ans le premier chapitre sont développés les mécanismes intra-individuels sous-tendant l'influence délétère des stéréotypes sur la performance (qu'elle soit académique ou sportive). Généralement, ce sont les «stéréotypes négatifs» qui sont associés à une baisse de la performance, comme dans le cadre des travaux sur la menace du stéréotype. Cependant des stéréotypes «positifs» peuvent également conduire à une détérioration de la performance si les individus concernés craignent de ne pas se montrer à la hauteur. L'action des stéréotypes sur la performance des individus est donc plus complexe que le sens commun ne le relève et s'exerce parfois de manière indirecte et inattendue. Par exemple, si dans une classe mixte un enseignant insiste - de manière paradoxale, dans le but même de le dénoncer - sur le fait qu'en général les gens pensent que les filles sont moins performantes en sport que les garçons, cela aura tendance à améliorer les performances des garçons en situation évaluative (c'est ce qu'on appelle «l'effet d'ascenseur»).
L'influence sociale s'exerce à partir de l'appartenance du sujet à un groupe social et des croyances développées à propos de celui-ci. Les travaux sur le phénomène de menace du stéréotype montrent que lorsqu'un stéréotype négatif à propos de la compétence de son groupe d'appartenance se manifeste en situation évaluative, celui-ci risque de perturber sa performance en générant de l'appréhension. D'ailleurs, les enseignants d'EPS ne fixeraient-ils pas aux élèves des buts dont la nature et la difficulté différeraient selon les stéréotypes appliqués à une catégorie sociale particulière ?
L'objectif principal de cet ouvrage est d'essayer de comprendre comment s'exerce l'influence des stéréotypes sur l'engagement et sur la performance des individus dans le champ des activités physiques sportives et artistiques (APSA). Des pistes seront évoquées, notamment dans la deuxième partie («Des pratiques»), afin d'en limiter les effets négatifs.
L'intervention dans le domaine des activités physiques sportives et artistiques (que l'on soit professeur d'EPS, entraîneur ou intervenant en APA-S) s'exerce dans le contexte très général de l'influence sociale. Cette question de l'influence d'autrui sur la performance sportive ou sur les raisons de l'engagement dans une activité est récurrente tant dans le champ de la pédagogie que dans celui de la psychologie sociale. Les travaux sur ce sujet rapportent souvent des résultats contradictoires et difficiles à interpréter. Ainsi, dès la fin du XIXe siècle, des chercheurs ont constaté que les cyclistes étaient plus performants en présence d'autrui (effet Triplett ou «facilitation sociale»). A contrario, des sujets en situation collective de «tirer à la corde» faisaient d'autant moins d'efforts que le nombre de leurs coéquipiers augmentait (effet Ringelmann ou «paresse sociale»)
Les politiques publiques ainsi que les mouvements citoyens et associatifs se préoccupent depuis longtemps de la réduction des inégalités, que celles-ci soient territoriales, de santé, scolaires, professionnelles ou bien même liées aux pratiques sportives. Ainsi, la loi du 8 juillet 2013 pour la refondation de l'École rappelle «que la transmission de la valeur d'égalité entre les filles et les garçons, les femmes et les hommes, se fait dès l'école primaire. L'apprentissage de l'égalité entre les garçons et les filles est une condition nécessaire pour que, progressivement, les stéréotypes s'estompent et d'autres modèles de comportement se construisent». Il semble donc bien que l'éducation soit au centre de la question de la réduction des inégalités sociales.