D’un autre côté, il avait un tel charme en lui - un charme dont il fallait bien qu’il se serve. Comment faire autrement ? Ceux qui ont reçu ce don en partage s’en servent., malgré eux, ce qui les oblige à traîner en remorque une foule de gens dont ils ne savent que faire.
- On rentre à la maison.
- La maison !
Comme un rugissement, et sa voix, qu'elle ne contrôlait plus, se brisa en tremblant sous tant de violence.
- Et rester assise, et savoir qu'on est tous en train de pourrir, que dans toutes les boîtes que j'ouvrirai je trouverai les cendres de mes enfants en train de pourrir. C'est obscène !
'Home? I have no home. I am going to a war.'
'What war?'
'What war? Any war. I haven't seen a paper lately but I suppose there's a war --- there always is.'
Être bien élevé, c'est admettre que les gens sont tellement fragiles qu'il faut prendre des gants pour les manipuler. Le respect humain interdit de traiter quelqu'un de menteur ou de lâche, mais si on passe sa vie à ménager le sentiments des gens, et à entretenir leur vanité, on finit par ne plus savoir ce qui, en eux, mérite d'être respecté.
Ce fut très charmant de regagner l'hôtel en fin d'après-midi, avec la mer en contrebas, qui prenait des couleurs aussi mystérieuses que celles de l'agate et de la cornaline, dans les rêves d'enfance, plus verte que le lait verdi, plus bleue que l'eau des lessiveuses, d'un rouge plus sombre que le vin.
Les hommes remarquables frôlent constamment le bord du précipice. Ils ne peuvent pas faire autrement. Quelques-uns ne le supportent pas. Ils renoncent.
Se sentir solitaire, tant d’esprit que de corps, incline vers la solitude, et la solitude elle-même incline à plus de solitude encore.
Etre admis, pendant un moment, dans l'univers de Dick Diver était, de toute façon, une expérience inoubliable. Il donnait aux gens l'impression d’avoir pour eux des attentions particulières, de déceler, sous l'amas des compromissions qui l'avaient étouffée depuis tant d'années, ce que leur vie pouvait avoir d'unique et d'incomparable. Personne ne résistait longtemps à son exquise politesse, aux égards qu'il poussait si loin, et de façon si intuitive, qu'on ne pouvait les mesurer qu'aux résultats qu'il obtenait. Alors, sans autre précaution, de peur de laisser faner des relations à peine écloses, il vous ouvrait les portes de son univers. Tant que vous le considériez comme un tout parfait, auquel rien ne manquait, que vous y adhériez sans réserve, il ne travaillait qu'à vous rendre heureux. Mais, au premier soupçon, à la première lueur de doute, qui paraissait remettre en jeu l'intégralité de cet univers, il disparaissait à vos yeux, et c'est à peine si l'on se souvenait de ce qu'il avait bien pu dire ou faire.
Dick marchait à côté d’elle ; il sentait comme elle était malheureuse, et il aurait voulu boire la pluie qui caressait ses joues.
Un peu plus tard, le souvenir qu’il gardait d’elle s’était estompé par la présence, bien réelle celle-là, d’une standardiste du quartier général de Bar-sur-Aube, qui arrivait du Wisconsin. Ses lèvres étaient plus rouges que celles d’une cover-girl, et on lui avait donné, au mess, le surnom légèrement licencieux de « Branche-moi ».