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sur 225 notes

Critiques filtrées sur 4 étoiles  
Carole Fives avec son dernier roman dénonce avec sensibilité la difficulté d'être artiste de nos jours. Avec la narratrice, jamais nommée comme si l'auteure voulait faire d'elle la toile abstraite, l'absolu rêve, Luc et Lucie se retrouvent dans une cave froide et lugubre pour créer, peindre, se jeter corps et âme dans les formes, les couleurs, la térébenthine. Aux Beaux-Arts où on les suit pendant leurs trois années de cours, la vie est rude. Les professeurs semblent blasés, usés, désenchantés, ils découragent les élèves, ne jurant que par les artistes masculins, que par la nouveauté. La peinture est démodée. Il faut du neuf. Il faut plus qu'une matière, il faut une pensée, une âme, un discours, une histoire.

Ce roman est intéressant pour tous ceux qui aiment l'art. Il y a une jolie palette d'informations sur différents artistes. Puis il y a surtout ce côté hypnotique où la peinture fait corps avec les mots et habite chaque ligne de ce roman. On la sent s'animer, se rebeller, vibrer, pleurer, rêver, c'en est presque troublant.

C'est certainement ce côté très immersif dans les coulisses de l'art qui m'a le plus séduite ici.
Il me semble aussi avoir entendu les larmes, sentir le coeur en peine de celui qui chantait... J'aurai voulu être un artiste...
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Si j'avais beaucoup apprécié Tenir jusqu'à l'aube de Carole Fives, primé d'ailleurs à plusieurs reprises, j'ai moins accroché à Térébenthine, le dernier roman de cette auteure.
Divisé en quatre parties, les trois premières relatant chacune, une des trois années d'étude aux Beaux-Arts de Lille pour de jeunes étudiants, et la dernière intitulée l'après-Beaux-Arts, qui, comme son nom l'indique conte ce qu'ils sont devenus.
Lucie, Luc et la narratrice sont les trois étudiants, ils sont dévorés par l'envie de peindre, mais en ce début des années 2000, il faut vraiment être passionné car la peinture est déclarée morte. Sur la façade du bâtiment est d'ailleurs inscrit à la bombe « Peinture et ripolin interdits » et « les étages ont été rénovés pour accueillir les ateliers vidéo, son et multimédia ». « les ateliers de peinture pour les derniers résistants , ont été déplacés aux sous-sols, dans les caves ». Les Térébenthine, ainsi seront surnommés avec mépris ces mordus de peinture par les autres étudiants et pendant leurs trois années d'apprentissage ils devront affronter les humiliations et les profs eux-mêmes sont sans pitié.
Même si l'avenir semble bouché, notre trio fera face et après avoir terminé leur troisième année consacrée au mémoire, ils seront diplômés des Beaux-Arts comme tous les autres, l'écrémage se faisant après.
Térébenthine est une autofiction dans laquelle Carole Fives exprime tout son amour pour la peinture et en même temps tout son ressentiment pour cette période où une génération a été sacrifiée. On ressent sa colère, lorsqu'elle raconte les galères rencontrées par ces jeunes à l'issue de leurs études, se trouvant pour la plupart acculés à choisir d'autres voies pour subsister quand ils ne tombaient pas dans l'alcoolisme ou pire se suicidaient.
Lucie et la narratrice que l'on peut, je pense assimiler à l'auteure, s'étant étonnées auprès de leur professeur, du peu d'artistes femmes citées dans le programme d'histoire de l'art, ont obtenu carte blanche pour en parler. C'est un chapitre avec exemples à l'appui que j'ai trouvé magnifique qui montre encore une fois comment le talent des femmes a été longtemps ignoré et volontairement mis à l'index.
Carole Fives, elle-même diplômée des Beaux-Arts nous offre dans ce récit un portrait quasi historique d'une époque, où une génération de jeunes passionnés par l'art ont été sacrifiés. Si, Carole Fives, tout comme le personnage principal de Térébenthine, a fini par écrire plutôt que peindre, les lecteurs s'en féliciteront car nul doute qu'ils se régaleront et apprendront beaucoup de choses sur la peinture et sur la société, comme j'ai pu le faire.

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Des beaux-arts à la littérature

En retraçant ses années d'études aux Beaux-Arts, Carole Fives fait bien plus que nous livrer une part de son autobiographie et la naissance de sa vocation. Térébenthine est aussi un traité sur l'art et un réquisitoire – féministe – contre son enseignement.

