Citations sur Outlander, tome 2 : Le Talisman (117)
"Jamie ... Je ne veux pas ... Je ne peux pas ... Je ne vivrai pas sans toi, un point c'est tout !"
— Décidément, je ne comprendrai jamais rien aux hommes, soupirai-je.
Il saisit mes deux mains et m'attira à lui.
— Tu n'as pas besoin de me comprendre, Sassenach, tant que tu m'aimes...
Il se pencha et baisa doucement mes doigts.
... et que tu me nourris, acheva-t-il.
— Me consoler ? Et comment ? Tu peux me rendre mon enfant ?
Il se laissa tomber à genoux, mais je refusai de le regarder. Il avança une main pour me toucher, mais je me rétractai. Il hésita, recula sa main, la tendit à nouveau.
— Non, dit-il d'une voix à peine audible. Je ne peux pas, mais... avec l'aide de Dieu... je peux peut-être t'en donner un autre ?
Sa main flottait au-dessus de la mienne, si près que je sentais la chaleur de sa peau. Je sentais autre chose aussi : le chagrin, la colère et la peur qui l'étouffaient. Et par- dessus tout, le courage qui lui permettait de parler malgré tout. Je pris sa main et relevai la tête, regardant droit dans la lumière.
Il glissa un pan de sa cape sur mon épaule. Je me blottis contre lui,surprise par la solidité et la chaleur de son corps.
— Jamie, murmurai-je, où étais-tu passé ?
— Ou-oui, Votre Majesté, je comprends. Mais il a été provoqué, mentis-je. Il est écossais, comme vous le savez, et... et les Ecossais sont connus pour être...
Je cherchais un euphémisme.
— ... très susceptibles dès que leur honneur est en jeu.
— Pour qui me prends-tu, Sassenach ? dit-il en feignant l'indignation.
— Pour un sale bâtard d'Ecossais. Ou mieux encore, un hors-la-loi sans scrupules. Qui sait ce qu'un libertin sans vergogne de ton espèce serait capable de faire ?
Il se mit à rire avec moi.
Pas de panique, mon vieux ! Ce n'est pas la mer à boire. Les livres, c'est ce qu'il y a encore de plus facile à trier.
— Non, mo duinne. Tu l'as aimé, je n'y peux rien. Il est normal que tu portes son deuil. Et ça me réconforte un peu de savoir...
Il hésita.
— De savoir quoi ?
— ... qu'un jour peut-être, tu porteras mon deuil de la même manière.
Le domaine s'appelait Broch Tuarach en raison de la vielle tour de pierre, érigée quelques siècles plus tôt, qui se dressait entre les collines derrière le manoir. Les habitants des lieux l'avaient baptisée Lallybroch, «la tour paresseuse», un nom qui me paraissait aussi dénué de sens que «la tour qui fait face au nord».
Je posai une main sur mon ventre et sentis aussitôt son occupant me répondre :une petite poussée paresseuse qui me redonna du courage. Je me sentis envahie par une profonde gratitude qui me fit monter les larmes aux yeux.
— Sassenach, qu'est-ce que je peux faire ? chuchota Jamie.
Sa main vint se poser sur la mienne, essayant de sentir notre enfant menacé.
— Prie, Jamie. Prie pour nous.
Mais Charles-Edouard n'était pas un « bleu ». Même si ce n'était pas un grand soldat, il avait fréquenté les champs de bataille dès l'âge de quatorze ans, comme Jamie, au moment de la bataille de Gaète assiégé par les Sardes.
Ce n'était pas un simple paysan ni un berger qu'il avait devant lui. Pas même un soldat anonyme dont le devoir était de défendre la cause des Stuarts, mais un ami. En outre, la plaie de Jamie semblait lui faire prendre enfin la vraie mesure des choses : ce sang avait été versé en son nom, tous ces hommes avaient été blessés pour sa cause. C'était une révélation difficile à porter pour ses jeunes épaules.
Il contempla longuement le flanc de Jamie et leva les yeux vers son visage. Il lui saisit la main et inclina la tête.
— Merci, dit-il doucement.
L'espace de ce bref instant, je me dis qu'il aurait peut- être fait un bon roi, après tout.