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Critiques filtrées sur 4 étoiles  
Ce livre est un kaddish.
Pas le kaddish que recitent les hommes juifs endeuilles.
Ce kaddish est declame par une femme, non juive, une “gentil".
Pas le kaddish traditionnel sanctifiant le nom de Dieu: “Magnifie et sanctifie soit le Grand Nom dans le monde qu'il a cree selon sa volonte etc.”
Pas son pendant chretien: “Notre pere qui es aux cieux que ton nom soit sanctifie etc.”.
Un kaddish laic qui s'en prend aux cieux aveugles aux souffrances des hommes, aux cieux sourds a leurs cris.
Pas un kaddish particulier dit pour un pere ou une mere disparus.
Un kaddish elargi aux disparus d'ici et d'ailleurs, d'hier d'aujourd'hui et de demain. Les miens et les tiens. Les notres.
Un kaddish elargi aux souffrants et aux souffrantes, pendant leurs vies et apres leurs morts.
Un kaddish elargi aux pensees des souffrants.
Un kaddish elargi aux textes des souffrants.
Un kaddish pour l'ecrivain Bruno Schulz tue d'une balle dans le dos au ghetto de Drohovycz; pour Franta Bass, un gosse qui ecrivait de petits poemes a Terezin, le ghetto-modele de triste memoire; pour le pere de l'autrice, mort a Paris dans le quartier d'Auteuil; pour Sarah, la fillette hebetee par la faim et la misere, que photographia en Galicie Roman Vischniak; pour Saint Jean Nepomucene, torture et noye pour s'etre oppose a un empereur; pour le heros de la nouvelle de Kafka: “A cheval sur le seau a charbon”, qui vole sur son seau vide: “derriere moi le poele impitoyable, devant moi le ciel qui ne l'est pas moins”; pour les amants abandonnes, pour les amantes desertees; pour les maisons delabrees, les quartiers degrades et les gens qui y habitent; pour tous les hommes, “jusqu'a l'homme denomme et dechu pour avoir trop bafoue, trahi, meurtri ceux de sa race, race unique a travers toute la terre”.

Un kaddish recite a Prague. Chante en deambulant a travers ses quartiers. Un kaddish-poeme. Qui sied a Prague, ville-poeme.

J'ai lu ce texte poetique, ce poeme-kaddish, incite par Lectuur. Je la remercie.
Je l'ai lu assis, chez moi, a la lumiere d'une lampe. J'aimerais pouvoir le relire debout, a Prague, devant l'Altneuschule, la synagogue Vieille-Nouvelle. Une synagogue aujourd'hui a demi enfoncee par rapport a la chaussee. La synagogue qu'evoquait Jiri Weil, sans la nommer, dans Vivre avec une etoile, quand, pour une fois reuni avec les restants de sa communaute, il murmurait: “Des profondeurs je t'invoque, O Eternel!”
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Elle, la pleurante, personnage fantomatique, est là pour convoquer la mémoire. Celles des hommes, femmes et enfants qui ont souffert. Celles des petites gens que le vent de l'Histoire n'a pas retenues et qui pourtant jonchent les rues de Prague.
Une ville décrite avec minutie par l'auteure, une ville dans laquelle on déambule dans les différents quartiers, on écoute le tintinnabulant tramway, on respire l'odeur de lignite... une ville qui respire et exhale ses sombres souvenirs.

Une ville symbole de la tragédie du XXe siècle dans laquelle l'Histoire s'est gravée. « C'est que, sous ses grands airs, l 'Histoire pue. Il conviendrait de le sentir, et il importe de le dire, pour que l'on sache à quel point la douleur des victimes fait vraiment mal et que l'on n'oublie pas qu'une larme pèse un poids gigantesque.»

Mais la Pleurante, par le truchement de ses douze apparitions(qui sont autant de chapitres) se penche aussi sur cet écrivain près de mourir de froid, sur ce père disparu, sur ces enfants partis au loin, sur ces amants qui n'en sont plus...
« Là où passe la géant, la terre s'exhausse de l'oubli où nous la tenons, les choses s'arrachent à l'indifférence où nous les reléguons, la matière se montre, grenue, rugueuse, massive, poreuse, pétrie de temps, et tout prend une odeur, un goût, une présence. »

Passeur de mémoire, passeur de mots. La pleurante comme l'auteure font oeuvre commune pour laisser une trace.

