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sur 1408 notes
Karen Reyes vit avec sa mère et son grand frère. Elle rêve d'être un loup-garou, notamment pour pouvoir mettre sa famille à l'abri. « Je savais que je voulais être un monstre... [...] J'ai compris qu'il y avait de gentils monstres et des méchants. [...] Un gentil monstre, ça fait parfois peur, à cause de son look bizarre, tout en griffes et en crocs... Mais ça, ils ne le font pas exprès, ils ne le contrôlent pas, c'est comme ça... Les méchants, eux, le contrôle, ça les connaît... Ils veulent que ce monde entier soit effrayé pour pouvoir mener la danse. » Dans un grand carnet à spirale qui lui tient de cahier de dessin et de journal intime, elle documente sa jeune existence et tout ce qui la passionne. Les monstres, déjà, dans les films et les magazines pulp des années 1960. Son amitié abîmée avec la jolie Missy. La maladie galopante de sa maman. Et enfin la disparition du voisin ventriloque et la mort d'Anka Silverberg. Karen ne croit pas au suicide de l'émigrée allemande : à l'aide de cassettes dans lesquelles Anka raconte sa jeunesse dans l'Allemagne nazie, l'enfant se fait détective privé et cherche à percer le mystère de la mort de sa voisine.

On a déjà beaucoup parlé de cette oeuvre. Dès sa sortie, j'ai voulu la lire, but you can't always get what you want, comme disaient les pierres qui roulent... J'ai longtemps été sur la liste d'attente pour emprunter ce roman graphique à la médiathèque. Je pensais savourer cette merveille, mais je l'ai dévorée goulument en un après-midi. Ogresse ou goule, à vous de voir. Et je ne peux qu'exprimer désormais une intense frustration à devoir attendre la parution du deuxième livre de cette histoire dont le fond et la forme sont d'une perfection rare.

Dans ce premier roman graphique entièrement dessiné au stylo bille, Emil Ferris offre un niveau de détails époustouflant. Je suis restée ébahie devant ses reproductions de tableaux de maîtres, ses couvertures de magazines et ses portraits en général. Anka à l'encre bleue est d'une beauté renversante. Karen et ses quenottes sont adorablement effrayantes. L'autrice/dessinatrice parle d'une deuxième guerre mondiale que l'on n'a pas l'habitude de lire, celle où les héros ne sont pas tous blancs et où les méchants peuvent faire le bien.

Point bonus pour cette oeuvre qui m'avait déjà conquise : il y a un lapin férocement adorable dans ces pages... Gare à vous qui vous en approchez si votre coeur n'est pas pur !
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Couverture très intrigante. Ce visage de femme, bleu, qui nous promet une histoire sombre. Et puis le titre, avec ce gros monstre en gras. On se dit que la lecture sera intéressante, limite un peu glauque... Et on ouvre... cahier d'école qui détonne un peu avec le thème qu'on suppose... Et cette petite fille, dessinée avec le visage d'un loup-garou... D'autres idées nous viennent en tête : discrimination, le sentiment d'être en marge du monde, isolement... et peut-être une chasse à la différence... Et là, il y a meurtre, du moins, on le présume... puisque le corps de la victime est trouvé dans un lit, mais la scène de crime est le salon... Et là, pour ma part, c'est parti dans un peu tout les sens... J'ai eu de la difficulté à me tenir au fil conducteur... Plein d'idées, mais trop disparates pour moi... Il faut tout de même souligne le coup de crayon, qui est sublime et sa colorisation également. Les dessins sont magnifiques...
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Ce livre est un ovni, il ne ressemble à rien de ce que j'ai pu lire et regarder jusqu'à maintenant, je précise tout de même que je suis néophyte en bd et roman graphique.

Parlons dessin tout d'abord… A première vue, ça peut paraitre brouillon ces dessins remplis de hachures (je ne connais pas le nom de cette technique si c'en est une) mais c'est uniquement une première impression qui s'estompe bien vite.

Car vraiment, j'ai été impressionnée par la restitution dans son ensemble, les volumes, les expressions et même la précision de certaines planches qui m'ont fait penser à des photos.

