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sur 525 notes
Un crime sans importance est un récit qui m'a beaucoup touché.
Dans les premières pages, on sent que le style est distant, qu'aucune émotion n'est présente, les faits sont exposés sobrement, efficacement. Puis le style bascule quand on apprend qu'une femme qu'on a croisé dans le récit est la soeur de la victime.

A partir de ce moment, la narratrice devient je, nous sommes au coeur de ses pensées. On assiste à sa colère, son désespoir, sa volonté de ne pas être réduite au silence, de comprendre, d'agir pour que sa soeur obtienne justice. Nos émotions évoluent en parallèle de celles de l'autrice, on est indigné quand on voit comment a été menée cette enquête. On est en colère quand on comprend qu'un meurtre de personne âgée n'est pas prioritaire face à d'autres crimes....

Un livre essentiel !
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L'écriture de ce livre a certainement aidé Irène Frain à faire son deuil ou du moins à atténuer son chagrin, après la mort atroce de sa soeur aînée Denise, massacrée à coups de marteau le 8 septembre 2018 à Evry par un mystérieux agresseur toujours en cavale.
Révoltée, à juste titre, par le mutisme de la justice et de la police, elle décide de prendre la plume pour manifester sa colère car depuis le drame, cette périphrase trotte inlassablement dans la tête d'Irène et de sa famille et le constat est glaçant : « le-type-qui-a-fait-le-coup » n'a jamais été identifié.

L'auteure ressent comme une gêne, une honte, face à la sidération de ses proches lorsqu'elle évoque le meurtre. Une « male mort » dit-elle, une mort violente, rapportent les enquêteurs. Pourtant, « cette mort ne peut pas rester sans voix », alors sur les conseils d'un ami, elle va choisir l'écriture, le meilleur exutoire pour canaliser ses souffrances. « Mourir comme ça … il n'y a pas de mots pour ça ». Pourtant, « cela l'a prise comme ça » de vouloir exprimer sa « zone de l'effroi » avec des mots, afin de tenter d'apaiser la douleur lancinante et insupportable du silence qui l'oppresse. Comment faire le deuil d'un proche lorsque la famille ignore l'identité du meurtrier, les circonstances exactes de son acte, ainsi que le mobile ?
Quatorze mois après le drame, et souhaitant redonner vie à sa soeur « oubliée », Irène Frain évoque dans ce récit poignant les meurtrissures psychologiques intimes et insoutenables, qu'elle a ressenties comme autant de blessures qui ne cicatriseront jamais. En lui rendant ainsi un vibrant hommage, elle a peut-être aussi trouvé une autre façon de calmer les vagues-submersion de ses légitimes rancoeurs.

« En France, il y a un peu plus de huit cents homicides par an et quatre-vingts pour cent d'entre eux sont résolus. Mais plus le temps passe, plus l'élucidation est difficile. Et c'est très dur d'attendre » …
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Irène FRAIN. Un crime sans importance.

Ce roman autobiographique débute en septembre 2018 et s'achève en mai juin 2020, date à laquelle l'auteure a confié son récit à son éditeur. L'action se déroule dans un périmètre dit sensible, à la périphérie de la grande région parisienne. Nous sommes dans une zone immense commerciale. Décathlon, Amazon, Speedy, Norauto, Jardiland, Lerpy-Merlin, etc, toutes les grandes enseignes ayant pavois dans l'hexagone, ont envahi une petite commune rurale, située en bordure de la Beauce. Dans une petite impasse, Denise,une personne âgée de 79 ans a été agressée et abandonnée, entre la vie et la mort dans son petit pavillon. Qui a attaquée cette femme? Quelles sont les causes de toute l'hostilité manifestée contre cette vieille dame tranquille? C'est son fils, Tristan qui la découvrira et elle restera un mois aux soins intensifs d'un hôpital parisien. Malheureusement, elle décédera des suites de ses blessures.

Ce douloureux récit d'Irène Frain nous plonge dans les non-dits tus depuis des décennies au sein de sa famille. Denise est la soeur aînée d'Irène. Dix ans de différence entre ces deux filles, puis viendront trois autres enfants au sein du couple parental. Les relations entre les deux soeurs ont été rompues, suite à la maladie dont souffrait Denise. Malgré leurs différents, Irène veut savoir les causes de la mort de Denise et elle veut pouvoir identifier le ou les meurtriers? Elle va donc déposer plainte. Qui a bien pu tuer Denise, quel est le mobile? Pourquoi elle? Toute la lumière doit être faite, un crime doit toujours être puni.