Chaque page infuse sa dose de poésie. C'est beau, fort, lyrique. On sort de cette lecture enchanté(e), groggy, ivre de tant de beauté et de tant de tristesse aussi.
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De temps en temps, dans les rues de Prague, apparaît une femme mystérieuse, grande, immense même, claudicante.
Elle est habillée de plusieurs épaisseurs de tissu élimé, effrangé.
Elle rôde, hante, avance d'un pas décidé, puis disparaît.
Qui est-elle ?
Ce n'est pas un roman.
C'est un conte poétique, un récit onirique.
Cette femme c'est peut-être l'allégorie des souffrances de la ville.
La mémoire et la conscience de Prague.
Et cette marcheuse somptueuse s'est infiltrée dans le livre puis s'y est carrément engouffrée.
C'est un livre d'atmosphère.
Une ambiance lourde, oppressante, et lumineuse à la fois.
Un livre pas ordinaire sur une ville que je ne connais pas mais qui doit laisser des traces et des marques.
Une ville certainement énigmatique dont Sylvie Germain a su nous transmettre le mystère avec son écriture poétique et ensorcelante.
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Décidément, j'aime beaucoup l'univers et l'écriture de Sylvie Germain !

Une femme, une Pleurante à la démarche lourde et légère à la fois, portant le poids du monde sur ses épaules et transformant étonnamment toutes ces tristesses en une forme de légèreté immatérielle, hante les rues de Prague à la rencontre de ceux que la vie n'épargne pas.

Je suis bluffée par la manière dont l'auteur nous saisit, nous entraîne dans ces ruelles de bout du monde sombres, tristes et pourtant belles, nous invite dans ces pièces mystérieuses où la Femme nous attend, nous fait voyager dans L Histoire qui, elle aussi, hante murs, pavés, habitations, sentiers.

Chaque page amène son changement... d'époque, de lieu, d'émotion, de langue, de regard, d'ambiance, de ressenti, de vie, de mort. Moments hors du temps garanti !

Ce roman n'est pas joyeux mais laisse malgré tout une trace vive et émue, un rayon de lumière, un sentiment d'appartenir à la même humanité. C'est réconfortant et bienfaisant.
Un roman étrange et fort qui nous laisse en paix.
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Elle verse ses rivières de larmes pour toutes les douleurs du monde, les injustices, les déshérités de la terre, les tourmentés de l'histoire, les années sombres de la ville de Prague, les disparus des camps. Elle porte en elle toute la honte de l'humanité, fragile, géante, évanescente, le pas lourd de tous les poids qu'elle traîne, mendiante, et rappelle au monde ses oubliés, ses morts. Elle pleure toutes les pertes, anonymes et universelles ou personnelles et intimes, celles d'un père, d'un amant perdu à jamais, celles qui jamais ne s'effacent.
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C'est magique, onirique, on lit ce livre comme on traverse un rêve.
C'est beau, c'est bien écrit, c'est très court (seul défaut).
LISEZ LE QUOI!
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N°1594 - Octobre 2021

La pleurante des rues de PragueSylvie Germain – Folio.