Carole Fives a choisi de faire les Beaux-Arts. Une période de sa vie qui sert de terreau – très fertile – à ce roman bien éloigné de son précédent opus Tenir jusqu'à l'aube, si on considère son combat féministe comme un invariant à toute son oeuvre.
Bravant les mises en garde à l'égard d'une filière qui n'offre guère de débouchés, sauf pour une petite poignée d'artistes, la narratrice réussit son concours d'entrée et se retrouve très vite confrontée à un univers étrange où des concepts sont assénés de façon définitive par des enseignants qui semblent avoir compris que l'art avait désormais atteint ses limites, que la technologie allait transformer cet univers comme tant d'autres et que le spectacle, la «performance» allait prendre le pas sur l'oeuvre elle-même.
Dans ce contexte, le trio qu'elle forme avec Luc et Lucie va très vite être marginalisé, non seulement parce qu'il se retrouve au sous-sol de l'école – le seul endroit où il est encore possible de peindre – mais parce qu'il est le seul à se confronter à cette «vieille» technique que plus personne n'enseigne: «À l'école, le professeur de peinture est en dépression depuis deux ans et, pour d'obscures raisons, il n'a pas été remplacé. C'est donc entre étudiants que vous allez vous former le plus efficacement, les autres enseignants ne se risquant que rarement jusqu'aux sous-sols, préférant éviter d'attraper la tuberculose et autres infections propres aux miséreux et aux artistes maudits.»
Le trio, reconnaissable à l'odeur qu'il traîne avec lui et qui lui vaudra le surnom de «Térébenthine», est victime de railleries, mais cet ostracisme aura aussi pour conséquence de les souder davantage. Ils sont pourtant loin de partager les mêmes idées sur l'art et sur la manière d'exprimer leurs idées. Mais ces débats font tout l'intérêt du livre. À chaque affirmation d'un professeur, à chaque confrontation aux oeuvres des grands artistes, les questions sur le rôle de l'art, sur la façon de juger les oeuvres, sur la définition du beau sont âprement discutées. Et très vite, au-delà des théories et de l'histoire de l'art, il est question d'émotions. Comme quand, à l'occasion d'un voyage à New York, la narratrice est saisie par la puissance d'un Rothko, par cette part inexplicable qui vous happe et vous transforme. Ou quand, devant l'oeuvre que l'on imagine, «les pinceaux tombent, la distance s'abolit, et c'est le corps-à-corps, le peau-à-peau: la toile a tant à offrir.»
Carole Fives nous livre tous les aspects de ces années de formation qui, au-delà des études, s'étendent à la politique et aux questions de société, à l'amour et à la prise de conscience de la place de la femme dans un milieu très machiste. Elle s'imagine qu'en couchant avec Dimitri, elle pourra peut-être capter un peu de son savoir-faire, mais se rend vite compte que ce professeur accumule les aventures pour comble l'absence de sa femme Olga restée au Tatarstan. Elle va alors se détourner de lui et de ses enseignements. Et si durant une sorte de grand happening, elle pourra célébrer les artistes femmes, il faudra subir le machisme ambiant jusque dans sa chair. On notera du reste que la solidarité féminine est tout autant un leurre. Quand, par exemple, pour tout encouragement Véra Mornay lui explique qu'«un bon peintre est un peintre mort». Un tel «enseignement» conduisant à des drames.
Mais au-delà des obstacles et des attaques vécus dans cet «asile de fous» – pour reprendre la qualification utilisée par son père venu voir les travaux de fin d'année – viendra la révélation de l'écriture. Oui, les mots peuvent aussi transmettre les émotions.
En utilisant la seconde personne du singulier pour raconter cet épisode de sa vie, Carole Fives prend ses distances avec cette jeune artiste. Et si elle pose un regard attendri sur ce passé enfui, c'est d'abord pour souligner que c'est à ce moment-là, du côté de Lille, qu'est née une romancière. Pour notre plus grand plaisir !


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Les « térébenthines » ce sont les peintres et ils puent au regard des « Conceptuels » qui ne sont pas tenus à la création. Il faut, en ces débuts 2000, faire la conception de son exécution et ne pas la créer. Place aux vidéastes et à la « Performance ».
Les térébenthines empestent l'essence et la peinture est en pleine déchéance…
A cette époque, il vaut mieux coller des crottes de lapin sur des carrés de fourrure synthétiques plutôt que peindre des toiles à la « Rothko » qui pourtant sont capables de te faire chialer comme un môme au Moma.