Irène tâtonne, fouille dans leur passé, revit son enfance, son adolescence et surtout partage la connivence qui a existé pendant de longues années avec cette soeur, beaucoup plus âgée qu'elle, et qui a formé la cadette à l'amour de l'école, du savoir, des lettres. Denise était également enseignante, comme notre écrivaine. Elle a fait de brillantes études, dès ses 23 ans elle professait.

Mais Irène se heurte à un véritable imbroglio politico-judiciaire. le dépôt de plainte est un parcours du combattant : la décédée est une petite personne, insignifiante. La police ne fournit pas les conclusions de l'enquête, les rapports ne sont pas rédigés au bout de dix-sept mois, le policier qui a fait le premier rapport n'a pas signé et on ignore même son nom. Il me semble que nous sommes en plein cauchemar. Au XXI ème siècle, il y a une totale incompréhension entre les diverses instances policières, juridiques, et la personne qui demande de l'aide. C'est consternant. C'est démoralisant. Combien de temps faut-il pour prendre en compte les divers éléments, le relevé des empreintes sur les lieux du crime. Mais il n'y a pas eu crime, la personne est dite décédée à l'hôpital sans la mention des séquelles dues à son matraquage, son passage à tabac par le ou les intrus?

Trop d'injustice flagrante, trop de non-dits. Une police submergée par la paperasserie. Une justice encombrée par un nombre de plus en plus élevé de dépôts de plaintes, des dossiers non résolus.. Est- ce dû à un manque de personnel? Et le commun des mortels, comme Denise et sa famille attend, attend…. Il faut de la patience… Mais que de larmes derrières tous ces ennuis, ces violences, ces crimes non résolus. Est-ce une volonté de l'État ou est-ce dû au temps? Comment peut-on laisser tous ces crimes, ces meurtres impunis.

En creusant un peu dans la vie de cette commune où résidait sa soeur, Irène découvre qu'au moins deux autres agressions similaires ont eu lieu à quelques centaines de mètres du pavillon de Denise et qu'il s'agissait déjà de personnes âgées ou vulnérables car handicapées ou malades. Au fil des jours et des mois ce sont sept agressions qui ont fait la une du quartier et au final, pas d'enquête. Nous nous posons des questions : mais que fait la police ? Exaspération des victimes collatérales comme Irène et les enfants de la décédée. C'est donc notre auteure qui mène l'enquête, similaire à celle que conduit la police. C'est bien Irène qui fait leur travail. C'est révoltant. J'ose espérer qu'à la suite de la publication de ce récit, l'enquête va progresser et que l'on retrouvera le ou les coupables…. Mais je crains de faire un voeu pieux….

de la honte m'envahit à la lecture de cette narration. Je suis de tout coeur avec Irène et je souhaite que des progrès soient faits. Un peu tardivement, à mon goût. Il faudrait donner les moyens à tous les intervenants.

C'est une belle page d'amour que Irène écrit à sa soeur. Les non-dits familiaux lui ont permis d'abattre les cloisons. Merci Irène pour cette transmission. Je vous souhaite beaucoup de courage. Vous en avez déjà fait beaucoup. Vous réhabilitez l'honneur de la famille.

Je ne peux que conseiller cet ouvrage. Digne, bien écrit, une véritable enquête. Que la justice et la police s'en inspire et que tous les citoyens, petits ou grands, riches ou pauvres soient traités de façon équitable. Mais j'ai des doutes ? Je souhaite que notre nouveau ministre de la justice s'en empare et qu'il en tire les leçons…. J'ai eu les larmes aux yeux en lisant ce livre. Trop de vérités, trop de réalité et il faut faire face. Bonne journée et bonne lecture.

