La Maison de Bernarda Alba est un drame de l'enfermement. Pièce en trois actes, elle débute avec la décision de la mère autoritaire Bernarda Alba, d'imposer un deuil strict et cloîtré de huit ans à ses cinq filles -Angustias, Magdalena, Martirio, Amelia et Adela- suite au décès du père. Et ce selon la tradition andalouse. Ici, il n'y aura pas d'hommes, juste une domestique et une bonne pour entretenir la maison de la famille. Les hommes seront les grands absents-présents de la pièce, des êtres fantasmés par des filles en âge de se marier et désirantes. En attendant la fin du deuil, elles auront tout le temps de coudre leur trousseau de mariage.
Seule Angustias, la plus vieille, elle a trente-neuf ans- et surtout « la plus laide », a un fiancé José, le « plus bel homme du village », de quatorze ans son cadet. Ses soeurs persiflent : José veut l'épouser uniquement pour ses biens, Angustias étant née d'un premier lit et ayant hérité de son père. Les autres devront attendre pour se marier un homme du même rang qu'elle, selon les désirs de la mère, jalouse de son rang et de l'honneur qui lui est dû. Elle a déjà refusé par le passé que Martirio se fiance à un paysan sans terre pour le malheur de sa fille qui a depuis renoncé au mariage.
Bernarda Alba est une maîtresse femme, un tyran domestique, obsédée par la pureté : les didascalies insistent sur le décor blanc, et son nom lui-même signifie « blanche ». Elle veille jalousement sur la pureté de ses filles. Pour elle, le seul homme sur qui devrait se porter leur regard est le curé, car ce dernier est en robe. Pour le reste, jamais leurs yeux ne devraient rencontrer ceux d'un homme, excepté si c'est le regard de leur mari. de même, elle leur enjoint de respecter le silence de leur mari et de s'habituer à leur défection conjugale « Au bout de quinze jours un homme quitte le lit pour la table puis pour le café du village. » enseignant ainsi les vieux clichés qu'elle-même a entendu dans sa jeunesse. L'atmosphère qui règne à l'intérieur de la maison est sèche et aride, comme le village andalou où elles habitent.
Mais on n'arrête pas le désir ni on ne le contient avec les murs d'une maison. Les filles s'échangent des potins, des rumeurs : une fille légère, aux seins nues, montée sur un cheval, aurait été rejointe par des hommes dans l'oliveraie. Difficile de ne pas voir une trace d'envie chez ces filles résignées. Seule Adela semble vouloir se rebeller et déclare sa volonté de « sortir » de la demeure. Quand sa soeur Martirio lui demande pourquoi elle ne s'est pas levée plus tôt, Adela déclare « Je fais de mon corps ce qui me plaît. » Poncia, la bonne, lui reproche de s'être mise en chemise légère la nuit précédente, et de s'être placée devant la fenêtre au moment où José passait devant la maison. Elle a compris ce qui se tramait dans la maison, et conseille à Adela d'attendre le décès d'Angustias, qui ne manquera pas d'arriver si jamais elle devait accoucher. Plus tard, un portrait de José disparaît : on le retrouvera dans le lit de Martirio, qui dit avoir agi pour faire une blague. Dans cette maison sans hommes, Adela et Martirio convoitent le fiancé de leur demi-soeur. Comme un avertissement du ciel, on entend au loin une rumeur bruyante : des voisins sont en train de lyncher une jeune femme, qui a voulu cacher sa grossesse coupable en tuant l'enfant né de sa liaison hors mariage. Toutes se réjouissent, sauf Adela.
Poncia tente bien d'avertir Bernarda du danger. Elle lui apprend que José et Adela étaient follement amoureux avant que ce dernier ne songe à épouser l'aînée. D'ailleurs, même Angustias se plaint que José semble ailleurs quand celui-ci vient la voir. Ses regards se dérobent toujours. Mais Bernarda reste inflexible, convaincue qu'elle surveille suffisamment ses filles pour les garder de la honte. [...]
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