Dans l’arbre, les voyages se vivaient toujours comme des aventures. On circulait de branche en branche, à pied, sur des chemins très peu tracés, au risque de s’égarer sur des voies en impasse ou de glisser dans les pentes. À l’automne, il fallait éviter de traverser les feuilles, ces grands plateaux bruns, qui, en tombant, risquaient d’emporter les voyageurs vers l’inconnu.
De toute façon, les candidats au voyage étaient rares. Les gens restaient souvent leur vie entière sur la branche où ils étaient nés. Ils y trouvaient un métier, des amis… De là venait l’expression ‘vieille branche’ pour un ami de longue date. On se mariait avec quelqu’un d’une branche voisine, ou de la région. Si bien que le mariage d’une fille des Cimes avec un garçon des Rameaux, par exemple, représentait un événement très rare, assez mal vu par les familles. C’était exactement ce qui était arrivé aux parents de Tobie. Personne n’avait encouragé leur histoire d’amour. Il valait mieux épouser dans son coin.
Mais quand il fêta le troisième jour, avec un petit pain dur, et une assiette de moisi et qu'il compta qu'il lui en restait deux cent dix-sept à tenir, il comprit qu'on ne vit pas seulement d'air, d'eau, de chaleur, de lumière, de nourriture et de conscience du temps.
Alors de quoi se plaignait-il encore? De quoi vit-on en plus de tout cela?
On vit des autres.
C'était sa conclusion.
On vit des autres.
Sa mère, qui lui avait appris à lire à l'âge de trois ans, lui disait que les mots sont des combattants de l'ombre. Si on choisit de devenir leurs amis, ils nous aident toutes la vie. Sinon ils se mettent en travers de notre chemin. Maïa lui expliquait que c'était à cause de cela qu'on disait "connaître" un mot ou un langage, comme "connaître quelqu'un"
- Je ne vous dérange pas?
- Si...Vous...Vous mettez toute ma vie en l'air, si je peux me permettre, avec respect, mademoiselle.
« Même une plume d'ange peut crever un œil, si on la prend du mauvais côté. »
- Bonjour, dit Elisha.
- On doit fouiller!
Elisha sourit.
- J'ai même appris à une punaise à dire bonjour, alors je devrais y arriver avec deux cafards...Bonjour!, répéta-t-elle.
M. Lolness était certainement le plus grand savant du moment.
[...] Mais son incroyable savoir n'était qu'une petite partie de son être. Le reste était occupée par une âme large et lumineuse comme une constellation.
Sim Lolness était bon, généreux et drôle. Il aurait facilement fait une carrière dans le spectacle s'il y avait pensé. Pourtant, le professeur Lolness ne cherchait vraiment pas à faire rire. Il était simplement d'une fantaisie et d'une originalité rayonnante.
Parfois, pendant le Grand Conseil de l'arbre, au milieu d'une foule de vieux sages, il se déshabillait complètement, sortait de sa mallette un pyjama bleu, et se préparait pour une sieste. Il disait que le sommeil était sa potion secrète. L'assemblée baissait la voix pour le laisser dormir.
Un enfant solitaire parviendra toujours à s'inventer de la compagnie.
[...] Tobie disait à Elisha qu'il rêvait d'une nouvelle vie, elle lui avait répondu :
- Tu n'as qu'une vie, Tobie. Elle te rejoindra toujours.
[...] les mots sont des combattants de l'ombre. Si on choisit de devenir leurs amis, ils nous aident toute la vie. Sinon, ils se mettent en travers de notre chemin. Maïa lui expliquait que c'était à cause de cela qu'on disait "connaître" un mot ou un langage, comme "connaître quelqu'un".