Il était une fois, trois peintres en devenir, Lucie, Luc et toi qui raconte, débutants en première année aux beaux-arts de Lille dans cette confrontation autodestructrice renforcée par des profs imbus de leur personne et soumis à la vogue du moment. Difficile de résister à la pression pour les trois petits amis. Voilà pour le cadre.

Le fond, je peux l'enduire de controverses et de contradictions :
Pour le conceptuel, il est évident que sa création réclame du sens, de l'écrit.
« Un artiste à la fin du XXème siècle ne peut pas se contenter de produire des oeuvres, il doit aussi produire leur explication. Il doit être le premier critique de son travail. le discours compte plus que l'objet, voire le remplace. »
Pour le peintre, « Il préfère peindre tranquillement dans son coin. Et vous les français, vous voulez toujours qu'on explique notre processus qu'on vous fasse tout un blabla, qu'on invente une histoire, comme si l'oeuvre ne se suffisait pas à elle-même…Si je suis peintre c'est que je n'ai pas les mots, tu comprends. »

Choisis ton camp camarade, mais ne réplique pas par une brimade.

« Ecoute, n'importe qui peut bidouiller pour devenir un petit vidéaste, mais il n'y a pas de petits peintres. Ça n'existe pas. Si on a choisi cette voie, on se doit d'être les meilleurs. »

J'ai commencé cette lecture au premier degré, avec son catalogue de courants artistiques et ses listes d'artistes un peu fastidieuses et puis malgré les pages un peu trop aérées la température est montée au second degré et j'ai pu profiter des questionnements et du mal être de nos jeunes étudiants englués dans leur passion, confrontés à leur choix de vie. Il faut bien remplir la gamelle ! Tout le monde ne peut être artiste-chef d'entreprise à la Jeff Koons.
Ils sont aussi des proies faciles pour des prédateurs à deux balles qui dès qu'ils voient un petit cul s'emballent.

La peinture à l'ère du numérique est pour moi un acte de résistance.

Ce livre n'est pas une performance parce que : « La performance est un art éphémère qui ne cherche pas à créer d'oeuvre ni à laisser de trace ! » Il m'en laissera, mais je ne serai pas dupe ni sensible comme doit l'être un artiste au XXIème siècle.

Aujourd'hui, il y a moins d'artistes que d'agriculteurs qui se suicident, mais ça c'est une autre histoire !
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Qu'est ce que l'art ? Qui est artiste ? Comment vit-on de son art ?

L'accroche que je vous propose est provocante mais constitue néanmoins le thème majeur de cette autofiction de Carole Fives.

Trois étudiants aux Beaux-Arts clouent des toiles sur un châssis, sortent les pinceaux et font éclater les couleurs. Leurs rêves de s'exprimer à travers la peinture sont mis à rude épreuve sous l'indifférence et le mépris de leurs collègues narquois qui les traitent de Térébenthine. Ils sont relégués dans les sous-sols de l'école pour pouvoir créer en refusant les diktats de l'époque, à savoir faire du conceptuel. Car de nos jours, il est plus important d'avoir recours à de nouveaux media et surtout d'expliquer ce que l'on crée. Out les tubes de peinture et les bouteilles de white spirit. Avec un constat terrifiant : un bon artiste est un artiste mort.

L'approche de l'auteur m'a rappelé les expositions mises en place de nos jours dans les musées. le temps passé à lire les notices explicatives sur les oeuvres exposées, le sentiment désagréable d'un amoncellement synonyme de foutage de g… pour la néophyte qui ne comprend rien à l'art. L'investissement effectué sur certains artistes repérés car leur cote va s'envoler, en particulier s'ils ont le bon goût de se suicider.

« The price of everything, the value of nothing » (renvoi au documentaire de Nathaniel Kahn)


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Ils sont trois. Trois à entrer aux Beaux-arts à Lille avec une furieuse envie de peindre.
Peindre ? Dans les années 2000 ? Complètement dépassé, selon la plupart des profs. L'heure est aux installations, à la vidéo, aux happenings, à tout ce qu'on veut, sauf cette vieille peinture complètement démodée.

Il y a Lucie, Luc et … toi. Leur amitié soudée va les aider à tenir pendant ces trois années d'études aux Beaux-Arts, affrontant critiques et dénigrement, humiliation et mépris et leur donnera leur nom de baptême : les « Térébenthine ». Car les professeurs sont terribles : il y a l'épouvantable Véra qui dénigre tous ses élèves, les poussant même au suicide dit la rumeur. Il y a le tuteur de mémoire de la narratrice, qui tente de la violer après un vernissage.

