Elle dormait encore, mais elle avait la sensation de sortir de son sommeil, de s'élever de son sommeil, exactement comme un ballon, comme si elle eût été un poisson rouge dans un bocal de sommeil tout rond, montant, montant toujours, jusqu'à la surface à travers les eaux chaudes du sommeil. Et alors, elle se réveillerait.
En effet, elle était réveillée, mais elle n'ouvrit pas les yeux tout de suite. Elle préféra rester tranquille, bien au chaud dans son lit, et il lui sembla qu'il y avait encore un autre petit ballon à l’intérieur d'elle-même et qu'il grossissait, grossissait et montait, montait. Bientôt, il lui arriverait dans la bouche et puis il sortirait et filerait tout droit au plafond. Et ce petit ballon grossissait, grossissait, et elle sentait des picotements dans tout le corps, dans les bras, dans les jambes, comme si elle venait de manger de la menthe poivrée. Qu'est-ce que ça peut bien être ? se demandait-elle, les yeux toujours fermés, essayant de se rappeler la journée d'hier.
Ils continuèrent , passèrent devant le château et, un peu plus loin, ils arrivèrent à un arbre étrange en bordure de la route. C'était un arbre blanc et, tout d'abord, ils le prirent pour un cornouiller un fleur. Mais, quand ils furent tout près, ils virent que c'étaient les feuilles qui étaient blanches.
- Quel drôle d'arbre, dit Dulcie. Quelle espère d'arbre c'est-il?
- C'est un - un mellomax, dit le petit vieux. Y'en a des tas dans la forêt.
- J'avais encore jamais vu d'arbre avec des feuilles blanches, dit Dulcie, et elle arracha une des feuilles, et aussitôt qu'elle l'eut touchée, la feuille changea de couleur et devint d'un bleu ravissant. Puis tous arrachèrent une feuille à l'arbre. (...)
- C'est la couleur des souhaits de chacun, leur dit le petit rouquin. (...)
- Non, non, répondit le petit vieux, c'est pas l'Arbre aux souhaits. J'y suis allé assez souvent à l'Arbre aux souhaits. Celui-ci c'est un mellomax.
- Je voudrais bien qu’on le trouve bientôt cet Arbre à Souhaits. C’est ça que je voudrais, dit Dulcie.
Eh bien, elle l'avait son oiseau, même si ce n'avait été qu'un rêve, et le bon Saint François avait dit que si on était compatissant envers les pauvres êtres sans défense, il n'était pas besoin d'avoir un Arbre aux souhaits pour que les choses se réalisent. Et l'an prochain, elle aurait un autre anniversaire et, si elle pensait simplement à monter dans son lit le pied gauche le premier et à tourner son oreiller sens dessus dessous avant de s'endormir, elle pouvait s'attendre à tout.
- Qui c’est-il qui a gagné la guerre où que vous étiez ? demanda Dulcie.
- Ben, j’sais pas, répondit le petit vieux. C’est pas moi, en tout cas.
- Eh ben, dit le petit vieux, j’suis rudement content de l’avoir retrouvé mon Gillipus. C’est le mieux réussi de tous mes Gillipus.
J'ai encore jamais vu un soldat qui ait gagné quelque chose dans une guerre.