Citations sur Le sermon sur la chute de Rome (216)
Matthieu partit à la recherche de son propre chagrin mais il ne le trouva nulle part , (...) il avait beau fermer les yeux et s'astreindre à des pensées tristes, son chagrin ne répondait à aucun de ses appels.
Je connais bien la mort. Je suis née veuve.
Et c'es ainsi qu'au nom d'un avenir aussi inconsistant que la brume, il se privait de présent, comme il arrive si souvent, il est vrai, avec les hommes.
.. rien n'échappait aux débordements tumultueux de son mépris, pas même Augustin qu'il ne pouvait plus supporter maintenant qu'il était sûr de l'avoir compris mieux qu'il ne l'avait jamais fait. Il ne voyait plus en lui qu'un barbare inculte, qui se réjouissait de la fin de l'Empire parce qu'elle marquait l'avènement du monde des médiocres et des esclaves triomphants dont il faisait partie, ses sermons suintaient d'une délectation revancharde et perverse, le monde ancien des dieux et des poètes disparaissait sous ses yeux, submergé par le christianisme avec sa cohorte répugnante d'ascètes et de martyrs, et Augustin dissimulait sa jubilation sous des accents hypocrites de sagesse et de compassion, comme il est de mise avec les curés.
p. 61
Son visage est déformé par la terreur mais c'est celui d'un mannequin de cire dans lequel Marcel ne reconnaît pas la jeune femme rieuse dont il aimait l'innocence et l'impudeur, et il est un instant submergé par l'espoir que quelque chose d'elle, un souffle frêle et délicat, comme une âme légère, ait quitté le scandale de ce corps raidi pour trouver refuge dans un lieu de lumière, de douceur et de paix, mais il sait que ce n'est pas vrai, il ne reste d'elle qu'un cadavre dont les formes se délitent déjà, et c'est sur cette relique que Marcel laisse à son tour couler ses larmes.
Rien n'échappait aux débordements tumultueux de son mépris, pas même Augustin qu'il ne pouvait plus supporter maintenant qu'il était sûr de l'avoir compris mieux qu'il ne l'avait jamais fait. Il ne voyait plus en lui qu'un barbare inculte, qui se réjouissait de la fin de l'empire parce qu'elle marquait l'avènement du monde des médiocres, et des esclaves triomphants dont il faisait partie, ses sermons suintaient d'une délectation revancharde et perverse, le monde ancien des dieux et des poètes disparaissait sous ses yeux, submergé par le christianisme avec sa cohorte répugnante d'ascètes et de martyrs, et Augustin dissimulait sa jubilation sous des accents hypocrites de sagesse et de compassion, comme il est de mise avec les curés." page 63
- Vous êtes une bande d’ivrognes et une bande d’enculés,
Et les suivait dans le bar. Marie-Angèle, derrière le comptoir, refaisait les gestes qu’elle connaissait si bien et qu’elle aurait tant voulu oublier, s’affairant avec aisance entre les verres et les bacs à glaçons, notant mentalement, dans l’ordre et sans la moindre erreur, les commandes de tournées lancés à un rythme infernal par des voix tonitruantes et de moins en moins assurées, elle écoutait les conversations décousues, les mêmes histoires racontées cent fois avec leurs variantes et leur invraisemblables hyperboles, la manière dont Virgile Ordioni n’oubliait jamais de découper dans les entrailles fumantes du sanglier mort de fines lamelles de foie qu’il mangeait comme ça toutes chaudes et crues, avec une placidité d’homme préhistorique, malgré les cris de dégoûts auxquels il répondait en évoquant la mémoire de son pauvre père qui lui avait toujours enseigné qu’il n’y avait rien de meilleur pour la santé, et le bar retentissait maintenant des mêmes cris de dégoût, des poings serrés tapant sur le zinc du comptoir éclaboussé de pastis, et il y avait encore des rires et on disait que Virgile était un animal mais un sacré bon tireur et, tout seul dans un coin, Vincent Leandri fixait son verre avec des yeux remplis de désespoir.
Elle savait qu'il n'est aucune vie loin des yeux des hommes et elle s'efforçait d'être l'un de ces regards qui ne laissent pas la vie s'éteindre.
Il y avait deux mondes,peut-etre une infinité d'autres,mais pour lui seulement deux.Deux mondes absolument séparés,hiérarchisés,sans frontières communes et il voulait faire sien celui qui lui était le plus étranger,comme s'il avait découvert que la part essentielle de lui-meme etait précisément celle qui lui était le plus étrangère et qu'il lui fallait maintenant la découvrir et la rejoindre,parce qu'elle lui avait été arrachée,bien avant sa naissance,et on l'avait condamné a vivre une vie d'étranger ,sans meme qu'il put s'en rendre compte,une vie dans laquelle tout ce qui lui était familier était devenu haissable et qui n'était pas meme une vie,mais une parodie mécanique de la vie,qu'il voulait oublier,en laissant par exemple le vent froid de la montagne fouetter son visage tandis qu'il montait avec Libero a l'arrière d'une 4*4 cahotant conduit par Sauveur Pintus sur la route defoncée qui menait a sa bergerie.
[...] Nous ne savons pas, en vérité, ce que sont les mondes. Mais nous pouvons guetter les signes de leur fin. Le déclenchement d'un obturateur dans la lumière d'été, la main fine d'une jeune femme fatiguée, posée sur celle de son grand-père, ou la voile carrée d'un navire qui entre dans le port d'Hippone, portant avec lui, depuis l'Italie, la nouvelle inconcevable que Rome est tombée.