Le septième templier

Malgré le froid qui figeait son visage, Foulques faillit éclater de rire. Depuis qu’il était entré au service de l’ordre du Temple, il avait entendu des milliers de fois de telles histoires où la superstition l’emportait toujours sur la raison. Lui avait suivi à Paris les cours du fameux Thomas d’Aquin, dont l’Église, disait-on, allait faire un saint. À cette époque, il n’était qu’un adolescent, mais il avait appris que l’exercice de l’intelligence se devait d’être la mesure de toutes les choses, visibles et invisibles. Le sergent rapprocha son cheval et baissa la voix.
— Dans les temps anciens, il y avait ici un château que le roi aimait à fréquenter, car les terres étaient giboyeuses. On y chassait le sanglier à l’épieu et on y forçait le cerf à la meute. Un vrai lieu de plaisir. Mais le roi avait commis un oubli. Dans ce château, il n’y avait pas de chapelle, pas de lieu consacré où célébrer la sainte messe.

Ils venaient de passer la colline. Devant eux s’étendait une lande, envahie de taillis qui se perdaient déjà dans la brume. Rigui jeta un œil sur la terre que foulaient les chevaux. Une terre noire, aérée, parfaite pour la culture.
— Cette lande fait partie du domaine des moines ?
— Oui, mais ils ne la cultivent pas.
— Je suppose qu’ils ont leurs raisons…
De l’ongle du pouce, le sergent tailla un signe de croix sur ses lèvres gercées.
— Ne vous moquez pas, Seigneur ! Ici les pierres ont des oreilles et les arbres des yeux. Ils rapportent tout au Malin.

— Le Mal est comme une herbe folle. Elle rampe, invisible, et finit par tout envahir. Voilà pourquoi il faut la couper dès la racine.

Deuxième partie
Chapitre 36

Accroupi sous un auvent, un aveugle aux yeux laiteux lançait des prophéties. De sa bouche édentée, un flot de paroles dégorgeait comme du sang caillé. Sa voix résonnait entre les murs de torchis, annonçait un grand bouleversement, un prodige sans pareil. La roue de la Fortune allait tourner et précipiter le monde dans les ténèbres. Un cri éclata et le petit groupe autour du prophète se disloqua aussitôt. Entouré de gardes, Guillaume de Paris venait de surgir. Le nez busqué et la barbe clairsemée, l’Inquisiteur de France remontait la rue en direction du Louvre. Guilhem ne le connaissait que par la rumeur qui le précédait. Infatigable traqueur d’hérétiques, ce dominicain parcourait le royaume pour la plus grande gloire de Dieu, brisant des vies, ruinant des réputations, déterrant et brûlant même les morts, pour peu qu’ils aient été soupçonnés d’hérésie. Ces bûchers de cadavres avaient terrifié les populations.

Première partie
Chapitre 15

Guilhem aimait le silence et la discrétion. Orphelin, il avait été recueilli par l’Église qui souhaitait en faire un prêtre. Il en avait gardé l’habitude de la discipline et le goût de la solitude.

Première partie
Chapitre 9

Tous ses familiers le savaient, la face du roi était une énigme. Nul sentiment ne s’y inscrivait jamais, même l’âge semblait épargner l’ovale du visage et l𠆚zur des yeux. Dans les chancelleries de toute l𠆞urope, on le surnommait le roi de marbre. Nogaret leva un regard discret sur son maître.

Première partie
Chapitre 7

Antoine détailla son double avec attention. Quelque chose avait changé en lui depuis son retour d𠆞ntre les morts2. Il ne savait toujours pas s’il avait rêvé son passage de l𠆚utre côté du miroir ou si réellement la fondation Memphis avait mis au point une machine à pénétrer dans le royaume des morts. Curieusement, sa mémoire s’était estompée au fil des mois ; en revanche, la lecture de témoignages sur les NDE confirmait ce qu’il ressentait. Tous ceux qui avaient côtoyé le soleil noir de la mort revenaient avec une joie de vivre lumineuse. Les dépressifs redevenaient joyeux, les angoissés intrépides et les timides charismatiques.

Première partie
Chapitre 2

Tu vas renaître ou mourir dans le Temple. Dieu en sera seul juge. Tu peux encore reculer et profiter des bienfaits de la vie ordinaire des chevaliers. Une fois là-bas, impossible de reculer, Foulques, entends bien mon avertissement.

Prologue

monseigneur, nous avons passé à la question plusieurs dizaines de frères à la grange aux dimes. Tous ont fini par reconnaître leurs fautes. Même celles qu'ils n'ont pas commises. En revanche aucun n'a parlé de trésor.

"Le regard fiché sur les deux croix noires, le roi ne répondit pas. Il attendait ce moment avec jubilation. Si froid par nature, il sentait monter en lui une sève nouvelle. Maintenant que le Temple était définitivement abattu, il se sentait rempli de force et d'espoir pour l'avenir. Sept ans que le royaume vivait au rythme des rebondissements du procès des templiers. Sept ans de procédures, d'aveux, de rétractations, qui s'achevaient ce soir. Sept ans à se battre contre le pape, sa propre famille... Philippe se tourna vers sa droite. A côté de lui, sa place était vide. Guillaume de Nogaret était mort, trois ans auparavant, écrasé, épuisé par la tâche, mais vainqueur.
En ce jour de printemps, Jacques de Molay allait finir brûlé."