Dès ses premiers mots, ses premières phrases, dès ses premiers temps et contretemps, il semblait que cette sonate héroïque ne dusse pas résonner plus remarquablement que celle que son auteur, en 1950, avait qualifiée de tragique.
Mais la littérature, comme la musique, réserve parfois bien des surprises.
"La sonate héroïque" est un recueil de trois longues nouvelles.
La première, "Amour" est dédié au comte De La Varende, un frère.
La seconde, "le soldat d'Attila" à André Humbert, en admiration.
C'est la troisième, "Amitié", dédiée à l'ami G.J. Jonckbloedt de Juge, qui fait tout le piquant du recueil.
Des deux premiers textes, il y a peu à dire : ils sont écrits honorablement mais sans grand talent déployé.
Il se pourrait même que la plume de Claude Farrère s'y soit ennuyée.
Puis s'annonce le "Rondo con fuoco", une troisième nouvelle, longue d'un peu plus d'une cinquantaine de pages.
L'un a le talent, l'autre le génie.
Présentés, en 1901 ou 1902, dans un de ces salons littéraires qui foisonnaient à Paris en ce temps là, ils se rencontrèrent, pour la première fois, à vingt-cinq ans.
Ils se retrouvèrent, sept ans plus tard, dans une réception très secrète, de grand goût et vaguement ahurissante.
De l'amitié offerte, un baiser donné en publique, un grand amour gâché, Claude Farrère fait le compte de sa relation avec Colette.
Ils ne seront, ici, nommés ni l'un, ni l'autre.
Mais derrière l'art du portrait que possède la plume de Farrère, la silhouette de Colette ne peut se dissimuler.
L'hommage est splendide, c'est celui d'un homme amoureux.
Cette nouvelle, "Amitié", est un petit bijou glissé discrètement dans l'oeuvre dense et riche de Farrère.
Pareil au sentiment qui semble avoir uni ces deux "monstres" de la littérature, elle peine à dire son nom : son titre est un cri de pudeur.
"Tu m'as aimée, je t'ai aimé", écrit Colette dans sa dernière lettre à Farrère, "je te pardonne tout, parce que tu m'as écrit une très belle lettre, une très folle lettre, sans du tout réfléchir que tu es vieux, que je suis vieille, qu'en écrivant une magnifique déclaration tu te couvrais de ridicule, ce qui est très brave, très digne de toi, et même de nous".
Toute leur existence, l'un a eu peur, l'autre a fui.
A l'hiver de leur vie, ils se sont trouvés tout de même.
Et j'ai retenu mon souffle, tout au long des mots qui restent de cet amour perdu ...
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J'étais là, j'ai tout vu.
En y réfléchissant, si je n'avais pas vu, je ne croirais pas.
Je ne m'attends pas donc à être cru.
Traitez-moi de menteur, si bon vous semble.
Mais je vous préviens que, sur moi, l'injure glissera ...
Et sais-tu ?
Tu m'as aimée, je t'ai aimé, et nous avons écrit "des choses" qu'on relira encore quand les vieux savants seuls épelleront avec difficulté les noms des chefs d'armées et des conducteurs de peuples qui se croient actuellement "les maîtres de l'heure".
Ceux qui dureront, c'est toi, c'est moi, parce que l'amour a passé entre nous, parce que j'en ai eu peur, parce que je t'ai fui et que, finalement, tu m'as trouvée tout de même ...
Je n'aime pas la terre, parce que le vent y fait de la poussière au lieu d'y faire des embruns, et que la pluie y fait de la boue, au lieu d'y laver le sel ...
Ne t'aventure jamais à décider ce qui rend ou non une femme orgueilleuse ...
Claude Farrère :
La maison des hommes vivantsOlivier BARROT, installé dans une chambre, présente une réédition de "
La maison des hommes vivants" en poche Librio ; une histoire
fantastique écrite par
Claude FARRERE, auteur populaire, élu à l'Académie française.