Enquête Citroën aulnay sous bois /Talbot Poissy
Cette enquête fait l'objet d'une thèse que ce livre organise...Un peu comme pour
Belle du seigneur d'
Albert Cohen, il faut passer le cap des 27 premières pages , lesquelles posent le cadre de l'enquête. Pour le néophyte, elles sont relativement rébarbatives à lire... le ton est monocorde, les chiffres se succèdent...
Une fois cette étape nécessaire franchie, très vite la lecture s'avère passionnante ... Les témoignages ponctuent et expliquent comment les rapports de force entre syndicats et patronat fluctuent au fur et à mesure que l'immigration bientôt massive, organisée pour combler les postes non qualifiés, s'installe.
On découvre avec effroi la façon de faire des Entreprises paternalistes,
( le paternalisme agissant comme un rempart contre l'intervention de l'État ),
la surveillance des salariés sur leur lieu de travail et en dehors, les pratiques sulfureuses de la Confédération des syndicats libres : syndicat farouchement anticommuniste...
On assiste au déclin de ce syndicat (CSL), corollaire à l'implantation des syndicats CGT et CFDT, qui s'imposent progressivement dans les deux usines .
Dans les emplois sous qualifiés, l'étranger devient majoritaire. Non sans difficultés et quand il le peut, à l'instar d'Alla Ghazi il se syndicalise jusqu'à devenir délégué CGT immigré...
Mais, « Le transfert du pouvoir syndical , français ( donc légitime) , à un syndicaliste immigré est érigé en problème. »
Brimades diverses , inversion des rapports de force, racisme latent, ambiance délétère pavent le quotidien : terreau d'une violence hors norme entre 1955 et 1975 qui atteindra son apogée en 1982 .
Les outils de travail deviennent des armes, les boulons volent....
Et parfois, on en meurt
« Ce n'était pas une grève ( pour les salaires) mais une révolte ( pour la liberté et la dignité) »
« Aucun des acteurs ne souhaitera renouveler plus tard une telle expérience »
Bientôt et à la fin de l'ouvrage ,
L'auteur « fermera la boucle » et nous dira comment les employeurs envisageront des formations pour inviter les immigrés à retourner au pays parce que « Exporter des usines au lieu d'importer de la main-d'oeuvre c'est la voix de l'avenir » page 217
L'immigration massive exacerbe les tensions, et favorise l'émergence d'un autre syndicalisme que celui exercé par la CSL, l'auteur analyse les conflits qui en découlent et le « renversement partiel et provisoire des rapports symboliques de domination CSL/patronats »
C'est à mon humble avis le sujet essentiel de ce livre, ou tout du moins ce que j'en retiens...
Enfin, en ce qui concerne le titre : POUR LA DIGNITÉ reste ce que l'auteur en cite:
.....Dignité notion ambiguë , terme générique dont varie celui qui s'en réfère et qui la revendique.. « signifiant flottant »...
L'industrie de l'automobile fait partie de notre patrimoine....
Vincent Gay nous en restitue avec justesse et objectivité une partie mouvementée de son histoire .....
L'ouvrage est soigneusement documenté;
Il est clairement organisé, le lecteur ne peut pas s'égarer....
Un grand merci donc à
Vincent Gay pour cette restitution foisonnante aussi complète que passionnante ....