Une si grande espérance

L'auteure est historienne et nous présente quatre récits d'évènements méconnus qui se sont passée en Suisse pour trois d'entre eux ou en Allemagne, mais la Suisse a sûrement été touchée aussi. Ces récits sont en lien avec l'histoire du christianisme et adoptent un point de vue catholique. Ils ont pour thème commun l'espérance et la foi catholique qui donnent à leurs héros la force de déplacer les montagnes. Il ne s'agit pas de fiction comme l'atteste la bibliographie en fin de volume, mais bien d'évènements survenus à la fin du Moyen Age et jusqu'à l'aube du dix-neuvième siècle pour le premier d'entre eux.

Le récit venu d'Allemagne via la Hollande se passe durant la terrible guerre de Trente ans qui décimera l'Europe et en particulier l'Allemagne entre 1616 et 1648, donnant naissance à l'Europe moderne par la suite. Comme si cette guerre qui tuera autour de huit millions de personnes dans les deux camps ne suffisait pas, la chasse aux sorcières sévissait aussi de manière féroce. Les autorités n'hésitaient pas à massacrer les populations, surtout féminines. Un des « preuves » était une pesée publique, avec une balance évidemment truquée pour démontrer que la sorcière ne pesait rien, ce qui lui permettait de voler sur son balai. Avec une telle accusation, aucun moyen d'échapper au bûcher, comme ce fut le cas de la mère de Maria, l'héroïne de cette histoire. La jeune fille traversera l'Allemagne dans des conditions dantestques pour se rendre en Hollande, pays éclairé qui ne pratique pas la chasse aux sorcières et délivre des certificats de pesée tout à fait normaux et reconnus par tous les tribunaux allemands, ce qui sauvera de nombreuses vies.

Revenons en Suisse où un jeune père, sa belle-soeur et la sage-femme du village affronteront trois longues journées de marche en montagne en plein hiver avec un bébé mort-né pour le conduire chez un ermite valaisan de la vallée de Saas qui pratique le miracle du répit. Il s'agissait d'un prétendu miracle, bien truqué là aussi où le bébé mort ressuscitait pour un court moment durant lequel on le baptisait afin qu'il puisse être enterré en terre consacrée et que son âme n'erre pas à tout jamais dans les limbes. de nombreux sanctuaires et ermitages pratiquaient ce pseudo-miracle, évidemment contre espèces sonnantes et trébuchantes, ce qui a permit entre autre de financer la cathédrale de Berne. La Réforme a bien entendu interdit ces pratiques sur ses terres, mais elles ont perduré jusqu'au début du vingtième siècle à certains endroits.

Nous assisterons aussi au procès qu'un évêque de Lausanne a intenté au quinzième siècle contre des vers blancs qui ravageaient les cultures de son diocèse. Au terme d'une procédure complexe ils ont été maudits et condamnés à vivre dans la forêt, l'histoire ne dit pas comment l'évêque s'y est pris pour faire appliquer cette sentence !

Le dernier récit se passe le long du Rhin dans la région de Schaffhouse lors de la Réforme. Ursula, la bonne du curé d'un village voisin et son fils aident les religieuses du couvent Ste Catherine à sauver les statues, tableaux et autres oeuvres d'art de la destruction perpétrée par les partisans de Zwingli, le réformateur plutôt radical de Zurich. Je connais cette région et j'imagine sans peine la difficulté de ces transports nocturnes et le courage dont ont fait preuve les pêcheurs embarqués dans cette entreprise. Etant moi-même une fervente adepte de la Réforme, ça ne m'a pas fait plaisir de voir que nous avions le mauvais rôle dans ce récit, mais il est clair qu'il y a eu des excès des deux côtés et malheureusement cela ne s'est pas limité à des destructions matérielles. A l'époque on n'avait pas du tout le même recul qu'aujourd'hui et il aurait mieux valu mettre ces oeuvres dans des musées au lieu de les démolir. Sur le fond je pense que la que le retour à l'Ecriture seule et la suppression des aspects les plus superstitieux du christianisme de l'époque est une très bonne chose.

Ce livre nous fait réfléchir sur la mentalité des chrétiens d'autrefois et leurs croyances. Ils ont été très souvent manipulés et bernés par les autorités, et l'on se demande si ces dernières y croyaient vraiment ou utilisaient la naïveté des gens pour les dominer, en particulier dans le domaine de la chasse aux sorcières, même si ce drame s'est rejoué à plusieurs reprises et sous d'autres formes au cours de l'Histoire, l'homme ayant une inclinaison naturelle au mal. L'Eglise catholique a largement abusé de sa position dominante au cours des siècles, ce qui a donné lieu à de nombreux excès, que Luther a dénoncé avec raison en 1517 dans ses nonante-cinq thèses.