Car il ne suffit pas de peindre, il faut aussi penser, et écrire sur ce que l'on fait. Les trois protagonistes n'en ont pourtant pas vraiment envie... mais le slogan, annoncé partout est pourtant bien clair «Peinture et ripolin interdits » : ils doivent donc braver l'interdit, en ayant une cave pour atelier et le mépris de leurs collègues comme quotidien. Ils devront tous trois trouver leur expression personnelle, et cela sans aucun appui autre que leur amitié qui va être soumise à rude épreuve.

Les cours sont pourtant ponctués d'exposés sur l'histoire de l'art, certains élèves proposent de parler d'artistes contemporains, et Lucie et la narratrice constatent alors qu'il n'y a que très peu de femmes citées officiellement : est-ce un oubli volontaire ?
C'est l'autrice, Carole Fives, qui va nous détromper. « Après une absolue domination du regard masculin pendant des siècles, les femmes artistes peinent à s'exprimer, à simplement oser prendre le pinceau, la caméra, le stylo, mais quand elles le font, c'est l'explosion. » S'en suit une très longue liste, où l'on croise pêle-mêle Louise Bourgois, Annette Messager, Frida Khalo, Tamara de Lempicka, Agnès Varda, Camille Claudel, Germaine Richier, Dora Maar, Sophie Calle ...

Plus tard il y aura les galeries parisiennes, qui toutes opposent un refus poli dans le meilleur des cas, méprisant la plupart du temps, quand la narratrice leur présente son carton à dessin.
L'originalité de « Térébenthine » tient aussi dans l'utilisation de ce « tu » qui ponctues tout le récit. Mais qui est ce « tu » d'ailleurs ? L'écrivaine Carole Fives qui aurait été tentée un temps par la peinture ? Ou une destinataire inconnue ? Et quels liens entre le peinture et la littérature ?

La fin du récit verra la destinée des trois apprentis peintres prendre une tournure différente. Lucie prendra la direction de l'Éducation Nationale, la narratrice erre de petits boulots en petits boulots, délaissant petit à petit la peinture au profit … de l'écrit.
Il n'y a guère que Luc qui persévérera malgré les incompréhensions, le mépris et le manque de reconnaissance. Jusqu'au jour où … mais le lecteur découvrira bien assez tôt la fin tragique.

On pense à « Un monde à portée de main » de Maylis de Kerangal, pour sa proximité avec la matière, les outils, le concret du peintre.

Roman d'apprentissage, ode à la difficulté d'être artiste aujourd'hui – et encore plus lorsqu'on est une femme, récit intime et initiatique, « Térébenthine » est un peu tout cela à la fois et « l'urgence de devenir sujet » son crédo.
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Luc 20 ans, blond à la barbe courte, peine à terminer sa toile sous les sarcasmes de son amie Lucie une petite blonde en bleu de travail, une fille folle ou géniale c'est selon ; la narratrice, elle, elle a 18 ans et ne sait pas encore vraiment ce qu'elle a envie de peindre. Nous allons donc suivre ce trio pendant leurs trois années d'études à l'École des Beaux-Arts de Lille.

Les ateliers son, vidéo et multimédia ont envahi le bâtiment des Beaux-Arts, les ateliers de peinture ont été relégués au sous-sol, dans les caves. Dans l'amphi où se déroulent les cours, on les surnomme les térébenthines à cause de l'odeur de diluant qu'ils traînent derrière eux, on se bouche le nez sur leur passage. Ils ont peu d'argent, alors ils achètent la peinture en gros dans les magasins de bricolage.

Après nous avoir raconté le quotidien d'une mère célibataire, qui n'a plus le temps de rêver, qui vit en vase clos et consacre tout son temps à son fils dans son précédent roman « Tenir jusqu'à l'aube » prix Médicis 2018, Carole Fives nous entraîne dans sa propre jeunesse puisqu'elle a été élève de l'École des Beaux-Arts et a ensuite enseigné les arts plastiques dans la région de Lille. Voilà pourquoi ce roman sonne si juste. Elle nous décrit pendant ces années d'études, les doutes, les remises en question permanentes :
« Mais n'y-a-t-il pas là une question que tout artiste se pose, comment décide-t-on qu'une oeuvre est enfin terminée ? Quand sait-on qu'on a posé l'ultime touche ? »

Savoir écouter la toile, ne jamais la forcer, savoir s'arrêter à temps.
Les professeurs qui découragent leur vocation, la difficulté à percer, à trouver une galerie pour exposer.
« Elle reprend : vous savez un bon peintre est un peintre mort. »

C'est une vie de bohème et de galères, la précarité, l'atelier glacial où les odeurs de white Spirit et de poêle à pétrole se mélangent. Mais aussi une vie de folies, l'originalité, la démesure, les détournements, les happenings, les expos dans des appartements ou des bars, les performances.

