Ce petit fascicule de la (très jolie) collection des Carnets de l'Herne présente un texte de
Charles Fourier, philosophe ou encore sociologue du XIIXe siècle inscrit dans la lignée du socialisme utopique ; il s'est notamment intéressé au Phalanstère comme structure sociale idéale.
Dans cet ouvrage au titre presque grivois il aborde la question de la vie sociale sous un angle particulier mais fondamentalement central : celui de la vie sexuelle. Il y est question de l'incompatibilité entre structure sociale du mariage monogame exclusif et structure pulsionnelle des individus, dont le respect formel en apparence amène à toutes les hypocrisies.
Si l'ouvrage n'a "techniquement" que peu d'intérêt, il n'en reste pas moins une curiosité de bibliothèque intéressante !
Cet ouvrage qui doit naturellement être contextualisé dans son époque, et d'ailleurs très libre dans son discours pour celle-ci, fait la critique de l'hypocrisie des valeurs pudibondes autour de la relation sentimentale et charnelle. Une première partie nous décrit l'ineptie de structures sociales (le mariage définitif monogame et exclusif) confrontée à la complexion pulsionnelle réelle des individus humains qui naturellement restent inféodés à leurs pulsions physiologique et pour lesquels la relation charnelle (sensuelle) reste malgré les pudibonderies et affirmations contraires l'horizon indépassable des relations homme-femme...
Les "démonstrations", s'il en est, sont empiriques basées sur la lecture des comportements (sociaux, amicaux, familiaux) observables. On pourra juger qu'il manque ici d'éléments factuels, statistiques, analytiques... mais ce n'est pas l'objet. Se référer pour ce faire à des analyses plus récentes qui achèveront à coup sûr de mettre à bas toute illusion romanesque !
Mais ce qui se veut le point d'orgue de l'ouvrage est sa seconde partie : une nomenclature burlesque des typologies de cocus, par genre, "disposés progressivement" à la manière d'une formation d'armée romaine ! Sous son air léger cette nomenclature donne un aperçu exhaustif des situations, là encore à contextualiser : nous sommes là dans le cadre du mariage formel, et non révocable, du XIIXe siècle... chacun pourra faire l'exercice de porter cela dans l'époque actuelle. Et, plus intéressant, de s'y projeter...
L'on comprendra alors vite que, comme le dit Fourier, comme le montre la projection de notre structure pulsionnelle dans le cadre culturel fixé, la situation idéale est celle du couple symétriquement volage : s'il nous faut un point d'attache sentimentalement/socialement stable, rester coincé dans la monogamie sensuelle réciproque et la défiance jalouse n'a aucun sens.