Ce livre, outre son grand intérêt historique, est servi par une magnifique plume et beaucoup de sensibilité. L'auteur a su redonner vie à ses personnages et passionner ses lecteurs pour autant que l'histoire de l'Eglise les intéresse. Un grand merci aux Editions Slatkine pour ce partenariat très apprécié.
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Un petit livre reçu dans le cadre de masse critique, je remercie au passage babelio et les éditions Slatkine. Il s'agit de quatre histoires indépendantes qui se lisent bien, l'auteure, Josiane Ferrari Clément, étant licenciée d'histoire. On ressent bien sûr son érudition, et le travail de recherche pour ces récits très documentés. Il y est question de religion et de spiritualité, mais pas que, il y a aussi les croyances qui vont parfois à l'encontre de la religion dominante. Comment ne pas subir la chasse aux sorcières en obtenant un certificat de poids, comment ressusciter un enfant mort pour pouvoir lui donner le sacrement du baptême, comment sauver le trésor d'une abbaye quand on est simples moniales, et comment lutter contre un fléau qui ruine les récoltes, c'est ce que vous apprendrez en lisant ces récits. On plonge au coeur du XVIII°siècle, puis du XVI° et du XV°, dans les campagnes et le monde des petites gens, de ceux qui vont à pied, qui obéissent à leurs supérieurs et à un Dieu sans pitié. C'est assez noir, mais on apprend beaucoup sur ces coutumes d'un autre temps, pas si lointain pourtant, qui ont cependant bel et bien existé...

Ce récit en quatre histoires est un joyau de lecture. L'écriture est habile, aérienne, douée. Elle concrétise le renom de Josiane Ferrari-Clément historienne à l'université de Genève. Nous sommes en plongée dans cet arrière-monde, riche de coutumes et de rites. A la croisée des croyances qui forgeaient les hommes, légendes en plein ciel, sûres de leurs pouvoirs vitaux, dans cet existentialisme des temps passés. Dans cet écrin de l'histoire de l'humanité, la première envolée littéraire est une litanie, un chant qui porte l'espérance en vertu théologale, des mères en pèlerinage avec des jeunes enfants morts dans leurs bras, cherchant la lumière qui écartera des limbes leurs bébés. En espoir d'une résurrection dans l'espace-temps. Conté par l'auteure, on pénètre dans cet écho langagier, branches griffant les cheveux de ces passagères d'un destin prononcé. Les autres récits, historiques, véridiques en touches à peine romancées sont bouleversants et terribles dans les faits. « La balance » est aussi une métaphore. Comment une croyance peut-elle faire flancher une balance ? La sorcellerie, les rumeurs gorgées de haine attisaient les feux, femmes anéanties, cris dans la nuit noire. Ces pages délivrées par l'auteure sont mémorielles et prouvent cette réalité d'un temps pas si ancien où les forces occultes, les bouleversements de la religiosité transformaient les hommes en monstres sanguinaires. La foi était source de vie, les faits et gestes d'un temps où la violence n'avait certes pas la même forme qu'au XXIème siècle. Néanmoins, guidés par les ténèbres et l'ésotérisme, les jours sombraient dans le maléfique. Lire ces histoires c'est apprendre de l'ancien monde qui pourtant nous colle encore à la peau. C'est entrevoir ce qui reste encore dans notre contemporanéité de ces croyances ancestrales. Se poser la question ou pas ? « L'homme est un loup pour l'homme ». « Apprendre à toujours se méfier » La foi guide mais l'homme tue. A lire pour comprendre, apprendre et se retrouver. Chercher les pierres qui guident les hommes, se dire que toute l'humanité aura eu son fardeau lourd sur la conscience, par tous les temps, toutes les saisons et toutes ces années de vie sur terre et ce depuis toujours. Publié par les Editions Slatkine. Lu dans le cadre de l'opération Masse-Critique.

Quatre nouvelles qui nous font voyager dans le temps et qui mettent en scène des personnages parfois traqués, parfois en proie à une grande détresse mais qui ne vont pas se résigner. C'est l'espérance, cette vertu théologale qui avec la foi les mets en mouvement, afin de rediriger tout leur être vers la vie. Ce dynamisme qui va jusqu'à vaincre la mort, la bêtise, l'obscurantisme. Parfois je me demandais en lisant cet ouvrage, mais est-ce que l'on se base sur des faits réels ou sur une pure fiction? le statut d'historienne et la liste des sources pour écrire cet ouvrage m'ont donc ouvert les yeux sur des réalités que je connaissais mal, voire pas du tout.
De plus, ce livre est servi par une belle écriture où la poésie affleure dans toutes la pages. Il est vrai que pour mieux comprendre et apprécier ce livre, il faut avoir une bonne connaissance du christianisme. Ce n'est pas indispensable, mais cela permet de mieux comprendre les allusions à cette doctrine théologique et biblique.
Je n'aurais pas découvert ce livre si les éditions Slatkine ne me l'avait fait parvenir dans le cadre de l'opération masse critique et je les remercie car cet écrit ne m'a pas déçue et m'a fait connaître une plume tout à fait originale.