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La pharmacie" se lit d'une traite (un trajet Bordeaux Marseille en avion m'a suffit). Ecrit comme une fable, voire comme une comptine, lorsque l'auteur égrène les événements ou le passage des saisons sur un mode itératif, ce court texte immerge le lecteur dans une atmosphère subtilement surnaturelle, et une fantaisie sous laquelle point une sourde mélancolie.
Le narrateur est l'aîné d'une fratrie de dix, dont les parents tiennent
la Pharmacie du Lion, où s'élaborent encore, avec une minutie maniaque, décoctions et poisons médicinaux, teintures et solutions, univers suranné de balances et d'instruments étincelants, de bocaux étiquetés, d'alambics et autres pipettes, d'effluves d'éthers...
A la mort de ses parents, il reprend ce commerce dans lequel il s'est impliqué dès son plus jeune âge, ne comptant jamais ses heures, s'occupant par ailleurs avec une rigueur protectrice et quelque peu tyrannique de ses frères et soeurs, créatures longtemps mutiques auxquelles il a enseigné le langage, vivant dans une sorte d'irresponsable et malicieuse insouciance.
Il les emploie à
la pharmacie comme assistants, tentant de leur inculquer la discipline et la précision indispensables aux tâches qui leur sont dévolues, mais l'écart se creuse de manière croissante entre l'aîné et le reste de la fratrie, étourdie et rebelle, qui s'intéresse avec un entêtement suspect aux substances prohibées, manifeste bientôt des velléités d'indépendance, et l'envie d'explorer de nouveaux ailleurs...
Récit au rythme enlevé, dont les courts paragraphes sont scandés avec une froideur clinique qui rend leur contenu d'autant plus poignant, "
La pharmacie" dit, avec finesse et poésie, la difficulté à rompre les liens de dépendance qui nous attachent à ceux dont on pense avoir la responsabilité, et la complexité des sentiments, entre domination et amour, qui unissent cette étrange fratrie qui semble ne former qu'une unique entité...
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