Lien : https://lucette.dutour@orang..
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Et c'est vraiment mon avis, ai-je envie de dire juste en dessous de ces mots fatidiques, comme si une blogueuse n'écrivait pas ce qu'elle pense réellement d'un livre. Logiquement, si. Cela fait longtemps aussi que l'on ne m'a pas reproché un avis en mode "mais tu n'as rien compris au livre". Cela (re)viendra peut-être avec celui-ci.
Je l'ai acheté vendredi, lu samedi, chronique qui paraît beaucoup plus tard que je ne l'aurai pensé (en novembre, donc). J'ai eu l'impression de m'infliger une lecture, plutôt que de lire, parce que ce n'est pas un roman, c'est le récit d'une souffrance - de souffrances. Et c'est parfois difficilement supportable à lire, comme si, finalement, j'avais regardé l'autrice en train de se noyer dans sa douleur, dans sa colère, sans rien pouvoir faire de mon côté. Lire un roman, c'est beaucoup plus reposant émotionnellement parlant, puisque l'on sait que ce n'est pas réel - sauf si l'auteur a réussi à rendre tellement réels ces personnages que l'on ne peut que ressentir de l'empathie pour eux.
Je commencerai donc par ce qui a été le plus facile à lire : la partie judiciaire. Irène Frain nous parle alors de notre époque, celle qui non seulement adore regarder des séries policières, de la plus douce à la plus trash, mais encore regarde un nombre incalculable de documentaires.
Je l'admets : j'ai fait un malaise (chute de tension ? hypoglycémie ?) en lisant ce livre, comme si mon corps me disait : "stop, passe à autre chose, c'est trop pour toi". Parce que rien ne se passe comme l'on pense que cela pourrait se passer. Parce qu'il est des enquêtes qui, si je ne les qualifierai pas de bâclées, sont du moins pas assez approfondies, comme si l'enquêteur avait voulu garder l'affaire "pour lui", et ne surtout pas la transmettre. C'est un constat extrêmement triste, il aura fallu d'autres agressions, des témoins pour que l'affaire bouge enfin. Que dire aussi du premier avocat engagé par l'autrice, qui conseille, finalement, de ne surtout rien faire ?
Je continue avec ce qui m'a bloqué, ce qui a été le plus difficile à lire (j'ai failli écrire "à remplir") : la partie concernant les relations familiales. Je ne sais pas s'il faut qualifier de coupures, de ruptures, de liens très difficiles. Pour résumer, Irène n'a pas eu les mêmes rapports avec ses parents que ses aînés, ou ses cadets. A part dans la famille, recueillant aussi une certaine hostilité de leur part, l'autrice a dû aussi faire face à la maladie mentale de Denise, sa soeur aînée. Et je ne comprends ni la réaction du médecin, le conseil qu'il lui a donné, ni le fait qu'elle l'ait accepté, presque avec soulagement. Peut-être agissait-on ainsi, à l'époque. Je trouve, par expérience familiale, qu'il est extrêmement triste de considérer ainsi un membre en souffrance. Alors oui, c'est dur, oui, c'est compliqué, très compliqué, d'être avec eux, oui, il arrive que l'entourage baisse les bras, surtout quand on a été aussi proche que l'autrice l'a été de sa soeur. Il est d'autant plus courageux d'évoquer ses liens, et toutes les douleurs qui les ont entourés. Mais c'est tout sauf facile à lire.
Une oeuvre forte, qui donne l'impression d'une justice à deux vitesses : pas de marche blanche pour les meurtres de vieilles dames, pas de une des journaux nationaux. Comme le dit si bien le titre : un crime sans importance.
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Récit bouleversant et distancié de l'assassinat de la soeur de l'autrice, une vieille dame sans histoire, dans un pavillon anonyme de banlieue.
Irène Frain a eu le talent de traiter ce drame familial comme un objet d'étude à la fois policière, sociale et psychologique.
Elle a su trouver le ton juste pour dire avec pudeur des relations pas si harmonieuses que cela avec sa famille qui sonnent justes et bien réelles. Puis, elle a creusé la réalité contemporaine d'une société mosaïque où chacun vit recroquevillé sur son intérieur.
Face à ce meurtre inexpliqué et au silence des vivants, Irène Frain donne à lire des pages poignantes en dépit de leur sobriété.
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L'autrice Irène Frain nous raconte son combat pour découvrir la vérité sur le meurtre de sa soeur. Denise cette grande soeur qu'elle a tant aimé était enfant. Sa fée-marraine comme elle l'appelle. Cette soeur laisser pour morte chez elle après avoir été roué de coups et qui décèdera à l'hôpital plusieurs semaines après l'agression.
L'autrice fait revivre Denise, leur passé commun, sa maladie et leur lien rompu à l'âge adulte. Elle essaie de secouer la machine judiciaire pour savoir ce qui c'est passé dans ce pavillon de banlieue. Mais C'est David contre Goliath, les semaines passent et justement rien ne se passe ou tellement peu.

Irène Frain va se mettre à écrire dans des carnets ce qui se passe, l'inertie, ses sentiments, ce passé pour essayer de trouver des réponses et où en est l'enquête.