Ensuite il y a l'histoire et l'atmosphère qui sont assez sombres… Chicago, les années 60 dans un quartier modeste, Karen est une fillette de 10 ans qui se sent différente. Elle adore les comics, les monstres et passe son temps à dessiner. Il y a aussi l'histoire dans l'histoire, avec celle d'Anka sa voisine qui est retrouvée assassinée dans l'appartement du dessus. Karen décide de mener l'enquête…

Ce livre est très touffu, c'est un pavé qui regorge de détails, l'ambiance est mélancolique et onirique, tirant même sur le cauchemardesque quelque fois.

L'histoire avance petit à petit, en abordant bien des thèmes : la vie quotidienne, la différence, la seconde guerre mondiale et la Shoah, l'art souvent (j'ai d'ailleurs beaucoup aimé les incursions au musée).
Une pointe de frustration tout de même, c'est un 1er tome, donc le début d'une histoire et l'épilogue venu, il reste de nombreuses questions sans réponse…
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Bon, quand j'aime pas, j'aime pas et je ne fais pas semblant d'aimer : c'est ce qui me caractérise en fait. Il est vrai que je n'ai pas spécialement une attirance pour les monstres de tout genre. Il y a des choses à aimer qui sont sans doute plus attirantes.

Beaucoup crient au chef d'oeuvre de cette bd qui a remporté le prix le plus prestigieux du festival d'Angoulême. Est-ce un gage de qualité ? Sans doute mais ma notation se fait en fonction du facteur plaisir de lecture et cela m'est tout à fait personnel. Je ne suis pas obligé d'aimer ce que les autres louent et glorifient au panthéon des oeuvres d'art de la bande dessinée. Non, on n'est pas obligé de suivre comme des moutons dans un mouvement de masse impersonnelle. Je pense qu'après plus de 6000 lectures de BD diverses, on prend sans doute un peu de recul et de la hauteur et on s'affirme.

Je n'ai pas aimé toutes ces divagations pseudo-poétiques et philosophiques de la vie de cette fillette. C'est clair que c'est un très gros travail graphique mais je n'ai pas été spécialement attiré par ce dessin un peu étrange et griffonné à la manière d'une page de journal intime. Cela fait très carnet à croquis et je préfère ce qui est abouti.

D'emblée, la narration est très lourde et très pesante. Cela blablate sur des choses qui m'ont vite saoulé. J'ai très vite perdu un intérêt pour cette lecture qui s'est alors transformée en long chemin de croix allant de supplication en lamentation. J'ai très vite lâcher prise car d'un ennui franchement mortel.

Je suppose que cela fait partie de ces oeuvres que l'on déteste ou que l'on adore. C'est sans appel en ce qui me concerne car c'est au final un journal intime assez confus où l'on se perd. Cette démonstration ne m'a absolument pas convaincu.
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À l'instar des monstres, nous sommes des créatures motivées par la faim. Mais tout comme eux, nous pouvons faire preuve de pitié et d'amour.”
C'est ainsi qu'Emil Ferris, écrivaine et artiste américaine de 55 ans explique son amour pour les monstres à Paul Tumey de The Comics Journal.
Encore inconnue il y a un an, Emil Ferris s'est imposée comme LE phénomène du comics Outre-Atlantique avec sa toute première oeuvre : My Favorite Thing is Monsters. Son éditeur américain, Fantagraphics Books, fut le seul à bien vouloir la publier après pas moins de 48 refus (!!).
Coup de poker gagnant puisque le 20 juillet dernier, Emil Ferris rafle trois Eisner Award (équivalent pour le comics de l'Oscar pour le cinéma) dont celui du meilleur album et celui de la meilleure artiste.
Il n'en fallait pas davantage à Monsieur Toussaint Louverture, petit éditeur français qui a tout d'un grand et à qui l'on doit quelques romans-monstres comme La Maison dans Laquelle de Mariam Petrosyan ou Enig Marcheur de Russel Hoban, pour se lancer dans la traduction de ce titanesque roman graphique en deux parties avec l'aide de Jean-Charles Khalifa.
Avant de vous parler plus longuement de ce véritable OVNI littéraire, revenons quelques instants sur le parcours pour le moins atypique de son auteure.