Ce roman féministe est aussi une réflexion sur la place des femmes dans l'art, comme si elles étaient incapables de créer une oeuvre majeure :
« 85 % des nus exposés au Louvre sont féminins, mais moins de 5 % des artistes sont des femmes. »
Les cours dispensés par Urius le professeur d'histoire de l'art sont l'occasion d'évoquer des artistes féminines, par exemple, Agnès Martin qui détruisit toutes ses oeuvres pour repartir de zéro.

L'écriture de Carole Fives est vivante, réaliste et j'ai découvert un univers qui m'était totalement inconnu.
La fin du récit est émouvante, c'est dans ces dernières lignes que j'ai retrouvé vraiment la beauté de la plume de Carole Fives :
« Toi, tu deviens doucement un peintre qui ne peint plus. Depuis quelques mois, les mots ont peu à peu remplacé les couleurs. Tu peins avec les idées, les phrases, les silences. »

Un roman qui sans aucun doute fera partie des sélections des prix littéraires cet automne, il le mérite.
Un grand merci aux éditions Gallimard et à Babelio de m'avoir offert l'opportunité de lire ce roman.
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J'aurais aimé être capable de fixer sur la toile les couleurs automnales ou les ciels tourmentés, les forêts ombrageuses ou les plages de sable blanc.
J'aurais aimé voir naître sous mes doigts les contours d'un visage imaginé.
Pour cela, il aurait fallu un minimum de talent artistique, ce qui est loin d'être mon cas.

Personnellement, je pense que la peinture est, avec la musique, le domaine artistique qui traduit le plus subtilement l'âme humaine et ses tourments.

Le roman de Carole Fives m'a fait du bien.
En me confrontant à ce sujet inhabituel et auquel, en plus d'être sensible, je m'intéresse beaucoup, il m'a permis de prendre un peu de recul avec une actualité on ne peut plus morose, vous en conviendrez...
Avec elle, j'ai beaucoup appris sur l'évolution de la peinture au XXeme siècle, sur la place très ténue laissée aux artistes féminines, sur les rapports des élèves avec les professeurs.
Grâce à ma tablette, j'ai dévoré visuellement les oeuvres des différents artistes mentionnés tout en étant stupéfaite devant la variété des techniques utilisées, qu'elles répondent ou non à mes critères esthétiques.

Carole Fives a probablement romancé ses trois années d'étude aux Beaux-Arts et nous fait part ici de son expérience, de ses impressions, de ses interrogations, de ses désillusions.
Les études artistiques ne se vivent pas tout à fait comme les autres.
Elles font appel à ce qu'il y a de plus intime, de plus profond en nous, elles s'en nourrissent, y trouvent matière à façonner, à pétrir, à cultiver.
Ce n'est pas la théorie qui fait le bon artiste mais la manière dont il parvient à se l'approprier, à y imprimer son empreinte de telle sorte qu'elle s'adapte à sa personnalité.

Le style de Carole Fives est simple, direct.
Son propos est clair, transmettre son expérience d'étudiante aux Beaux-Arts.
Elle ne cherche pas les grandes envolées littéraires, elle énonce des faits de façon plus ou moins pédagogique et qui ont toute leur importance.
Elle nous fait part de l'état d'esprit des élèves de l'époque qui se voient parfois découragés de continuer dans la voie qu'ils avaient choisie, de leur incertitude face à un domaine aussi subjectif que la peinture et la réalité du terrain où il ne suffit pas de peindre pour être exposé.

Avec ce livre, j'ai l'impression d'avoir visité un musée, de m'être promenée dans ses allées et d'en avoir pris plein les yeux.
D'avoir appris une quantité de choses, parfois tout à fait surprenantes, sur des techniques artistiques déconcertantes, interpellantes mais qui ont le mérite d'exister, d'avoir fait bouger les choses, bousculé les certitudes et remis certaines choses en question.