Un récit chirurgical pour soulever cette chape de silence et faire bouger la justice. Un crime qui est tout sauf sans importance car le besoin de réponse est vital.
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Une retraitée se fait agressée dans sa maison un beau jour de septembre. Les faits ne sont pas précis, l'enquête patauge, sept semaines plus tard, la vieille femme décède...Le début de ce récit, ce sont des faits bruts, on dirait une restitution journalistique des événements...C'est bien écrit, mais c'est froid, sans incarnation. C'est une histoire parmi tant d'autres.
Puis vient l'enterrement. Parmi les présents, une femme en manteau bleu. Cette femme, c'est Irène Frain, l'auteur de ce récit. Elle est là parce que la femme qui est morte est sa soeur. Même si leurs relations s'étaient distendues, comprendre ce qui est arrivé à sa soeur devient une obsession. Et de l'obsession il en faut pour comprendre et combattre la machine immobile qu'est la justice...
J'ai trouvé ce récit très touchant, le partage de cette quête de vérité, le retour sur cette relation avec sa soeur....Il n'y a pas d'apitoiement, il n'y a que la force de ceux qui veulent faire bouger les choses....
Merci à Babelio et à Seuil pour ce livre reçu dans le cadre de la dernière Masse Critique..
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J'ai trouvé le récit de ce crime sans importance disparate. Que cela soit au sens premier, "Qui produit un effet discordant par les éléments divers qui le constituent", ou dans sa seconde acception, "Composé d'éléments hétérogènes". Merci à Larousse pour les définitions.

L'ouvrage tient du récit, du témoignage, du pamphlet, de l'essai, du roman aussi (mais finalement assez peu).

On démarre sur le récit d'un cambriolage doublé d'un meurtre. La victime, une vieille dame seule, meurt en fait quelques semaines plus tard. On y reviendra. Ensuite, Irène Frain passe à une sorte de radioscopie de nos banlieues-dortoirs, qui jouxtent des quartiers de pensionnés ou des cités "difficiles".

On fait un focus sur l'enterrement, puis sur la vie de Denise, soeur aînée d'Irène Frain. On évoque le passé, doux, tendre, cocoonesque, délicat, "mieux que le présent violent et terne". On passe ensuite aux velléités d'enquête d'Irène Frain, qui rameute les séries américaines ou autres "Faites entrer l'accusé". Puis on secoue la justice immobile et la police incompétente, ou lente, c'est selon. On clôture sur la dernière partie, intitulée Réparation... et qui ne répare rien.

Le choix du titre est déjà une indication de la construction structurée, planifiée, organisée par l'autrice. Peut-on dire qu'un crime soit sans importance. Figure de style redoutable. Surtout qu'elle est doublée du portrait d'Irène Frain, récupérée d'une photo plus large où figure Denise. Pas d'explication au fait que Denise, personnage central du récit disparaît de la photo au profit d'Irène Frain. Cela m'a pertrurbé. Droits d'auteur, refus de la famille. Irène Frain aurait sans doute pu en dire davantage.

Dire davantage... effectivement, ce roman démarre par un fait divers, et ne se termine pas vraiment. J'ai senti Irène Frain en roue libre. Elle s'arrête à 250 pages, mais elle pourrait faire 2 ou 3 fois plus. Un essai ou un pamphlet se boucle, un récit aussi. Ici, le temps est suspendu.

Que cela soit clair... Je comprends son indignation, sa colère, son dégoût. Je ne fais pas que le comprendre, je le partage également. Il y a tant d'injustice, tant de paradoxes, de dysfonctionnements. Un seul récit ne suffirait pas. Mais je me suis senti otage du récit d'Irène Frain, otage bien davantage que partenaire ou témoin. Car le lecteur apprend en fin de livre que celui-ci ne voit le jour que parce qu'Irène Frain souhaite faire pression sur la justice en profitant de sa notoriété.