Emil Ferris commence à dessiner à l'âge de huit ans. Originaire de Chicago, la jeune Emil déménage une première fois à Albuquerque au Nouveau-Mexique puis à Santa Fe avant de revenir pour de bon dans la Windy City. Née de parents artistes aux origines plurielles — mexicaines, allemandes, française et irlandaises — , Emil Ferris construit son imaginaire par l'art, par le fameux magazine satirique MAD et par les films d'horreur de séries B comme ceux de Creature Features. Fascinée par Frankenstein, Dracula et Wolf Man, l'américaine devient illustratrice et designeuse de jouets chez McDonald et Tomy.
L'histoire aurait pu s'arrêter là mais en 2001, à l'âge de 40 ans, Emil Ferris se fait piquer par un moustique et passe trois semaines à l'hôpital. Elle contracte le virus du West Nile et souffre de graves complications neurologiques.
Le verdict du neurologue est sans appel : Emil ne marchera plus jamais. Paralysée des deux jambes et de la main droite, l'américaine ne perd cependant pas espoir, au contraire. Elle s'inscrit au School of the Art Institute de Chicago en fauteuil roulant et en sort diplômée et valide. C'est à cette époque qu'elle commence un titanesque roman graphique inspiré de sa propre histoire et de ses obsessions personnelles pour l'art et les monstres. My Favorite Thing is Monsters est né et il lui faudra un long moment avant de trouver le chemin de l'édition. 48 refus d'éditeurs, la prise en otage de son premier tirage suite à la faillite de l'entreprise chinoise chargée de le transporter par bateaux via le Canal du Panama… voici enfin qu'Emil Ferris entre dans la cour des grands en 2017 !
Acclamée par la presse spécialisée et par Art Spiegelman (Maus) lui-même, Emil Ferris devient un véritable phénomène.
À présent, expliquons pourquoi…

Moi, ce que j'aime, c'est les monstres s'inscrit dans la lignée d'un Maus à la fois par son côté autobiographique mais aussi par son envie de bouleverser les codes du comic book traditionnel. Pour arriver à une telle chose, Emil Ferris nous présente Karen Reyes, une enfant de 10 ans qui vit à Chicago dans les années 60. Cette petite fille ne se voit pas comme ses jeunes camarades de classe et le revendique à travers son journal intime dans lequel elle croque ses pensées et des instantanés de son existence. Pour construire son personnage central, Emil Ferris oublie le format à cases traditionnel et prend pour base un cahier spiralé dans lequel Karen esquisse et raconte sa vie. À la fois journal intime et carnet d'artiste, la forme du roman graphique de l'américaine surprend. Pourtant, il s'avère rapidement à l'image de sa narratrice pétillante et attendrissante. Karen vit en effet dans un appartement en sous-sol d'un quartier défavorisé de Chicago, c'est une fille d'immigrée et son frère est loin d'être un saint. Pire encore, Karen se sent de plus en plus seule depuis que sa meilleure amie Missy ne veut plus la voir. Alors Karen se représente en loup-garou, un gentil monstre tout droit sorti du cinéma d'horreur à la Hammer et qui pourrait simplement incarner la différence pour cette jeune fille pas comme les autres. Sauf qu'Emil Ferris va beaucoup plus loin.
Moi, ce que j'aime, c'est les monstres n'est pas une simple métaphore sur la difficulté de l'enfance lorsque l'on est différent mais une véritable peinture d'époque, de moeurs et de passions.

