste un Gigolo au Figaro, Regrets Express dans La vie du rail …). En à peine 200 pages, on trouve là un parfait échantillon de l'oeuvre de Fajardie, tant dans le style que dans les thèmes abordés.

Noir c'est noir, il y a de l'espoir

Ce recueil de nouvelles appartient clairement à la littérature noire. Loin du roman policier classique à énigme où les crimes sont le fait d'individus déviant de la bonne morale et échappant – provisoirement, les héros y veillent – au sain contrôle de la société, c'est ici la société elle-même qui est fondamentalement mauvaise et produit diverses exactions. Cela ne signifie pas que Fajardie verse dans l'angélisme (personne ne l'ayant lu penserait cela) et cuisine ses personnages à la sauce Rousseau, naturellement bons et simplement corrompus par la société (certains comme dans le vol de Fantasio sont d'ailleurs d'écoeurants salauds) mais leur comportement reste socialement déterminés. Quand par ailleurs ils essayent d'échapper aux déterminismes et au rôle qui leur est théoriquement assigné, c'est le plus souvent animés de bonnes intentions (quitte à être à côté de la plaque et se faire remettre à leur place comme le tueur de Square des 13-Mais) et pour essayer de conformer un peu plus la réalité à leurs propres valeurs. C'est en cela que j'ai toujours défendu la littérature noire comme n'étant pas fataliste et même porteuse d'un certain espoir et dans ce recueil, Fajardie – à qui on peut pourtant parfois reprocher un certain nihilisme – illustre ceci parfaitement.

Trente millions d'amis

Les animaux occupent une grande place dans la bibliographie de Fajardie. Ils sont parfois au centre du roman (Des lendemains enchanteurs, Querelleur, ou Sous le regard des élégantes…) mais même quand ce n'est pas le cas il est courant qu'ils fassent une apparition qui, si elle n'est pas forcément centrale pour l'intrigue, n'est pas anodine (comme par exemple dans Brouillard d'automne). Et même quand ce n'est qu'une métaphore et qu'il ne s'agit pas réellement d'animaux, Fajardie arrive à en citer dans ses titres (La nuit des chats bottés, le loup d'écume…).

C'est avec plaisir qu'on trouve dans ce recueil une même importance donnée aux animaux. Avec plaisir, pas tant pour les moments touchants ou drôles dont ils nous gratifient, émouvoir ou faire rire avec nos amis les bêtes comporte d'ailleurs toujours le risque d'un certain cliché un peu niais, même si globalement Fajardie le fait très bien (aussi simple et cliché que ce soit, difficile de ne pas avoir le coeur qui se serre en lisant le vol de Fantasio ou le sourire aux lèvres avec le chien de Square des 13-Mais). Un peu plus déjà en raison des rapports particuliers qu'entretiennent les personnages humains et animaux non humains (voir très particuliers dans Adieu Alice, adieu Sweetheart). Surtout, dans ces nouvelles comme dans plusieurs romans de Fajardie, les animaux ne sont pas juste là pour la décoration ou pour amuser la galerie. Ils servent de témoins, et plus encore, de révélateurs de la société humaine et de ses turpitudes.

Un militantisme fin

Il suffit de regarder d'où viennent les nouvelles regroupées dans ce recueil pour se rendre compte de son caractère militant: Article 15, paragraphe 1 provient de le Castor astral, ouvrage collectif publié au profit d'Amnesty International, Supplique pour l'élévation d'un monument à la mémoire du sans-papier inconnu a était initialement publié « à titre militant » dans Témoignage Chrétien, I will survive dans Sortons couverts, un ouvrage au bénéfice de la recherche contre le SIDA, Sans toi, ni toit ni lois dans le recueil Écrivains et sans-papiers…

