Si le jeu vidéo se répand dans les foyers, on parle bien peu de son impact et de son rôle dans la société (sauf quand un tueur a l'insolence de n'être ni islamiste, ni militant d'extrême-droite, ou quand un vide dans les actualités permet de se demander si les jeux vidéos ne sont pas en train de créer une génération d'asociaux perdus dans leur monde virtuel). Cet essai est l'occasion de faire un tour d'horizon de cet univers particulier.
La première partie retrace l'histoire des jeux vidéos modernes, des bornes d'arcade aux consoles de salon. Les attentes sans cesse croissantes quant aux prouesses graphiques forcent désormais les concepteurs de jeux à vendre sur tous les continents, ce qui leur impose de trouver des thématiques universelles, capables de plaire dans des cultures qui n'ont pas la même notion de l'amusement et qui prônent des valeurs différentes. D'un autre côté, cette mondialisation du marché empêche toute prise de risque et favorise un repli sur les thèmes qui ont fait leurs preuves (la « masculinité militarisée ») sur le premier public.
L'auteur s'attarde aussi sur les valeurs qui peuvent être transmises ou dénoncées par les jeux vidéos : violence, racisme, sexisme et toute forme d'idéologie (les jeux de guerre ont ainsi appris aux joueurs à tirer successivement sur les nazis, les russes, les chinois et les irakiens. Une vague de protestation est tout de même survenue récemment contre l'infâme propagande d'un jeu chinois qui proposait de tirer sur des américains). Ces valeurs peuvent être transmises par l'histoire autour du jeu, mais aussi par les choix proposés au joueur (difficile de gagner une partie de Civilization sans adopter un régime démocratique, une économie libérale et la liberté de culte).
La seconde partie s'attache à la structure des jeux, et à ce qui constitue un jeu réussi : immersion du joueur dans l'univers qu'on lui propose et investissement personnel dans l'objectif à atteindre, peur de perdre et espoir de gagner toujours présents, incitation à l'exploration de toutes les possibilités qu'offre le jeu, …
La troisième partie est plus théorique, et est consacrée à une étude du jeu World of Warcraft. L'auteur y développe les méthodes de travail qu'il a utilisées pour cette étude. Cette partie est assez technique, on sent derrière la thèse retravaillée pour en faire un livre plus accessible.
Ce livre est très enrichissant et ouvre plein de pistes de réflexion sur les jeux vidéos. Quand on a été joueur soi-même, il permet aussi de prendre un peu de recul sur sa propre expérience : quels sont les messages que l'on a essayé de nous transmettre ? Les représentations et les actions possibles sont-elles compatibles avec nos valeurs ? … Par ailleurs l'auteur a produit une série de vidéos sur ses recherches (http://www.youtube.com/channel/UC9v¤££¤7Warcraft11¤££¤5MjqwCBw) pour ceux qui voudraient en savoir un peu plus sur le sujet.
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[S]i l'on s'attarde sur la façon dont les précédents procédés permettant la mise en place de simulacres du réel (cinéma, théâtre, photographie, ...) ont été reçus lors de leur apparition, il apparaît bien plus clairement que les accusations aujourd'hui portées à l'encontre du « multimédia » en général et des jeux vidéos en particulier sont des réactualisations d'une même critique plus ancienne. [...][D]errière les critiques émises à l'encontre de la fiction pointe le refus de considérer les « simulacres du réel » comme source de connaissance et d'émancipation.
Gonzalo Frasca propose trois niveaux distincts dans lesquels peuvent s'exprimer les idéologies. Le premier est celui de l'histoire et des événements mis en jeu. [...] Le deuxième niveau se situe dans la manipulation des règles, ce que le joueur peut faire à l'intérieur du modèle, tandis que le dernier correspond au but qui lui est imposé pour gagner.