La série des Inspecteur Linley, dont le vingt et unième,
Une chose à cacher, est paru en France en 2022 est de celle dont les volumes constituent une suite ordonnée principalement autour de la vie privée des enquêteurs récurrents, avec cependant une particularité dans le traitement du problème du vieillissement des personnages lorsque la série s'étale sur plusieurs décennies, ce qui est le cas ici, puisque le premier volume, Une
enquête dans le brouillard, a été écrit en 1988.
Ce problème ne se posait évidemment pas pour les enquêteurs des cycles à l'ancienne, tels qu'Hercule Poirot, dont les enquêtes se succédaient en un temps indéterminée et une société presque figée, où le personnage n'avait pas besoin de vieillir ; heureusement d'ailleurs, car notre détective, déjà retraité de la police belge pendant la première guerre modiale, où il fait ses débuars dans le secret de Chimneys, aurait terminé sa carrière dans les années soixante dix, très largement centenaire ; c'est pourquoi il n'a pas de biographie à proprement parler ; l en est de même pour Maigret.
Les auteurs plus récents, conscients du caractère artificiel du procédé, ont voulu en donner une à leurs personnages ; d'où le problème en question, car respecter le vieillissement normal du personnage conduirait à mettre fin à sa carrière plus rapidement que souhaité par l'auteur et les lecteurs ; la plupart des auteurs le résolvent plus ou moins comme
Ruth Rendell, dont
l'inspecteur Wexford, âgé d'une petite quarantaine au début de sa carrière littéraire dans les années soixante, arrive à l'âge de la retraite cinquante ans plus tard, dans les années deux mille dix ; il a vieilli, mais moins vite que le monde autour de lui ; il en est de même de l'Inspecteur
Harry Bosch.
Mais Thomas, comte Linley et inspecteur à New Scotland Yard, bien que le monde ait changé autour d'eux dans les romans au même rythme que le monde réel et que leur vie privée ait connu beaucoup de vicissitudes, n'ont pas pris une ride en trente cinq ans.
Ce qui ne veut pas dire que les personnages n'aient aps évolué ; ils ont perdu un certain nombre de leurs caractéristiques les plus outrées depuis
Enquête dans le brouillard, où l'on pouvait les croire échappés d'un roman de
P. G. Wodehouse ; ainsi Thomas Comte Linley a abandonné sa Rolls Royce, peu crédible pour un officier de police, mais il a conservé son majordome ; c'est lui qui tient le rôle du policier désespéré, il pleure toujours Helen, son épouse défunte, et s'est certes trouvé une nouvelle copine, complètement barrée d'ailleurs ; elle n'est pas la seule ; ses amis, les Saint-James, ne sont pas mal non plus ; Saint-James a épousé la fille de son majordome, pourquoi pas, mais ce dernier continue à travailler pour lui, ce qui est tout à fait vraisemblable, n'est-ce pas ? Ils constituaient d'ailleurs avec Linley et sa défunte épouse un quatuor compliqué, où il y a eu permutation de partenaires pour des raisons tout aussi compliquées, que j'ai oubliées, mais qui se trouvent exposées dans les premiers volumes (non, rassurez-vous, ce n'est pas de l'échangisme, les couples se sont défaits et refaits autrement ; mais ils restent tous très bons amis). Quant au sergent Havers, improbable mélange de punk et de cockney, elle a des excuses pour sa grossièreté et son caractère impossible avec la vie tout aussi impossible qu'Elisabeth George lui fait mener. Mais enfin, il y a du progrés
Et donc une nouvelle enquête, ou plutôt deux, l'une sur les mutilations sexuelles des femmes dans certaines cultures africaine, et l'autre sur le meurtre d'une femme, les deux étant d'ailleurs entremêlés.
Le côté sociologique n'est pas dénué d'intérêt, au contraire, et constitue une véritable enquête sur ces pratiques et leurs modalités dans les pays occidentaux où existe une forte communauté issue des pays d'Afrique Noire où elles sont encore très répandues
Il ne faut cependant pas oublier que l'auteur est américaine et a toujours vécu aux Etats-Unis, ce qui induit à se poser des questions sur ses connaissances réelles des phénomènes qu'elle décrit, d'autant que dans
Juste une mauvaise action elle a eu l'imprudence d'envoyer le sergent Havers enquêter en Italie, ce qui a produit la description la plus contre-factuelle et ridicule de ce pays qui ait été écrite depuis les romans d'Exbrayat (et encore...) au point qu'elle aurait justifié un incident diplomatique.
L'intrigue n'est pas plus invraisemblable qu'une autre, quoique le dénouement...mais bon. Et après tout notre
Fred Vargas nationale a fait bien pire avec son
Sur la Dalle, plus mauvais roman policiers de tous les temps.
On regrettera que l'auteur, prise d'un prurit wokiste, ait cru nécessaire de mettre en scène des Noirs décoloniaux, d'une hostilité et d'une grossièreté incroyable à l'égard des Blancs qui supportent chrétiennement les avanies qui leur sont infligées, sans doute pour mieux expier leur « privilège blanc ».
Même si les pays anglo-saxons nous précèdent allègrement sur la voie du wokisme, on a du mal à y croire
Mais finalement ce n'est pas si désagréable à lire, un peu long toutefois ( (quelque huit cents pages et qui auraient gagnées à n'être que quatre cents) ; pour ce genre de livre, il est bon de savoir pratiquer à l'occasion la lecture rapide.