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EAN : 9782072874406
336 pages
Gallimard (05/03/2020)
3.43/5   806 notes
Résumé :
« Paula se souvient de la grande verrière de la rue du Métal, de la luminosité particulière de l'atelier et alors, Jonas apparaît, la gueule de Rembrandt, le regard clandestin, la peau d'iguane, la prunelle d'un noir bleuté, le blanc de l'oeil aux reflets de perle, les cernes de cendre. »

À vingt ans, Paula entre dans le prestigieux Institut de peinture de Bruxelles. Elle y apprend à copier les surfaces qui composent le monde, à donner l'illusion des ... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (177) Voir plus Ajouter une critique
3,43

sur 806 notes
Mon embarras est grand ! Maylis de Kerangal est une femme de lettres brillante. Je reconnais objectivement que l'écriture d'Un monde à portée de main est une performance littéraire, peut-être même une prouesse. A sa lecture, je suis pourtant resté… de marbre, sans émotion. Aussi froid que tous ces marbres dont les personnages du livre savent si bien reproduire l'apparence.

L'auteure s'est immergée dans le monde de la peinture en décor, du trompe-l'oeil, de la fabrication de l'illusion. Un monde professionnel où l'on reproduit à la main, en deux dimensions, ce que l'oeil perçoit en trois dimensions, et même plus, car il s'agit aussi de prendre en compte les patines du temps, du vieillissement, ainsi que les marques d'agression ou d'usure par les éléments, l'eau, le feu, les intempéries, les chocs, les frottements... Un métier d'art qui exige des savoir-faire multiples, transmis par apprentissage et assimilés par l'expérience. Celles et ceux qui les ont acquis peuvent imiter l'aspect d'un matériau et d'un végétal, donner l'illusion d'un relief et d'une perspective, redonner sa jeunesse à une fresque et à une oeuvre d'art ancienne. Des faussaires de génie !

Le travail ne supporte pas l'imperfection et nécessite une minutie infinie. Ce n'est pas sans répercussion sur le mental de femmes et d'hommes, qui utilisent autant leur cerveau que leur main. Paula, Jonas et Kate sont enterrés vivants dans un métier dont leurs proches ne saisissent pas la noblesse, ni même la portée ou la complexité. Ils passent d'un chantier à l'autre et semblent perdus dès lors qu'ils ont des moments de liberté.

Le travail littéraire effectué par Maylis de Kerangal se compare à celui de ces façonniers de l'impossible, de ces besogneux sublimes noyés dans le détail d'exécution. Elle travaille avec la même implication, mais son domaine, ce sont les textes, les phrases et les mots. Elle analyse tout, répertorie tout, dans les moindres détails, sans rien laisser de côté.

Le résultat est un documentaire intéressant. Mon activité professionnelle m'a parfois amené à côtoyer ces artisans, ces artistes – je ne sais comment les dénommer –, sur un chantier de monument historique, de résidence ou d'hôtel de luxe, dans un studio de cinéma ou dans un parc d'attraction. Leur approche diffère suivant les lieux. Leur démarche intellectuelle et manuelle est toujours impressionnante. Leur solitude est souvent à la mesure de leur concentration mentale.

Dans son précédent roman, l'excellent Réparer les vivants, le style de Maylis de Kerangal était aiguisé comme un bistouri, sec comme un geste chirurgical. Une écriture qui s'accommodait bien d'une histoire de greffe d'organe, course contre la montre depuis la mort cérébrale d'un donneur jusqu'au réveil du greffé. Un parcours aussi délicat humainement que techniquement, où toutes les tâches devaient être effectuées très rapidement et sans erreur, ce qui donnait au livre le caractère dramatique et émotionnel d'un thriller.

Dans Un monde à portée de main, les énumérations sans fin et répétées d'outils, de couleurs, de pâtes, de bois, de marbres, et j'en passe, m'ont assommé… Elles relèguent au second plan la pâle intrigue amoureuse censée donner un caractère romanesque au livre.

A Lascaux, où elle oeuvre à un « fac-similé ultime », Paula s'est demandé « si les peintures continuaient d'exister quand il n'y avait plus personne pour les regarder ». J'ai pensé à Michel Legrand et aux « chansons qui meurent aussitôt qu'on les oublie ». Parallèle entre peinture et musique. Les peintres en décor sont-ils des créateurs ? Sont-ils des interprètes ?