Les études de Carole Fives l'ont finalement menées à l'écriture...et pourquoi pas ?
Encore un domaine qui fait appel à l'introspection.

Merci, ma chère Magali, pour ce très beau partage et les chouettes heures de lecture qu'il m'a procurées.
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Contrairement à la grande majorité de la presse qui avait été emballé, et malgré un sujet assez inattaquable sur le fond, nous n'avions pas été très convaincus par "Tenir jusqu'à l'aube", le précédent roman de Carole Fives sur le sujet des mères célibataires dans des situations très précaires.

On avait trouvé ce roman un peu artificiel pour convaincre totalement, l'auteur semblant se placer un peu de haut pour regarder ses personnages issus d'un milieu différent du sien.

Avec son nouveau roman « Térébenthine », du nom de cette huile utilisée comme solvant pour la peinture, on ne pourra lui faire aucun procès d'intention de ce genre .

En effet, on devine aisément que l'auteur parle d'un sujet qu'elle connait vraiment personnellement, puisqu'elle a été elle méme étudiante aux Beaux arts de Lille, comme les protagonistes de son nouveau roman.

Au début des années 2000, la narratrice de son roman et deux amis à elle, Lucie et Luc, s'inscrivent aux Beaux-Arts, la tête pleine de rêves et d'envie créatrices.

Hélas, ils vont vite être confrontés à des désillusions, actées par des orientations que les étudiants semblent devoir inévitablement suivre, qui vont souvent à l'encontre de leurs choix inititiaux et leurs convictions profondes.

A cette époque- ce qu'on pouvait ignorer quand on est pas dans le milieu - la peinture est considérée comme has-been.
Et les professeurs , préférant se tourner vers l'art conceptuel, n'y vont pas avec le dos du pinceau ( sic) pour décourager et anéantir les rêves des peintres de nos jeunes étudiants plein d'illusions.

Ces derniers considèrent la peinture comme morte, et qu'il n'y en a plus que pour les installations vidéos ; la peinture étant devenue quelque chose d'assez underground, qu'on fait dans les sous sols cachés de la vue de tous.Tentant de se défaire de ses dogmes arbritaires, les trois protagonistes de Térébenthine vont tenter de se battre pour leurs croyances, quitte à devoir faire des compromis et perdre au passage quelques sérieuses illusions sur l'art, l'amitié et la vie.

Questionnant l'avenir de l'art dans sa globalité , le roman de Carole Fives parle également du fait qu'on semble souvent mettre de côté les artistes femmes. de façon subtile et profonde, le roman de Carole Fives nous fait en effet grandement réfléchir sur la des femmes dans le monde de l'art.

Une peinture ( c'est le cas de le dire) d'un monde de l'art particulièrement snob, condescendant, dogmatique et aussi assez misogyne, mais d'où effleure quand même une certaine tendresse et une belle émotion, amenant le livre plus loin que du coté de la charge trempée dans le fiel.

Un roman d'apprentissage aussi cruel que captivant et un portrait au vitriol d'une institution rarement décriée avec une telle férocité .
Lien : http://www.baz-art.org/archi..
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Je suis tombée des nues avec cette histoire de trois étudiants des Beaux-Arts au début des années 2000, motivés par leur envie de devenir peintre ... "Je serai peintre" pourrait être le sous-titre de cet écrit .

La narratrice, que l'on sent proche de l'auteur tellement le récit parait autobiographique , à commencer par l'absence de prénom , et ses deux amis, Lucie et Luc se font , dés leur admission à l'école, rejetés par les professeurs et les autres élèves car ils veulent peindre, or l'art de la peinture est considéré comme mort . de ce fait , ils sont relégués dans les caves de l'établissement et surnommés les térébenthines .

C'est l'histoire de leur motivation, de leurs rêves , de leurs doutes à travers les oeuvres qu'ils créent , qu'ils détruisent, qui sont la cible des sarcasmes de leurs profs .

Une passion qu'ils assumeront ou pas .

Ce livre se lit d'une traite, et pour ma part , entrecoupé de nombreuses recherches des artistes cités sur Internet , curieuse de voir les créations aussi bien , vidéos, montages et peinture .

C'est aussi un réquisitoire sur le peu de place accordé aux femmes dans la reconnaissance de leur art , avec l'impression que malgré les années rien n'a vraiment changé depuis l'époque d'Artemisia Gentileschi au XVII eme siècle, un monde d'hommes supportant mal le talent des femmes !
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