Emil Ferris explore à travers Karen les laissés-pour-compte du Chicago des années 60 et restitue non seulement l'authenticité de tout une époque mais également la voix oubliée des invisibles. Pourquoi Karen aime les monstres ? Parce qu'ils sont comme elle, comme son frère, comme sa mère, comme ses voisins…comme eux. le monstre devient à la fois une personnification du sentiment de non-appartenance de Karen au monde dit normal mais aussi une illustration de l'étrangeté de la vie quotidienne revue et corrigée par une gamine futée de 10 ans à peine. C'est aussi, naturellement, un hommage à une certaine culture underground du cinéma d'horreur de l'époque alors considéré comme anecdotique et ridicule. Pourtant, Ferris explique que le monstre de série B a plus en commun avec la mythologie et les légendes passées qu'avec le nanar qu'on veut bien dépeindre ici ou là. Véritable déclaration d'amour au genre horrifique, le roman capture avec tendresse toute la beauté d'un univers passionné et passionnant par les yeux de Karen et, dans une moindre mesure, de ses amis. C'est d'ailleurs certainement dans ce domaine fantastique que le trait d'Emil Ferris brille le plus.

Tout comme Emil Ferris, Karen est passionnée par l'art et les tableaux. Il est donc logique que son journal intime en soit envahi. Cependant, ceux-ci ne servent pas de faire-valoir au récit mais s'intègrent en son sein pour en devenir à la fois un rouage fondamental mais aussi un exercice d'apprentissage ludique et passionnant de l'art lui-même. D'autant plus passionnant d'ailleurs que le style de l'américaine tente sans cesse de se renouveler. Par son aspect crayonné et ses couleurs à la fois chatoyantes et désuètes, Moi, ce que j'aime, c'est les monstres réinvente la narration dans le comics. Emil Ferris colle, superpose, annote, déforme et joue avec ses illustrations. le roman fourmille de détails à chaque page et se révèle une expérience graphique unique aussi forte qu'un Maus ou un V pour Vendetta. Emil Ferris oblige le lecteur à s'investir dans sa lecture, à lui faire chercher le moindre mot égaré sur la page et la moindre subtilité dans le coin de la suivante. le résultat n'est rien de moins que fabuleux, la beauté de l'ensemble sidérante. En utilisant à plein régime la forme, Emil Ferris n'oublie en rien le fond de son oeuvre et entremêle les (més)aventures personnelles de la jeune Karen à une sombre histoire de meurtre.

En effet, dans l'immeuble de Karen, une femme du nom d'Anka vient à décéder dans de mystérieuses circonstances ! Persuadée que sa voisine a été assassinée, la jeune fille enfile un imper' et un chapeau à la Bogart pour aller mener sa propre enquête. Elle tombe alors de façon inattendue sur l'histoire secrète d'Anka, ancienne prostituée ayant vécu dans la République de Weimar des années 20 puis dans l'Allemagne Nazie des années 30. Ici, Emil Ferris aborde l'histoire sous un angle inattendu et fascinant : la prostitution. Même si l'on y parle déjà de la Shoah et des barbaries nazis, Ferris s'attarde davantage sur le milieu des bordels et étonne (encore !) le lecteur. Comme elle l'avait déjà fait avec Karen et son frère Deeze, elle établit ici deux catégories de monstres : les gentils monstres d'un côté et les méchants monstres, les pourris, de l'autre. En traitant frontalement de pédophilie et d'abus sexuels en tous genres, Emil Ferris joue sur la corde raide…et s'en sort d'une façon admirable, notamment à travers le monstrueux personnage de Schutz. La nuance dans Moi, ce que j'aime, c'est les monstres se révèle primordiale car, chez l'américaine, personne n'est tout blanc ou tout noir, surtout pas dans un monde où l'on assassine des gens pour leurs idées, leurs religions ou leurs couleurs de peau. Derrière les rideaux du spectacle pour monstres se cache un vrai plaidoyer pour la tolérance, d'autant plus sincère que son auteure connaît bien le sujet de par ses (nombreuses) origines. La capacité de Ferris à marier ce plaidoyer protéiforme avec des personnages en niveaux de gris offre de petits miracles au lecteur… et quelques planches mémorables.