Dans la grotte de Lascaux IV, Paula préfère oublier le présent. Son esprit se fond dans la grotte de Lascaux tout court, parmi d'autres peintres en décor, dont juste vingt mille ans la séparent…

Moi aussi, je préfère oublier.

Lien : http://cavamieuxenlecrivant...
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L'histoire est simple, elle nous plonge comme souvent avec Maylis de Kerangal dans un univers inhabituel, à la fois clos sur lui-même et connecté au reste. Paula, Jonas et Kate se sont rencontrés dans une école de peinture bruxelloise où l'on y apprend la reproduction, le trompe-l'oeil ou le fac-similé, une école comme une porte fermée et ouverte sur l'art. (Est-on artiste quand on est faussaire de la réalité ? Une question comme un écho sur le rapport de la romancière à la fiction ) *.
Les histoires des trois vont se lier et s'entremêler pendant, et après. Mais c'est Paula Karst que la narration nous invite à suivre en prime, au gré d'une écriture virtuose, au vocabulaire musclé, à la fois générale et précise, aux détails fulgurants comme des coups de pinceaux dans le tableau d'une vie. J'ai été happé, bringuebalé, fasciné. Surtout dans la partie bruxelloise, et à la fin, au moment de Lascaux. Un monde à portée de main, celle des coups de pinceaux certes, mais aussi celle d'une écriture intense, vive, aux accents de balade un peu rock, et surtout très classe.

* édit suite à l'écoute tardive de cette vidéo de l'auteure : https://youtu.be/XLPV2V5G9ec
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Pendant deux ans après un bac terne, Paula a trainassé, d'une année de latence en droit à une prépa aux écoles d'art. Puis déterminée, elle a annoncé à ses parents : « Je vais apprendre les techniques du trompe-l'oeil, l'art de l'illusion » à l'Institut de la rue du Métal à Bruxelles - parcours chaotique de nombreux jeunes qui cherchent parfois longuement leur voie avant de parvenir à « secouer leur vie ».

Pour une fois, Maylis de Kerangal centre son roman autour d'une jeune femme, Paula, qui partage amitié avec Kate et colocation avec Jonas.
De leurs années d'école à leurs premiers apprentissages puis jobs, le récit dépeint avec justesse et émotion le quotidien, les doutes et les joies de jeunes étudiants artistes d'aujourd'hui. De Paris, Moscou, au fac similé de la grotte de Lascaux, en passant par les studios de Cinecitta, la variété de leurs expériences cadence le roman, évite toute chute de rythme, tout en instruisant le lecteur sur l’art subtil du trompe-l’œil.

Voilà pour le décor. La réalisation du tableau étant confiée à Maylis de Kerangal, le résultat au terme de 285 pages est époustouflant. Qu'il s'agisse du style, du choix extrêmement précis des mots, de leurs associations souvent si originales, de la qualité de la documentation, jusqu'au nom de l'héroïne Paula Karst dont je vous laisse découvrir la signification au terme du roman si vous ne la connaissez pas, tout semble ici magistralement maitrisé.
J'ai retrouvé avec jubilation le talent intact de l'auteur de Réparer les vivants : une intrigue resserrée autour d'un thème, une écriture précise et cadencée qui énonce autant qu'elle suggère. En résumé : une oeuvre de fiction originale et très réussie !

« Le trompe-l'oeil est la rencontre d'une peinture et d'un regard, il est conçu pour un point de vue particulier et se définit par l'effet qu'il est sensé produire. »
Remplacer le mot trompe-l'oeil par le mot roman et laisser agir l'effet de l'illusion...un monde est à portée de main.
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Bienvenue dans le monde du trompe-l'oeil !
En tout cas, j'espère que vous vous plairez autant que moi dans ce temple de l'illusion qui malgré tout trouve toujours des raccords avec la réalité, actuelle ou d'un autre âge.

