AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
3,19

sur 600 notes

Critiques filtrées sur 5 étoiles  
Ouf! J'abandonne enfin Les jours de mon abandon..

Une lecture marquante, une écriture magistrale- mais une épreuve, une véritable souffrance- physique- jusqu'à la nausée, jusqu'au malaise...

A priori, rien que de très banal: le récit à la première personne d'une "femme rompue", Olga, mère de deux jeunes enfants, quittée, après quinze ans de mariage, par un mari attentionné et brillant qui soudain la rejette pour aller vivre avec une jeune femme de vingt ans. Olga se retrouve à Turin, elle, la méridionale, avec ses deux enfants et Otto, le chien-loup, livrée à sa douleur, à sa colère, à sa folie...

Le récit est tout de suite étrange: l'écriture, soignée, au "passato remoto", avec incises distinguées par leurs inversions du sujet (type "pensai-je, m'aperçus-je") , est comme percutée de l'intérieur par des éclats de folie, de brusques accès d'obscénités, de violentes bouffées d'odeurs , des agressions sonores et verbales.

Le monde d'Olga se fissure comme sa raison: les serrures se rebellent, les fourmis grouillent, les enfants vomissent, les chiens s'empoisonnent, les téléphones se cassent, les amis fuient..

Les comparaisons, les images elles aussi décrochent, et on sent la langue, comme la narratrice, gagnée progressivement par une déréliction inquiétante, dangereuse.

Les objets sont eux aussi détournés de leur fonction: une pince à linge sur un bras, un coupe-papier dans un genou servent -follement- à tenter de reprendre pied dans la réalité, un marteau à appeler au secours, un permis de conduire à assouvir sa frustration sexuelle...

Dans ce huis-clos de folie, les deux enfants errent, pas rassurés, le chien, lui , agonise, et le voisin- mélancolique silhouette à la Giacometti, prolongée par l'ombre de son violoncelle- devient de plus en plus proche, alerté, inquiet..

Nous aussi.

Je ressentais un tel malaise en lisant que j'ai dû m'arrêter plus d'une fois, et faire quelques incursions dépaysantes dans des univers moins entropiques...mais j'y revenais toujours, aimantée par cette écriture étonnante, cette façon si sombrement originale d'entrer à vif dans la douleur d'une femme.

Le récit est très bien composé: lente montée, par paliers, d'une vertigineuse angoisse, qui culmine lors d une nuit caniculaire de ferragosto, interminable et proprement atroce, puis lentement, comme un plongeur remonte des fonds, on décompresse, la normalité reprend ses droits, la rationalité aussi, le chagrin s'apaise, les gens se réhumanisent, les gestes se contrôlent, les objets reprennent leur place sur les étagères...La crise est passée...

Mais on sort proprement essoré de cette expérience : on a le sentiment d'avoir accompli un voyage "fantastique" -au sens que lui donne Todorov- non seulement dans l' âme d'une femme blessée mais aussi dans le quotidien halluciné de son appartement , tout peuplé de ses hantises -ah, cette "poveretta" napolitaine qui revient tel un fantôme, un alter ego..

Quand la vie, comme on dit, reprend ses droits, on se pince, nous aussi, et on se donnerait même une légère estocade de coupe-papier pour s'assurer que le cauchemar est bien fini...
Commenter  J’apprécie          11939
L'histoire commence ainsi : "Un après-midi d'avril, aussitôt après le déjeuner, mon mari m'annonça qu'il voulait me quitter". Ce mari pour qui Olga a sacrifié beaucoup d'elle-même et particulièrement sa passion, l'écriture. Quinze ans de vie commune, 2 enfants, un bel appartement, une existence sereine et confortable, tout cela est pulvérisé du jour au lendemain. L'homme avec qui elle se voyait vieillir ne veut plus d'elle. Olga n'existe plus. Elle devient juste "une poverella", une femme abandonnée, une femme brisée, comme cette voisine d'enfance dont le désespoir la hante encore. Elle sombre. C'est une longue chute dans le chagrin, la dépression, la folie. Elle entame une descente aux enfers durant laquelle les évènements eux-mêmes semblent se liguer contre elle : son petit garçon tombe malade, sa fille lui tient des propos blessants avant de la mutiler avec un coupe-papier, son chien meurt empoisonné, tandis que les objets se transforment en ennemis : le verre devient coupant, les serrures se bloquent, le téléphone ne fonctionne plus... le sang jaillit, plusieurs fois. Elena Ferrante décrit avec beaucoup de profondeur et de subtilité cet état de crise où la moindre difficulté prend des proportions gigantesques et durant laquelle la révolte, la fureur, la violence et l'obscénité prennent possession d'une femme jusque là parfaitement normale et éduquée. Ah, la génialissime scène où elle se déchaîne contre son mari en pleine rue... L'auteur fouille sans aucun tabou l'âme d'Olga, cette femme qui se débat face à la perte et les années qui passent, face à son désespoir, ses désirs, ses aspirations et ses angoisses. Cette femme qui fait semblant d'être forte, qui ne veut pas sombrer, qui perd pied mais qui s'accroche. Car Olga n'est pas brisée. Olga assume ses enfants, sa solitude, ses journées vides. Olga se relève. Olga analyse son couple, ses sentiments, remonte le fil, cherche à comprendre. Et finit par réaliser qu'il n'y a rien à comprendre, que la vie suit son cours, que les gens qui s'aiment peuvent ne plus s'aimer, qu'elle reste entière et finalement beaucoup plus libre et forte que son mari qui n'a pas eu a traverser ce long désert.
Le texte est d'une grande justesse, le rythme haletant, les images très fortes : la longue et terrible journée où le désespoir et la folie d'Olga atteignent leur paroxysme est aussi celle qui verra sa délivrance. Un magnifique roman que j'ai lu très vite, qui m'a bouleversée et puis étrangement apaisée, comme la vague qui laisse le sable lisse en se retirant.
Commenter  J’apprécie          300
Mario quitte Olga. Elle a trente-huit ans et deux enfants en bas âge. Elle a abandonné ses rêves de carrière littéraire pour soutenir son mari; et elle, qui avait cru être une femme libérée, se retrouve vide de tout. Elle dérive et s'enfonce dans une folie qui l'écrase, qui l'asphyxie complètement. Elena Ferrante nous décrit à la première personne, dans un quasi huis-clos, l'histoire d'une femme qui perd pied...