Au-delà de son enquête, Karen parle avant tout de sa famille.
Sa mère, superstitieuse et sans éducation mais si tendrement humaine, poursuivie par un monstre qui la ronge : le cancer.
Son frère, Deeze, coureur de jupons invétérés aux activités troubles mais dont l'amour pour sa soeur ne fait aucune doute.
Son père, homme invisible qui hante la famille et trouble Karen entre les lignes.
Emil Ferris mêle sa propre histoire à son récit, la transforme et la contorsionne pour livrer au bout du compte quelque chose de fabuleux et de sincère.
Encore une fois, c'est le caractère nuancé de ses personnages qui fait la différence, sa capacité à colorier avec les bonnes couleurs le coeur des uns et des autres, de révéler le véritable monstre là où ne s'y attend pas, à montrer les cicatrices là où on ne les voit pas.
Comme aime le rappeler l'américaine : “Il existe un vieil adage qui dit quelque chose comme : “Il n'y a pas de gens courageux, seulement des gens qui portent leur peur dans la bataille.” Je pense que c'est également vrai pour la souffrance, la maladie mentale, les cicatrices émotionnelles et les profondes catastrophes de l'âme.”
Karen emporte tout dans son journal : la douleur de la perte, la souffrance de l'homosexuel mis au ban, les cicatrices bien réels d'un monde cruel mais surtout l'amour des siens, lumineux et perpétuel.

