Écoute : les batailles avec les mauvaises choses, garçon, ça dure toujours longtemps, mais même quand on a touché des deux épaules, on ne doit pas dire : c’est fini. On se relève et on recommence ; à la fin, c’est le malheur qui reste dans la poussière.
Quand on a promis, faut tenir et tout de suite, sans quoi il se mêle dans le mitan de ce qu'on veut faire et soi-même un tas de choses bien gentilles mais bien empêcheuses.
Elle vient de le tutoyer et le ciel, avec tout son verger d'étoiles est en lui.
J’y ai bien réfléchi ; à ça : Baumugnes, c’était un endroit où on avait refoulé des hommes hors de la société. On les avait chassés ; ils étaient redevenus sauvages avec la pureté et la simplicité des bêtes.
Ils n’étaient pas compliqués : ils étaient sains, ils étaient justes ; je vous explique ça comme je le sais, sans falbalas.
Ils venaient au-devant de la vie comme des enfants, les mains en avant, avec des gestes qui ne tombaient pas d’aplomb.
Chapitre 12
Le temps, tout d'un coup, avait commencé à se salir vers le sud.
Tous les jours, c'étaient de longues haleinées de vent tiède à vomir et tout chargé de nuages. Il y avait comme une barrière de fumée du côté de Valensole et ça, ça voulait dire de la pluie.
On se relève et on recommence; à la fin, c'est le malheur qui reste dans la poussière.
Je lève l'oeil. Il y avait dans le ciel cinq gros nuages lancés à fond de train et c'était l'avant-garde. Ça avait encore un peu figure humaine, mais ce qui venait derrière: la fin de tout, une confiture d'encre, sans forme ni rien, avec des tressautements de tonnerre et un grand rire d'éclair qui montrait ses dents en silence avant de bramer.
Écoute: les batailles avec les mauvaises choses, garçon, ça dure toujours longtemps, mais, même quand on a touché des deux épaules, on ne doit pas dire: c'est fini. On se relève et on recommence; à la fin, c'est le malheur qui reste dans la poussière.
J'étais au bout de la ficelle d'amitié amarrée dans nos deux cœurs; encore un pas , elle cassait.
Et j'ai fait ce pas en arrière,et je suis parti.
Voilà!
Nous, on a été, d'abord, dans le temps, de ces gens qui n'ont pas cru à la religion de tous : et, pour ça, à ceux de cette époque qui ont été les grands-pères de nos grands-pères, à ceux là, donc, on leur a coupé le bout de la langue pour qu'ils ne puissent plus chanter cantique. Et après, d'un seul coup de pied de cul, on les a jetés sur les routes, sans maisons, sans rien. Allez-vous-en !
Alors, ils ont monté, comme ça, dans la montagne : les hommes, les femmes, tous ; ils ont monté, et ils ont monté beaucoup plus haut que jamais ceux qui avaient coupé leurs langues auraient cru. Beaucoup plus haut parce qu'ils n'avaient plus d'espoir pour peser sur leurs épaules et ils sont arrivés sur cette petite estrade de roche, au bord des profondeurs bleues, tout contre la joue du ciel, et il y avait là encore un peu de terre à herbe, et ils ont fait Baumugnes.