Une analyse sans compromis de ce qu'est l'amour conjugal, de ce qui fait la vie d'adulte. J'ai adoré.
Commenter  J’apprécie          150
Si vous avez quelque sensibilité littéraire et êtes ouvert(e) à un horizon qui ne trouve place dans aucune case préétablie, exprimant ici, parfois brutalement, parfois en suggestion, les affres d'une personnalité torturée, celles d'une femme en proie au séisme viscéral de l'abandon - voire vous reconnaitrez en elle?- alors n'hésitez pas, entrez dans l'univers d'Elena FERRANTE. Approchez-la du bout des yeux avant d'être conquis(e)....
Commenter  J’apprécie          150
Une femme que son mari vient de quitter perd pied.
Après l'annonce, c'est le tourbillon : questionnements, colère, angoisse, apathie, refus de la réalité.
Sa confusion devient vite contagieuse et c'est d'ailleurs le tour de force de ce roman : happer le lecteur dans cette spirale destructrice au point de le laisser aussi exsangue que la narratrice.
Pourtant cette séparation aurait pu me laisser de marbre. C'est pile le genre de scénario qui ne me touche pas vraiment, a priori.
Sauf que l'on sombre ici dans une agitation qui flirte avec la folie, parfois furieuse. Cette perte de contrôle, mélange d'abattement et de destruction, au point de négliger les enfants, m'a captivé.
Rarement j'aurai eu autant la sensation d'être dans la tête d'un personnage. Je lisais avec l'impression d'être boxée, le souffle court, anxieuse dans mon canapé.
C'est probablement le genre de roman avec lequel « ça passe ou ça casse ». Avec moi c'est passé comme un rouleur compresseur en pleine lancée.
Ravie d'avoir enfin découvert cette écrivaine !
Commenter  J’apprécie          40
Remarque de ma voisine de train : "Vous lisez quoi ? Cela à l'air très captivant, vous êtes totalement absorbé par votre lecture, rien ne vous perturbe"...
Et c'est le cas, ce roman est dangereux !!! Perturbant, impossible de s'arracher à cette descente morbide. Mais le pire est que c'est beau... Elena FERRANTE nous fait vivre les tourments de Olga au travers d'une saine écriture que cela en devient troublant. Pas besoin d'hémoglobine ou d'un esprit tortueux avec une analyse psy ou de la haute technologie, simplement une vie normale qui déraille.
Cela pourrait être la notre...
Commenter  J’apprécie          40
Un roman de la celebre Elena Ferrante antérieur à la trilogie qui connaît un succès planétaire
Une femme quittée par son mari ,s effondre et frise la folie...thème maintes fois rebattu et pourtant on est emportée...
Preuve (si c était nécessaire) de l immense talent de cette écrivaine
Commenter  J’apprécie          30
Commenter  J’apprécie          20
Un roman inoubliable de par sa justesse dans la description des sentiments, tantôt flous, tantôt précis, de cet jeune mère abandonnée . La chaleur étouffante de l'été ajoute l'impression d'immobilité du temps, d'impossibilité d'entrevoir une évolution favorable. Et pourtant.
Évidemment ce n'est pas spécialement facile à lire, quoique très bien écrit, car la réalité de la vie de la narratrice n'est vraiment pas agréable.
Je recommande ce roman comme un roman phare de la littérature actuelle.
Commenter  J’apprécie          20
La couverture du Folio est parfaitement choisie : une femme qui sombre dans un appartement qui se disloque parce qu'elle n'était que femme par ..., que femme de ..... Comment écrire une pareille douleur sans l'avoir vécue ? un tourbillon qu'on ne lâche pas. Une situation dans l'excès ? Non. J'en ai connu qui se sont suicidées ... comme la "Pauvrette" du début du roman ...
Commenter  J’apprécie          20




Lecteurs (1542) Voir plus



Quiz Voir plus

L'amie prodigieuse, le quiz !

Elena Ferrante est le pseudonyme de Erri De Luca, le véritable auteur des romans.

Vrai
Faux

10 questions
335 lecteurs ont répondu
Thème : Elena FerranteCréer un quiz sur ce livre

{* *}