Quel plaisir de suivre ces étudiants en « peinture en décor » dans l'école de la rue du Métal, à Bruxelles, « une maison de conte, cramoisie, vénérable, à la fois fantastique et repliée » !
Quelle jouissance de suivre mot à mot la description des tons qu'ils vont utiliser, de leurs mélanges, de leurs coups de pinceau, et au-delà, de leurs rêves.
Vraiment, chaque phrase pour moi a été un régal, et je pèse mes mots : j'ai apprécié par tous les pores ce roman sensuel par excellence, visuel, tactile, onctueux.
Roman plein d'imagination aussi, d'envol vers d'autres contrées, d'autres temps. Car lorsque Paula Karst, la jeune peintre faussaire, peint des marbres ou des bois, elle rejoint la matière et les conditions de leur création.
« Les faussaires travaillent à creuser des trous dans la réalité, des passages, des tunnels, des galeries »
Que ce soit sous le ciel gris de la Belgique ou dans les brumes de chaleur de Rome et sa Cinnecita, que ce soit dans les tentures cramoisies du salon d'Anna Karénine à Moscou ou à Lascaux lors de l'édification de « Lascaux IV », Paula s'investit tout entière, se fond, s'annihile dans l'instant créateur et par là rejoint l'éternité.

N'oublions pas qu'il faut vivre, il faut manger, il faut gagner sa croûte, comme on dit prosaïquement.
Après ce temps béni des quelques mois d'études à l'école de peinture de Bruxelles (et là, Maylis de Kérangal nous relate des faits réels, l'école van der Kelen – Logelain est une institution réputée), Paula et ses deux amis, Jonas et Kate, se lancent à l'assaut des chantiers dans toute l'Europe. La complicité créée lors de l'apprentissage se recompose à des moments précis où chacun raconte son corps-à-corps avec la matière.

C'est un roman gourmand, qui s'enracine dans la matière pour mieux s'en détacher. Difficile de me faire comprendre autrement que par ces mots...J'ai vécu, littéralement, ma lecture ; je m'en suis repue, j'ai absorbé toutes ses strates.
Art, psychologie, profondeur, couleurs, senteurs : ce roman est un coup de pinceau magistral et m'a présenté le monde à portée de main.

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Paula, Jonas et Kate ont gardé contact depuis l'Institut de peinture de la rue du Métal à Bruxelles. Depuis cette année de 2007. Une année charnière pour Paula Karst qui, après un bac terne, une inscription en droit et deux ans à glander et chercher sa voie, s'inscrit à l'Institut de peinture. Elle en est certaine, elle veut apprendre à peindre les décors. Maîtriser l'art de l'illusion, du trompe-l'oeil. Rapidement, elle trouve un appartement dans Bruxelles, quitte Paris et ses parents et s'installe avec son nouveau co-locataire, Jonas. Quelques mois ô combien riches mais aussi éprouvants attendent la jeune femme...