Le livre refermé, que reste-il de ma lecture ? Une impression un peu triste que suscite dès l'abord le titre ; il est question d'une pleurante, c'est à dire d'une femme qui verse des larmes sur un tombeau. On ne voit pas son visage voilé, comme une sorte de fantôme immatériel, presque irréel mais pourtant bien présent. Elle parcourt sans presque les toucher le sol, les rues, les places et les ponts de Prague, une ville qui a un âme, qui porte en elle non seulement son histoire mouvementée, mais aussi une légende, une atmosphère qui suscite le rêve, le bouleversement intime et même le malaise. S'y mêlent la mémoire intime des lieux, les regrets et les remords qui débordent de l'âme, les projets inaboutis qui maintenant appartiennent inexorablement au passé, le vertige du temps qui fuit… Cette femme est fluide, inaccessible mais a une certaine réalité, boite parce qu'elle se déplace entre deux mondes, celui, quotidien, de cette ville et le vide du néant. Elle n'inspire pas l'amour comme pourrait le faire une femme, simplement parce qu'elle n'est pas belle mais sa présence est prégnante, envahissante même pour l'auteure qui est peut-être la seule à la voir puisqu'elle témoigne de son état d'âme qui semble bien ancré en elle.
Elle est pleurante et pas seulement pleureuse, parce que cette présence est liée à la mort des hommes, célèbres ou non, consacrés par les institutions ou quidams oubliés par l'Histoire, dont le sort commun est d'être éphémères en ce monde, seulement de passage et voués à la disparition. Elle pleure sur monde marqué par l'abandon et la trahison qui caractérisent bien l'espèce humaine. Cette femme m'évoque la Camarde qui frappe chacun dans son corps en lui arrachant le souffle vital mais dont le travail préalable impose aux vivants les douleurs du corps, l'oubli, gomme leurs souvenirs, les deuils qui ont hypothéqué leur futur en leur interdisant de vieillir en paix. Elle se dérobe aussi comme quelque chose d'inaccessible et qui le restera quoiqu'on fasse parce que le temps nous est compté ou que, quoiqu'on en dise, notre destin s'impose à nous et malgré nous, sans que nous puissions rien y faire. Pour illustrer cela l'auteur évoque quelques disparus et surtout la figure tutélaire de son père et des souffrance qui ont précédé sa mort .
Les apparitions de cette femme sont pesantes ou furtives selon l'âme de l'auteure qui tente de les saisir et de les emprisonner dans des mots qui peuvent être un baume sur ses plaies intimes, une compensation face aux cruautés de cette vie parce qu'elle est synonyme délaissement, de solitude, le manque d'amour. La silhouette de cette femme me suggère une création fantasmatique qu'on s'invente pour soi-même parce que la déréliction est trop pesante, une sorte de compensation aux aléas du quotidien. Ce sont douze apparitions, douze comme comme les heures du jour ou de la nuit, comme la ronde des mois de l'année, comme les signes du zodiaque ou pourquoi pas les douze tribus d'Israël ou les douze apôtres de l'Évangile, parce que Dieu est là présent en filigrane qui transcende l'homme, à la fois mortel et friand d'éternité. La claudication de la femme peut aussi s'entendre comme une pérégrination entre le monde de l'humain et celui du divin. Petit à petit cette femme s'estompe jusqu'à disparaître, mais ce n'est qu'une impression, elle reste ici, tapie dans l'ombre et le secret des murs. Vers la fin, il semble que le jour s'installe alors que jusque çà c'était plutôt une atmosphère nocturne qui prévalait, comme si tout cela s'éclairait avec éventualité du retour d'un homme en allé, d'un amant ou d'un enfant à venir, mais l'ambiance reste automnale et froide, le décor vague et même désordonné. Elle sort du récit comme pour symboliser la libération par les mots mais, à titre personnel je ne suis plus très sûr de leur effet cathartique face à l'obsession de la souffrance et de la mort que j'ai ressentie tout au long de cette histoire.
Le texte est sobre et poétique et j'ai eu envie d'en poursuivre la lecture jusqu'au bout, par curiosité, par intérêt pour l'intrigue de ce court livre qui n'est pas répertorié comme un roman mais qui y ressemble beaucoup. Je me suis laissé porté par ces pages qui m'ont quand même parlé, mais je n'ai peut-être rien compris !
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un récit envoûtant, est-ce d'ailleurs encore un roman ou plutôt un long poème? la Pleurante , géante métaphore des souffrances de l'humanité, des vaincus de la vie et de l'Histoire, apparait à l'auteur dans diverses occasions, portant avec elle le souvenir des disparus, intimes (le père de la narratrice) ou inconnus (l'enfant du ghetto , mourant de faim dans uns cave)
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C'est à travers un récit à la fois poétique et onirique que Sylvie Germain fait apparaître sous nos yeux de lecteurs, un personnage fantomatique et énigmatique : la pleurante des rues de Prague. Et si cette femme apparaît toujours de façon impromptue, inattendue et brève, ce n'est pas pour pleurer sur elle-même, mais bien sur le malheur de sa ville, Prague, cette ville, dont on a « volé la liberté et la fierté » trop longtemps, sur le malheur des petites gens dont l'Histoire emporte et balaie le nom. À travers cette silhouette géante, claudicante, c'est le devoir de mémoire qui réapparaît.
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Elle recèle tant de noms dans les replis de sa robe effilochée, qu'ils pourraient, tous ces noms, former un peuple. Comme les noms gravés sur les murs des mémoriaux. Elle connaît au plus intime les visages de tous ces êtres, elle rend visage à toutes ces voix. Elle est le mystérieux frisson qui parcourt la peau du temps, un frisson de fatigue, d'émoi, de tendresse ou de peine. Elle est l'infiniment doux frisson de compassion. Peut-être est-elle l'écho lointain de la pitié de DIEU.
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