Le militantisme des nouvelles de Fajardie peut parfois être très direct mais sa véritable force est plus subtile. Il y a effectivement certaines des nouvelles directement engagées de par leur évidente thématique militante, voir qui mettent en scène des militants. Mais tout comme pour les romans de l'auteur, l'intérêt militant ne s'arrête pas là. le plus important, c'est la conception même de la société et des rapports entre les gens dont font montre les nouvelles. Je ne vais pas revenir sur ce que je disais ci-dessus (cf Noir c'est noir…) mais il s'agit là de quelque chose de fondamental. Ce qui est engagé dans une nouvelle noire, ce n'est pas tant ce qu'elle raconte que la conception de la société qui la sous-tend. Une nouvelle qui parlerait de grève et de manifestations mais qui expliquerait la société et ses évolutions par le caractère, les qualités et défauts des individus serait bien moins pertinente d'un point de vue militant qu'une nouvelle noire comme celles que nous livre ici Fajardie, qui peut parler d'amour et de crimes crapuleux mais dévoilera les enjeux de société, les déterminismes, la manière dont les comportements individuels sont le produit de l'organisation de la société, comportements qui eux seuls (et non les idées abstraites) modifient à leur tour cette organisation sociale. Entre idéalisme et matérialisme, voilà l'opposition structurelle dans les littératures policières comme chez les militants. Adieu Alice, adieu Sweetheart appartient indubitablement à la littérature matérialiste.

Un grand nombre des nouvelles de ce recueil abordent des thèmes qui peuvent passer pour consensuels chez les progressistes (du moins qui le pouvaient avant que l'ensemble du champs politique ne décide de se livrer une interminable course à l'échalote réactionnaire dont le racisme et la xénophobie sont sûrs de terminer sur le podium) comme l'antiracisme, l'antifascisme, la prévention contre le SIDA… D'autres nouvelles, ou parfois les mêmes, mettent en avant des positions plus clivantes et clairement liées à un camp social, les flics et les patrons par exemple en prenant pour leur grade à plusieurs reprises. Surtout, Fajardie n'hésite pas à sortir des sentiers que l'on entend voir battre une personne de gauche. Quand ils parlent de la seconde guerre mondiale, il balance évidemment sur les nazis et les collabos, mais il n'hésite pas aussi à égratigner sérieusement les résistants et les alliés. Les « communistes » du PcF stalinisés prennent également leur content de gnons ou encore l'idole de la gauche intellectuelle Jean-Paul Sartre, invectivé avec une belle verdeur rafraîchissante (mais qui fait chaud au coeur, allez comprendre).

L'écriture propre aux plus grands

Je ne sais pas trop ce que sont le talent en littérature ou encore le style en écriture, mais je sais les reconnaître quand j'y suis confronté. Fajardie est un orfèvre en la matière.

Les zélateurs du point-virgule, les laudateurs du plus que parfait du subjonctif et les thuriféraires des descriptions à rallonge (qui démontrent juste que leur auteur ne sait pas s'exprimer clairement) trouveront son écriture trop simple. Les bourgeois qui répugnent à parler de la violence parce qu'ils l'exercent plus qu'ils ne la subissent, qui jugent trivial de parler de la vie quotidienne à laquelle ils prétendent échapper trouvent l'écriture de Fajardie vulgaire. Grand bien leur fasse, je suis content de ne pas partager avec eux l'appréciation d'une écriture à la sobriété travaillée, à la précision absolue, au réalisme frappant, à la poésie omniprésente. Si vous pensez que cette sobriété parfaite est plus simple à produire que les fioritures alambiquées, vous vous fourrez le doigt dans le lampion jusqu'au coude. Et quand bien même ça demanderait moins de boulot, le résultat étant meilleur, le talent déployé n'en serait que plus grand.

Le talent de Fajardie n'est pas purement stylistique, même si c'est une des cordes à son arc qui lui permet le plus de faire mouche. Il est également sans pareil pour jouer avec les émotions et les sentiments. Certains aiment parler de « l'ultra-violence de Fajardie », ça me semble assez inique. de la violence, il y en a dans ses bouquins, puisqu'il n'y décrit pas le feutré des salons, mais elle n'est jamais gratuite. Ce n'est pas la violence de Fajardie, mais celle de la vie qu'il sait retranscrire. Pour autant, s'arrêter à cette violence, c'est prendre l'écume pour la mer. Les nouvelles de Fajardie transpirent l'amour, l'amitié, la nostalgie, l'espoir, déçu ou non et mille autres choses encore.

