Quand il se réveilla le soir, sa tête était bien retombée sur ses épaules, il avait écarté sa soif de vengeance et l'ivresse du héros (car l'ivresse et la soif vont souvent ensemble). p-67
Si chacun rendait heureuses les vingt personnes qui l'entourent, l'arbre serait un petit paradis.
Tobie croyait entendre Nils Amen : "Je prends soin de ceux qui m'entourent." Oui, ce principe était beau. Mais que faire de ceux que personne n'entoure ? (p. 190)
Difficile de dire ce qui rend inoubliable des moments de fête.
Une fête est un mystère qui ne se commande pas.
Mais il y avait, dans ce petit groupe caché au fond des bois d'Amen, les mille ingrédients qui font d'un repas un enchantement : des parents, des grands-parents, une petite fille, un ami qu'on croyait perdu, du bon pain, des absents auxquels on pense, une réconciliation, un feu dans la cheminée, quelqu'un qui s'attendait à passer Noël tout seul, de la neige à la fenêtre, la fragilité du bonheur, la beauté de Mia, du vin doux, des souvenirs communs, et du boudin.
Elle lui transmettait sa connaissance du monde.Une connaissance toute simple, qui se donne sans parole, par les gestes de tous les jours.Elisha aurait aimé quelques mots de plus.Mais elle savait que la confiance et la tendresse étaient déjà les plus beaux cadeaux.
Le major Krolo était bête, infiniment bête, et il mettait une très grande application dans sa bêtise. Dans cette discipline, c'était plus qu'un professionnel : c'était un génie. (p. 9)
N'importe quel imbécile aurait repéré que Patate préparait un mauvais coup. Mais Rolok n'était pas n'importe quel imbécile. C'était un champion, un artiste, un as de l’imbécillité! Il ne se douta donc de rien.
Patate s'écria:
- Facrebleu! Par le fiel! Qui est ainfi pendu?
- C'est moi!, répondit misérablement Rolok.
Patate avait avancé son pied droit, et il jetait sa main en avant à chaque phrase.
- Oh! Quoi! Voyons! Ô fiel! N'est-fe point mon mavor?
Quel kourou l'a frappé pour mériter fe fort?
Il avait entendu quelque part le mort "courroux" et il pensait que c'était une sorte de monstre avec des pattes poilues et une grosse massue.
- Viens m'aider, Patate! cria Rolok.
- Ve viens, ve vole, v'accours! Ve fauverai mon maître.
Patate fit encore tous les moulinets qui accompagnent ce genre de paroles, et, bondissant comme un criquet amoureux, il parvint aux pieds de Rolok. Là, i s'arrêta brutalement.
Cette fois, c'était la grande scène de l'émotion. Patate épongea ses yeux, fit trembler ses lèvres et dit en regardant l'endroit où les pieds du major étaient coincés:
- Qu'aperfoi-ve par ifi? Que le kourou me garde!
Pour la feconde fois, l'émofion me hallebarde.
Elles f'étaient envolées et vous les retrouvâtes.
Enfin! Ve les revois, les voifi à vos pattes...
- Non, gémissait Rolok, ne touche pas... Pas de ce côté! Coupe-moi les bretelles!
Patate restait penché sur les pieds de Rolok. Il approchait lentement ses mains, comme s'il découvrait un trésor.
- Arrête! Patate! Par pitié!
- Où étiez-vous paffées? Enfin ve peux dire ouf!
Car vous v'êtes à fes pieds, vous, mes belles... pantouffes!
C'était Tobie Lolness.
Tobie. Le corps le plus souple et solide que jamais, mais l'œil inquiet. Tobie qui avait repris sa vie d'éternel fugitif.
Il sortie de la mare et, d'un geste rapide, rangea sa sarbacane dans le long carquois qu'il portait sur le dos...
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Les yeux dans les yeux, ils profitèrent de cette distance pendant de longues minutes parce qu'ils savaient qu'à l'instant où les mains se toucheraient, plus rien, jamais, ne les séparerait.
Bien sûr, la jeune fille était moins indifférente qu'elle le montrait. Quand on a vingt ans, qu'on vit avec ses frères et ses parents, quand on a vu sa petite sœur emportée par un jeune homme courageux, même une grosse punaise qui vous inviterait à dîner vous donnerait un peu d'émotion.
Il y'a des solitudes qui donnent envie de disparaître soi-même.