Toute lecture invite à une histoire intime, laissant errer nos humeurs vers des univers inextricables venant plonger notre esprit dans un abime lointain comme
Neige de
Maxence Fermine, réveillant la douceur des songes de nos espérances et de la mélancolie de l'amour. La poésie est une ballade dans le creux de votre chair en exaltation de vie, c'est un frissonnement léger, une courbe sinusoïdale sans fin vers la sublimation des sens, la japon a cette délicatesse et cet art du Haïku, poème court que magnifie
Maxence Fermine dans ce court premier roman
Neige, édité en 1999.
Maxence Fermine est un auteur français de plusieurs romans,
L'Apiculteur a reçu le prix del Duca et celui Murat en 2001, il est un auteur prolixe, ses romans sont appréciés par sa poésie,
Neige est un hommage au Haïku. C'est la forme poétique la plus courte du monde, se composant de trois courtes phrases à la métrique de 5.7 et 5 syllabes, son origine est au temps du « tanka », son nom « haïkaï-hokku », communément concentré par sa dénomination Haïku,
Bashô Matsua, un moine bouddhiste qui sera le codifier et lui donner ses lettres de noblesses. Ses règles sont simples, c'est un écho redoublé ou une respiration suspendue, présence des saisons, c'est une philosophie de sincérité, de beauté, de tendresse, de vérité, tendresse de la nature… Un murmure de vie simple !
Petit vers « Rien que du blanc à songer » sont empruntés à la description que fait
Rimbaud de son passage à pied, dans la
neige du Saint-Gothard, son voyage " Autour de Chamechaude ", est ce petit préambule poétique du petit génie de Charleville de
Neige, j'aime ce petit écho à notre Arthur.
L'histoire est simple, celle d'un jeune japonais de 17 ans, au XIX e siècle, désirant devenir un haidjin, amoureux de la
neige, qui est son inspiration. Yuko se refuse d'être dans la religion ou l'armée comme la tradition familiale, chagrinant son père qui lui assène.
« La poésie n'est pas un métier. C'est un passetemps. Un poème, c'est une eau qui s'écoule. Comme cette rivière. »
Cette passion pour la
neige et le haïku sont pour ce garçon immuable au reste de la vie qui l'entoure, comme un oasis dans un désert. Une onde légère cristalline le traversant dans sa recherche de l'absolue pureté le pousse dans le vagabondage du murmure de la blancheur de la
neige et la création divine de ces Haïkus gravés sur des feuilles de soie. Ce leitmotiv de son inspiration unique de la
neige ne cesse d'être répété. le Haïku est un moyen d'immortaliser et de célébrer sa passion maladive pour la
neige, mais il ne voit pas les autres éléments, comme le lézard, le papillon, les cerisiers en fleurs, la chanterelle faisant partis des autres saisons, il ne voit que le blanc immaculé de l'hiver, les couleurs n'existe pas, ce blanc est le manque de couleur. Il s'enferme dans une vision unique, il occulte certain aspect de la vie, de cette vision parcellaire, il en devient un être incomplet.
Il promet à son père d'écrire que sur l'hiver, 77
poèmes, il a en adoration le chiffre sept, qu'il considère comme « magique », ce chiffre de vie est celui de la connaissance, de la curiosité par excellence, il symbolise aussi l'analyse intérieure et la recherche de la perfection, nous le retrouvons sous différente forme dans ce roman, il a sept chats, il veut s'isoler 7 ans avant d'être digne de rejoindre la cours, il écrit 77 Haïkus par an, 17 pieds, c'est à l'âge de 17 ans qu'il s'affirme comme poète.
Cette vision unilatérale de l'hiver magnifiée par ces compositions si magistrale ne l'empêche pas d'éprouver des attirances physiques comme avec la jeune fille de la fontaine, dévoilant par mégarde un de ses seins, blanc comme la pureté de la
neige, elle le dépucela, firent l'amour sept fois une autre fois sous la ramure d'un cerisier, puis la rejeta avec soupir de lassitude. Notre jeune Yuko tombe sous le charme sauvage de la fille accompagnant le poète de la cour Meiji, pour tomber amoureux d'une inconnue européenne emprisonnée dans son cercueil de glace à la chevelure de la blondeur du blé, lors de son périple dans les Alpes Japonaise.