De Paris aux grottes de Lascaux, en passant par une Bruxelles grise et pluvieuse, une Rome étouffante et ensoleillée ou encore une Moscou froide, Maylis de Kerangal nous entraine sur les pas de Paula Karst, une jeune femme devenue, au prix d'efforts, une créatrice de décors en trompe-l'oeil. de par son écriture très visuelle et précise, au plus près de la matière et de la technicité, l'auteure nous plonge parfaitement dans ce monde d'illusion, s'attachant au moindre détail. Ce roman se révèle très intéressant, extrêmement riche et pointilleux et nous fait découvrir, justement, l'envers du décor, nous montre ce que notre regard ne voit plus. L'art, un monde complexe, qui prend toutes ses formes au coeur de ce roman d'apprentissage...
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critiques presse (10)
LaPresse
26 octobre 2018
Elle a su rendre passionnants le récit d'une transplantation cardiaque ou celui de la construction d'un pont. Mais la manière Maylis de Kerangal, qui avance dans ses histoires sans jamais regarder en arrière, et son écriture toujours aussi foudroyante que précise, semble avoir frappé un mur avec Un monde à portée de main.
Lire la critique sur le site : LaPresse
LaCroix
14 septembre 2018
Maylis de Kerangal invite à regarder différemment le monde et la place que chacun tente d’y trouver, retraçant les années de formation de trois adolescents.
Lire la critique sur le site : LaCroix
Bibliobs
10 septembre 2018
Pour la romancière, c'est l'occasion de nous présenter un métier, dans ses aspects les plus techniques, mais aussi de livrer une sorte d'autoportrait de l'écrivain en artisan, voire en «faussaire» attaché à imiter le réel et le monde pour nous les mettre sous les yeux.
Lire la critique sur le site : Bibliobs
LeFigaro
07 septembre 2018
L'auteur de "Réparer les vivants" publie un nouveau roman passionnant, mais ardu.
Lire la critique sur le site : LeFigaro
Lexpress
03 septembre 2018
A travers la métamorphose de Paula, l'auteure nous entraîne dans le monde de l'illusion et de la re-création.
Lire la critique sur le site : Lexpress
LeMonde
27 août 2018
Vivante, la phrase de Maylis de Kerangal l’est intensément, qui embrasse la technique et le poétique, le sensible et l’intellectuel, qui incorpore le parler d’une fille d’aujourd’hui à une langue superbe mais jamais grandiloquente.
Lire la critique sur le site : LeMonde
Culturebox
27 août 2018
Un roman fort, qui nous interroge sur la représentation du monde et sur la quête de vérité. Une nouvelle étape dans la construction de son œuvre.
Lire la critique sur le site : Culturebox
Bibliobs
24 août 2018
Quatre ans après «Réparer les vivants», Maylis de Kerangal raconte l'éducation sentimentale et professionnelle d'une jeune peintre en décor. Entre les lignes apparaît, comme dans un trompe-l'œil, l'autoportrait très stylé d'une romancière très secrète.
Lire la critique sur le site : Bibliobs
Telerama
24 août 2018
Paula a un nom qui claque et l’énergie de la jeunesse. Etudiante, elle peint des décors en trompe-l’œil… tableaux d’où affleure la vérité. Un superbe roman.
Lire la critique sur le site : Telerama
LeSoir
20 août 2018
Ses deux romans précédents, "Naissance d’un pont" et "Réparer les vivants", auraient pu sombrer sous le poids de l’information. Les vertus d’une écriture souple et vivante avaient épargné ce défaut à ses lecteurs. Elle renouvelle la performance dans "Un monde à portée de main".
Lire la critique sur le site : LeSoir
Citations et extraits (122) Voir plus Ajouter une citation
Elle s'est allongé près de lui, mais à peine pose-t-elle sa tête sur l'oreiller que Jonas ouvre les yeux, et se tourne vers elle. Ils se regardent, interdits, souffle coupé, enregistrent chaque micromouvement de leur corps, tout ce qui s'abaisse, se hausse, se creuse, s'accélère. Le temps file mais il ne s'agit plus de le maîtriser, il s'agit de le rejoindre. Alors subitement ils ont cligné des yeux au même instant, et tout ce qui se tenait retenu a déferlé.
Ils se déshabillent très vite, se soulèvent à peine, font glisser leur vêtements, et bien que ramassé, concentré, ce moment-là lui aussi se dédouble, deux vitesses y affleurent : l'étreinte terrestre, reliée au choc de la veille, au désir de faire corps, comme une soif de sexe après des funérailles, et l'étreinte cosmique, celle de la résonance, issue des boucles qui tournoient dans un ciel réglé comme du papier à musique. L'étonnement produisant de la clarté, ils sont clairs, d'une clarté violente, l'un et l'autre, neufs et affûtés, explorant le plaisir comme une paroi sensible, usant de tout leur corps, de leur peau, de leurs paumes, de leur langue, de leurs cils, et comme s'ils se peignaient l'un l'autre, comme s'ils étaient devenus des pinceaux et s'estompaient, se frottaient, se râpaient, se calquaient, relevant les veines bleues et les grains de beauté, les plis de l'aine et l'intérieur des genoux ;