Emil Ferris offre une oeuvre dense, protéiforme et fascinante au lecteur. À travers le journal intime de Karen, elle retrace une époque, une famille, une société et toute une culture. La force de son style, l'éblouissante intelligence de son récit, voilà ce qui propulse l'américaine parmi les plus grands dès son premier essai
Lien : https://justaword.fr/moi-ce-..
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Cet ouvrage propose un récit dense et profond, dur et humain, sombre, rempli de suspense et d'émotion. Les histoires s'emboîtent, le scénario est extrêmement bien construit.
Dès la couverture le graphisme affiche sa différence au stylo bille noir et regorge de détails qui méritent lecture et relecture : vous y trouverez de multiples références culturelles - les réinterprétations de tableaux exposés au musée de Chicago, les arrière-plans, les tatouages, les couvertures de magazines....Un document unique à feuilleter avec curiosité
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Moi ce que j'aime, c'est les livres qui dégoulinent de l'encre bleue comme si c'étaient des monstres marins venus des profondeurs. J'aime le bleu cadavérique du pola(i)r(e), ces couleurs nocturnes du fantastique, mais plus encore toutes les vingt pages : ces couleurs criardes de la pop-culture underground.
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J'aimais déjà les monstres avant la lecture de ce premier roman graphique d'Emil Ferris, je ne les aime que davantage, éblouie que je suis par la somme de travail qu'a dû constituer l'élaboration de cet objet littéraire foisonnant et sombre, qui fusionne si habilement la culture populaire de l'horreur et l'Histoire de l'art. Plusieurs fils narratifs se croisent dans cette enquête de Karen Reyes, dix ans, qui cherche à faire la lumière sur la mort de sa voisine Anka Silverberg, une rescapée de la Shoah qui a été retrouvée morte chez-elle, une enquête qui s'avère plutôt du côté des ténèbres… Condensé d'humanité qui reflète la difficulté d'être femme dans un monde où la violence prévaut, j'y reviendrai très certainement pour m'attarder davantage sur les dessins, en particulier les reproductions que fait Karen dans son cahier à spirale ligné des pages couvertures de magazines d'horreur de série B. Vivement la suite.
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Suite à l'avis général de chef-d'oeuvre, j'ai rapidement acheté ce roman graphique. Mais je n'ai pas réussi à l'ouvrir : trop gros, trop lourd, trop chargé, trop vulgaire, bref pas attirant…
Puis vient la période de confinement. J'ai du temps, je suis posée, je me lance.
Et me voilà comme Alice qui suit le lapin blanc, je tombe lentement dans ce roman, dans ce monde de monstres, certains imaginaires, mais les plus dangereux bien réels (nazis, proxénètes, racistes, homophobes, cancer, etc.). Très rapidement je suis scotchée par la prouesse graphique, les dessins entièrement dessinés au stylo à billes sont souvent d'une très grande finesse.
C'est le journal intime dessiné de Karen, une fillette de 10 ans, en quête de son identité, qui se réfugie dans la compagnie des monstres auxquels elle s'identifie, pour se protéger. Lorsque sa voisine, la très belle Anka, meurt brutalement d'un suicide techniquement impossible, elle se déguise en détective pour tenter de comprendre qui l'a tuée. Elle relate alors la vie tragique d'Anka, telle que celle-ci l'a racontée. Karen nous livre avec une grande précision et une grande sensibilité, en mots et en images, tout ce qu'elle vit, ce qu'elle ressent, ce qu'elle voit et ce qu'elle imagine. A aucun moment on ne peut décrocher du récit de Karen, c'est captivant et extrêmement émouvant.
Ce roman contient beaucoup d'amour, de pudeur, de courage, de superstition, une dose de Beaux-Arts et de dérision. Il contient aussi de la bestialité, de la haine, de la colère, de la misère. Il contient, surtout, beaucoup de souvenirs personnels d'Emil Ferris, dans le Chicago de son enfance.
La créativité graphique et scénaristique d'Emil Ferris est absolument DINGUE. Quel talent !
Pardonnez ma vulgarité, car je sors d'un voyage éprouvant, mais j'ai pris une PUTAIN de CLAQUE ! J'ai fermé ce tome 1 les larmes aux yeux.
Je suis mordue, envoûtée, hantée, exsangue. Moi, ce que j'aime, c'est ce monstrueux roman.
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La couverture et l'épaisseur de ce roman graphique m'ont d'abord rebutée… et puis en le feuilletant, j'ai été attirée par les dessins au stylo bille, tellement différents et présentant pourtant une grande cohérence, la mise en page jamais la même, les différentes présentations du texte, etc. Je me lance !
***
Emil Ferris nous emmène à Chicago, à la fin des années 60, dans un quartier pauvre où se côtoient des petits Blancs, beaucoup d'immigrés, une importante communauté hispanique, des Amérindiens et des Noirs. Dans son journal intime, un cahier ligné spiralé, Karen Reyes, une dizaine d'années, raconte sa transformation en loup-garou : « Moi, ce que j'aime, c'est les montres » ! et précise que plus grande, elle voudrait être une zombie puisque les zombies n'ont pas peur de la mort et qu'ils n'ont pas de « problème d'estime de soi »… À une magnifique page près, vers la fin de l'album, Karen se représente toujours comme une petite fille laide, plus ou moins poilue et griffue, mais toujours avec deux crocs qui sortent de sa mâchoire prognathe. Elle se voit ainsi et se persuade que les autres la voient sous cette apparence. Quand une voisine qu'elle aimait beaucoup meurt d'une balle dans la poitrine, dans son salon, et qu'on la retrouve dans sa chambre avec la porte fermée de l'intérieur, Karen se pose beaucoup de questions. Elle commence à enquêter sur Anka, sur sa vie et sur sa mort, et c'est ce qui servira de trame à cette histoire.
***
Les thèmes abordés par Ferris sont multiples : homosexualité, pédophilie, la Shoa, pauvreté, harcèlement, viol, prostitution, assassinat, drogue, superstition, manipulation mentale, folie, etc., sans oublier le monstre, gentil ou méchant, c'est selon, qui habite en chacun de nous. Malgré cette noirceur, Ferris ménage de beaux moments de complicité entre Karen et sa mère (l'île verte dans son oeil !), entre Karen et Diego (Deeze), son frère aîné, peintre et grand séducteur angoissé et parfois violent, pendant leurs conversations, bien sûr, mais aussi dans les visites de musées, dans le partage de leurs lectures, dans le visionnement de films et dans leur amour commun pour leur mère malade.
***
Ce roman graphique est une merveille multi-récompensée après avoir été refusée par 48 éditeurs… La résilience de l'auteure force l'admiration et l'évidence de son talent éclate dans ce premier tome. Vivement le deuxième, parce que je voudrais bien connaître le fin mot de cette histoire avec Victor…
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