Une autre de ses caractéristiques, c'est un humour varié. Certaines des nouvelles de ce recueil sont à la limite du burlesque, d'autres recèlent des blagues raffinées. Son habilité à ridiculiser les salopards en tout genre est impressionnante mais la force de son humour c'est d'être alterné, voir parfois mêlé à ce qui ne nous donne absolument pas envie de se bidonner. Des nouvelles comme Épuration sélective ou Sans toi, ni toit ni lois font rire autant qu'elles font froid dans le dos (ce qui n'est pas peu dire) alors qu'avec Valse brune (qui résonne fortement avec l'actualité très récente), question glaciation dorsale on est servi, mais il faudra attendre quelques heures après avoir terminé la lecture pour être capable d'actionner ses zygomatiques. Fajardie met aussi sa capacité à jouer avec et sur les mots au service de cet humour. On le voit ici particulièrement au travers de le très oulipien début de Square des 13-Mais mais aussi de manière plus discrète par exemple dans le choix des noms propres de la nouvelle Adieu Alice, adieu Sweetheart où ce qui pourrait passer pour une simple blague sert en fait à donner du sens, à abonder le message général de la nouvelle (que ce soit le personnage cité de Mary Bonny, contraction des noms des deux femmes pirates supputées amantes Anne Bonny et Mary Read, allusion qui n'a rien d'anodin au regard de la thématique de la nouvelle ou le nom attribué à un capitaine de navire qui peut même donner à imaginer une autre dimension à la nouvelle entière).

Le bonus historique

Fajardie n'a pas écrit que des romans et nouvelles noires, il a aussi écrit des romans historiques auxquels, disons le tout net, je n'ai pas accroché. Qu'on ne se méprenne pas, j'apprécie beaucoup que la majorité de son oeuvre soit ancrée dans l'histoire du temps présent (dans ce recueil encore, de nombreuses nouvelles traitent d'une des deux guerres mondiales ou encore de celle d'Algérie, y compris sur le territoire français). Sans m'étendre encore longuement sur la notion de matérialisme en littérature noire, il me parait fondamental que des actions données, des comportements donnés soient considérés comme le produit de leur époque (au sens d'organisation sociale propre à une période précise) et donc mis en perspective avec les événements historiques de cette période.

Non, ce qui m'a pour le moins peu emballé, c'est sa série de romans dont l'action est située au XVIIè et XVIIIè siècle parus de 2001 à 2007. On trouve dans ce recueil deux nouvelles dont l'action se déroulent dans cette période et qui, si l'on considère qu'elles ont été écrites dans les années qui la précède tout juste, peuvent être vues comme précurseurs de cette série de romans. Et bien, si je parle de bonus, ce n'est pas seulement parce que leur présence parachève le côté échantillon de Adieu Alice, adieu Sweetheart mais parce qu'en plus je les ai appréciées. Peut-être qu'en matière historique, ce sont aussi les récits les plus courts les meilleurs.
Lien : https://romancerougenouvelle..
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Vidéo de Frédéric H. Fajardie
Chronique consacrée aux grands noms de la littérature policière, et animée, depuis octobre 2018, par Patrick Vast, dans le cadre de l'émission La Vie des Livres (Radio Plus - Douvrin). Pour la 34ème chronique, le 08 janvier 2020, Patrick présente l'auteur français Frédéric H. Fajardie. Patrick Vast est aussi auteur, notamment de polars. N'hésitez pas à vous rendre sur son site : http://patricksvast.hautetfort.com Il a également une activité d'éditeur. À voir ici : https://lechatmoireeditions.wordpress.com La page Facebook de la Vie des Livres : https://www.facebook.com/laviedeslivres62
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