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Elle n’est pas en mesure de réaliser que la précarité est devenue la condition de son existence et l’instabilité son mode de vie, elle ignore à quel point elle est devenue vulnérable, et méconnaît sa solitude. Certes, elle rencontre des gens, oui, beaucoup, la liste de ses contacts s’allonge dans son smartphone, son réseau s’épaissit, mais prise dans un rapport économique où elle est sommée de satisfaire une commande contre un salaire d’une part, engagée sur des chantiers à durée limitée d’autre part, elle ne crée pas de relations qui durent, accumule les coups de coeur de forte intensité qui flambent comme des feux de paille sans laisser de trace, désagrégés en quelques semaines, chaleur et poussière.
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C'est ça que vous voulez ? C'est un balayage très demandé à Hollywood, je dirais brun miel tirant vers le blond doré, beaucoup d'élégance et de profondeur, des transitions douces, les stars en sont dingues, Julia Roberts, Sarah Jessica Parker, Blake Lively - vous aimez Blake Lively ? Paula hoche la tête puis la renverse de nouveau dans le bac, les mains de la coiffeuse massent son crâne, et trois jours plus tard on la voit rentrer en courant rue de Parme, grimper les étages quatre à quatre et filer droit dans sa chambre où les livres s'empilent dans un coin de la pièce. Elle en cherche un, ignore lequel mais sait qu'il est là, sait qu'elle reconnaîtra le titre ou la couverture, elle s'agenouille sur le parquet, soulève les piles, retourne un à un chaque exemplaire, enfin le voit, le prélève, le tient contre elle. Le vieil homme et la mer. Elle demeure immobile un long moment, les rotules écrasées contre le sol, douloureuses, et dans le silence de l'appartement vide, à la lueur d'une lampe de chevet, retrouve le passage du roman où Santiago, le vieux pêcheur, déclare au jeune garçon qui lui a payé une bière comme un homme que l'on devient aveugle à force de pêcher la tortue, qu'on finit par se brûler les yeux - le cœur de Paula se soulève tandis qu'elle frotte les siens, brûlants eux aussi.
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C'est l'été. Le soleil crée au fond de la rivière des ombres qui bougent, des losanges qui se forment et se déforment, ondulent, calamistrent le sable, les pierres, les mousses. Paula entre dans l'eau douce, écarte de la main les herbes longues et fibreuses que le courant peignent à l'horizontale. Une bête vivante se déplace là, sous la surface, une bête kaki, mouchetée de noir, de gris et d'or. Sa peau a pris l'aspect de la rivière, de son mouvement, de sa lumière ; la créature s'y déplace, camouflée. Paula lève les yeux au-dessus de la surface pour suivre le vol d'une libellule bleu métallisé qui disparaît dans les ajoncs, puis elle scrute de nouveau le fond de l'eau, mais la créature a disparu. N'a peut-être jamais existé. C'est un trompe-l’œil, pensa Paula qui renverse la tête dans le soleil. Rien ne passe ici que la rivière elle-même.
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La suite du film était sous-marine, abyssale, mythologique : Kate flottait à dix mètres au-dessus d’une baleine à bosse qui louvoyait lentement dans un volume de cathédrale, s’effaçait dans l’épaisseur bleue, puis resurgissait plus tard d’une autre direction, ténébreuse et massive. (..)
L’animal habitait l’océan de toutes ses dimensions, allait et venait dans un grand calme, sa présence révélant un monde sans coupure, une continuité fluide où tout coexistait - le royaume du temps. Parfois, la baleine remontait à la surface, et son dos occupait soudain l’intégralité du champ de vision de Kate qui ne s’affolait pas, observait les consignes, se contentait de remuer les jambes palmes jointes dans un devenir sirène.
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Videos de Maylis de Kerangal (95) Voir plusAjouter une vidéo
Vidéo de Maylis de Kerangal
Avec Marc Graciano, Maylis de Kerangal, Christine Montalbetti & Martin Rueff Table ronde animée par Alastair Duncan Projection du film d'Alain Fleischer
Claude Simon, prix Nobel de Littérature 1985, est plus que jamais présent dans la littérature d'aujourd'hui. Ses thèmes – la sensation, la nature, la mémoire, l'Histoire… – et sa manière profondément originale d'écrire « à base de vécu » rencontrent les préoccupations de nombreux écrivains contemporains.
L'Association des lecteurs de Claude Simon, en partenariat avec la Maison de la Poésie, fête ses vingt ans d'existence en invitant quatre d'entre eux, Marc Graciano, Maylis de Kerangal, Christine Montalbetti et Martin Rueff, à échanger autour de cette grande oeuvre. La table ronde sera suivie de la projection du film d'Alain Fleischer Claude Simon, l'inépuisable chaos du monde.
« Je ne connais pour ma part d'autres sentiers de la création que ceux ouverts pas à pas, c'est à dire mot après mot, par le cheminement même de l'écriture. » Claude Simon, Orion aveugle
À lire – L'oeuvre de Claude Simon est publiée aux éditions de Minuit et dans la collection « La Pléiade », Gallimard. Claude Simon, l'inépuisable chaos du monde (colloques du centenaire), sous la direction de Dominique Viart, Presses Universitaires du Septentrion, 2024.
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