Je ne m'attendais pas tout à fait à cela en achetant "Le Passeur". J'étais même assez loin du compte: alors que je venais d'inaugurer ma nouvelle liseuse, c'est en flânant sur la boutique Kobo que je tombe sur "Le Passeur". Jusque-là, tout va bien, mais lorsque je lis la quatrième de couverture, ceci ressemble bien à un recueil de nouvelles de
Mélanie Fazi. Je me suis alors empressé d'acheter le recueil, tant mon envie de découvrir cette auteure est forte (je ne fais que croiser son nom dans diverses recommandations).
Bon, je vous le donne en mille: "Le Passeur" n'est en fait qu'une unique nouvelle, extraite du recueil "
Serpentine" qui a d'ailleurs donné lieu à la fameuse quatrième de couverture. Je n'ai pas trouvé le procédé ultra-fin, mais bon...
Alors la critique sera rapide, puisque cette histoire d'une trentaine de pages mérite d'être prolongée par bien d'autres lectures de l'auteur. Je ne peux effectivement pas vous donner d'avis tranché, tant l'univers et le style de
Mélanie Fazi, clairement perceptible et très prometteur de nouvelles lectures, ne se déploie finalement que peu (30 pages, c'est un peu court).
Cela n'empêche que cette nouvelle fut une lecture assez agréable. Histoire d'un homme, peintre de son état et passionné, qui tente de vivre avec la culpabilité d'un meurtre, celui de sa muse. Rebecca, femme aimée, désirée, consommée, objet de tous les fantasmes et créatrice finalement de notre narrateur; Rebecca, qui maintenant qu'elle n'est plus, se révèle enfin et vient tourmenter notre narrateur meurtrier-artiste. Et s'ensuit donc une descente rapide mais efficace dans la folie, une folie dont Rebecca a banalisé les frontières.
L'écriture est particulièrement raffinée, et l'univers de
Mélanie Fazi est riche d'une poésie macabre qui me correspond tout à fait. Les thèmes sont sombres mais magnifiés par ce style élégant. Les images sont puissantes, fortes en émotion (je pense par exemple aux scènes où le narrateur écrit le nom de sa muse sur les ponts...).
Une lecture tout à fait agréable, donc, qui nécessite cependant d'en lire plus. Difficile de fonder une véritable avis sur ces quelques dizaines de pages, même si naturellement, j'aurais tendance à être très optimiste. Rajoutons à cela une nouvelle qui, même si elle déborde d'esthétique et de jolis passages, ne peut s'empêcher d'être anecdotique. Et je me pose donc la question que je me suis déjà posé avant la lecture: est-ce vraiment malin de publier cette nouvelle individualisée, extraite du recueil "
Serpentine"? Si je ne vois absolument aucun obstacle à l'idée de publier une nouvelle indépendamment, encore faut-il qu'elle parvienne à se soutenir seule. Je suis à peu près certain qui "Le Passeur" m'aurait complètement ravi au milieu d'autres histoires, dévoilant petit à petit un univers onirique et macabre formidable.
Mais bon!