Cela jette un éclairage particulier sur le livre. On a donc un récit froid, finalement, car empreint d'une certaine vengeance, de comptes à rendre, d'une volonté d'en découdre, de croiser le fer. Et cela ne m'a pas plus, au-delà du récit simple et efficace, percutant du fait divers. Ce n'est plus un hommage à Denise, morte seule dans des conditions atroces. C'est Irène Frain contre la République, dont on n'a jamais dit qu'elle était parfaite. C'est dommage, la première partie, radioscopie de nos banlieues démarrait bien. C'est à mon avis la meilleure partie du livre.
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Un jour de septembre ensoleillé, un ou des hommes ont pénétré un pavillon de banlieue. A l'intérieur, une vieille femme cousait des sachets de lavande. Massacrée, selon les dires du policier en charge de l'enquête, elle décède six semaines plus tard.
Un article dans la presse locale, quelques déclarations louablement outrées des édiles, et puis la chape d'un silence dense et opaque.
Cette vieille dame était la soeur aînée de l'auteure, sa fée-marraine, un être essentiel dans la construction d'Irène Frain qui a évoqué dans d'autres livres son histoire familiale chaotique.
Double silence. Celui de sa famille qui ne l'a prévenue que lorsque le décès est survenu, et celui de la justice. Ce silence, c'est une porte ouverte sur une réalité fantasmée ; c'est un spectre en souffrance exigeant réparation de sa mal-mort ; c'est une immobilité qui annihile le deuil.
Par ce texte que l'on peut trouvé distancé, froid, factuel, Irène Frain s'essaie à mettre en mots l'indicible. L'indicible d'une mort violente et effroyable frappant le quotidien d'une personne âgée sans histoire et sans bruit, l'indicible d'une justice qui dérape, freine, s'embourbe dans un dédale kafkaïen ; l'indicible, enfin, d'une histoire familiale construite en négatif.
Au fil des pages, le lecteur est convié dans une intimité qui se dénude. Les phrases s'adoucissent, composent une ode à cette disparue de l'impasse, lui rendant dignité. Irène Frain se fait couturière pour ce livre. Chaque mot est un point piqué sur le tissu de souvenirs enfouis. Elle ravaude et rapièce jusqu'à fabriquer un linceul de dignité à celle partie dans l'indifférence.
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L'oxymore du titre constitue déjà tout un programme ! Comment, pour qui, pourquoi un crime peut-il être sans importance ? C'est aussi ce qui préoccupe Irène Frain qui introduit ainsi son oeuvre : " J'ai entrepris d'écrire ce livre quatorze mois après le meurtre, quand le silence m'est devenu insupportable."
En effet, alors que sa soeur aînée, Denise, a été sauvagement molestée et laissée pour morte dans sa maison de Brétigny-Sur-Orge et qu'elle est restée sept semaines dans le coma avant de décéder après cette violente agression, personne ne s'est donné la peine d'avertir Irène Frain avant son enterrement, personne n'a cherché à resserrer les liens familiaux pour faire face au drame, les policiers en charge de l'enquête trainent à rendre leurs conclusions et la justice est un "Mastodonte" qui peine à réagir. Comment dans ce cas parvenir à faire face à cette catastrophe ? Même si l'autrice n'a pas revu sa soeur depuis des années, Denise était pour elle, sa marraine et même une mère de substitution et un modèle. Elles ont dormi dans le même lit, elles ont lu et nagé ensemble lorsqu'elles habitaient encore à Lorient. La mort atroce de Denise ne cesse de tourmenter l'auteure qui passe de l'espoir à la colère et à la culpabilité, de l'attente à l'action, pour enfin prendre la décision d'écrire ce livre. Alors ce livre, comment le qualifier ? Un roman ? Il est vrai que lasse de n'avoir aucun interlocuteur, l'autrice imagine ses entretiens avec le procureur et retrace ainsi ses relations avec Denise et avec le reste de sa famille. Depuis des années les liens sont rompus, Denise s'est mariée sans inviter sa famille, sa mère, par le biais d'une lettre d'une soeur plus jeune a rendu l'autrice responsable de découvrir ce qui avait conduit Denise à l'hôpital psychiatrique. C'est pour l'autrice, une découverte, elle ignorait que sa soeur, une jeune femme brillante et intellectuellement précoce, était malade. Et comment avoir des réponses alors que le secret médical impose le silence. Elle réussit cependant à apprendre que sa soeur souffrait de bipolarité et le médecin la met en garde car elle est personnellement menacée...
Le texte est écrit naturellement comme composé à partir de notes, cette écriture donne du crédit à la dimension autobiographie du récit et contribue pour une large part à l'émotion que suscite le texte et à l'intérêt qu'il suscite. Les précisions sociologiques qui situent le lieu du crime donnent aussi du relief à ce récit, ancré dans une réalité sociologique et urbanistique. Alors, roman ? Récit autobiographique ? Roman autobiographique ? Chronique judiciaire ? Ce livre est inclassable mais il est à lire, assurément.


Lien : http://www.lirelire.net/2020..
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