Rencontrant un émissaire du palais, pour devenir poète de l'empereur, le prêtre lui conseille d'ouvrir son horizon vers les couleurs et les autres formes d'art, comme la peinture, la musique, la poésie, la calligraphie et la danse. Ce prêtre l'envoie à rencontrer à l'autre bout du Japon un Maitre pour lui enseigner ces arts multiples, Soseki, ancien samouraï, devenu aveugle. Ce périple aura pour notre jeune Yuko, des conséquences subtiles et initiatiques dans sa perception du monde, la rencontre de son maitre, d'un amour impossible avec cette créature, cette femme morte de froid dans son mausolée de glace, et son amour.
Cette femme prisonnière de la glace est la femme de Soseki, c'est une funambule européenne, rencontré lors de l'une de ces représentations au Japon, ils auront une fille de cette union, elle mourra lors d'un ultime spectacle, son nom est
Neige, une française en quête d'absolu seule sur son fil d'acier en équilibre comme Yuko avec ses Haïkus, cette créature est le lien entre Yuko et l'écriture, elle devient ce symbole,
Maxence Fermine en définit l'art de l'écriture.
« En vérité, le poète, le vrai poète, possède l'art du funambule. Écrire, c'est avancer mot à
mot sur un fil de beauté, le fil d'un poème, d'une oeuvre, d'une histoire couchée sur un papier de soie.
Écrire, c'est avancer pas à pas, page après page, sur le chemin du livre. le plus difficile, ce n'est pas de s'élever du sol et de tenir en équilibre, aidé du balancier de sa plume, sur le fil du langage. Ce n'est pas non plus d'aller tout droit, en une ligne continue parfois entrecoupée de vertiges aussi furtifs que la chute d'une virgule, ou que l'obstacle d'un point. Non, le plus difficile, pour le poète, c'est de rester continuellement sur ce fil qu'est l'écriture, de vivre chaque heure de sa vie à hauteur du rêve, de ne jamais redescendre, ne serait-ce qu'un instant, de la corde de son imaginaire. En vérité, le plus difficile, c'est de devenir un funambule du verbe. »
Ce Haïku est ce petit bijou que
Maxence Fermine avec ce roman sublime de sa splendeur en lui rendant ces lettres de noblesse. J'ai un recueil de Haïku, Anthologie du poème court japonais, le lisant de temps en temps pour ce susurrement intime venant accompagner cette nature qui respire mon coeur et cette vie vagabonde. Dès le début
Maxence Fermine, nous propose des vers de
Bashô et d'Issa, et dans les mots Yuko également, comme :
« Un matin, le bruit du pot d'eau qui éclate dans la tête fait germer une goutte de poésie, réveille l'âme et lui confère sa beauté. »
Il y a aussi une forme de parallèle entre la vie du maitre
Bashô et le jeune Yuko,
Maxime Fermine transcende au coeur même des origines du Haïku, par cette similitude, cet enchevêtrement des vies du Maitre et du jeune Yuko, refusant de suivre les traces de son père, attendant 7 ans pour rejoindre le palais.
C'est un court roman d'une
poésie sensuelle, un roman initiatique, la découverte de soi à travers l'amour, celui de Yuko et de la fille de son Maitre et de
Neige, Flocon du printemps, l'amour de
Neige et de Soseki, une ode à la nature à travers le Haïku, cette magnificence de cet art Japonais, ce murmure de 17 pieds, une mélodie soyeuse résonne dans les mots de
Maxence Fermine, c'est un conte féérique sur l'art de vivre, nous sommes-nous pas soit acteur ou funambule de notre vie ! Et vous alors….