A Villeneuve-sur-Marne, les derniers pavillons sont remplacés par des immeubles d'habitation et de bureaux. Seul un quartier surnommé la «Réserve» a échappé à la voracité des promoteurs immobiliers. On y trouve le Café du Pauvre, un débit de boissons anachronique. Oubliez l'ambiance lounge, les écrans plats et les cocktails à 15 euros. Ici, le patron vous sert un vin de pays, la patronne vous prépare un boeuf miroton et le sol est couvert de sciure. Accoudés au zinc, quatre copains font du tapage en éclusant des verres de beaujolais. Ca discute, ça s'engueule et ça plaisante bruyamment. le plus âgé, c'est Camadule, un brocanteur qui passe plus de temps au bistrot que dans son commerce. A sa droite, Captain Beaujol, un ancien militaire aux propos amers et à la soif inextinguible. Viennent ensuite Debedeux, un cadre réformé qui a encore fière allure dans son costume défraîchi, et Poulouc, un jeune bien décidé à en faire le moins possible. L'ambiance est à la franche camaraderie, entre «les copains d'abord» et «un éléphant ça trompe énormément». le roman distille sa philosophie faite d'esprit canaille, de chaleur humaine et d'anarchisme débonnaire. Les personnages assument d'être des « bons à rien » et choisissent de vivre hors de la modernité galopante et de l'uniformisation. Ce sont des «Naufragés de la Méduse industrielle», des proscrits de la «start up nation», les précurseurs du Groland. Ils préfèrent se serrer les coudes autour d'un comptoir, boire plus que de raison et passer leurs journées à jouer à la belote et au 421. René Fallet nous vante un art de vivre décalé noyé dans le gros rouge qui tâche mais qui ouvre les coeurs. Une parenthèse éthylique et amicale qui enraye les mécanismes d'une société en marche. A consommer sans modération.
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Magnifique ! Une ode à la liberté, à la simplicité et à l'amitié face à la modernité aseptisée, froidement rationnelle, uniformisante et concentrationnaire (bon, elle a aussi quelques côtés pas mal la modernité...). Mon livre de Fallet préféré.
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