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sur 1704 notes
Le Hussard Sur le Toit, c'est une sorte de grand road-movie provençal à travers une belle épidémie de choléra au XIXème siècle. Je ne ferai pas mystère que j'ai un avis mitigé à propos de ce livre :

1) Sur le versant positif, la puissance d'évocation est à la hauteur de l'objectif que s'est fixé l'auteur, Jean Giono. On a vraiment l'impression de voir les gens crever devant nous, comme des mouches !

De même, le thème du choléra, choisi pour ce roman, semble posséder une valeur symbolique plus universelle, au sens de "la catastrophe qui s'abat sur les gens", cela pourrait être la guerre ou un désastre naturel quelconque. Cela a le mérite de faire ressortir beaucoup de côtés sombres de l'humain, savamment enfouis et dissimulés en temps calmes.

La note d'espoir de Giono pourrait être que, même en ces temps de farouche adversité, où il y a fort à faire, ne serait-ce que pour passer au travers du fléau et sauver sa peau, il se trouve toujours deux ou trois âmes nobles qui ne s'abaissent pas à l'égoïsme ou à l'appât du gain, mais qui savent se montrer grandes dans les grandes occasions, et racheter, bien petitement certes, l'honneur terni de l'espèce humaine.

2) Sur le versant négatif, j'avais hâte de lire ce livre qui jouit d'une assez grande réputation et de découvrir son auteur dont je n'avais jamais rien lu auparavant. M'attendant à être surprise en bien, je dois confesser que c'est plutôt l'inverse qui s'est produit.

Le style d'abord, au lexique très technique, mais sans grande nuance de lyrisme a quelque chose d'aride à mon goût. Les dialogues ne m'ont pas non plus transporté dans l'allégresse. Un je-ne-sais-quoi d'artificiel et d'hyper théâtral (au mauvais sens du terme) m'ont empêché d'y plonger pleinement.

Le thème ensuite : traverser une zone infestée de choléra, c'est-à-dire se heurter aux habitants hostiles et soupçonneux, côtoyer les cadavres de cholériques, ne pas attraper la maladie, ces trois leitmotiv sans cesse répétés et mis en avant, font que ce thème peut avoir un petit côté lassant ou dérangeant à la longue.

Angelo est un jeune aristocrate italien, colonel de hussards, qui fuit son Piémont natal, auquel il est pourtant viscéralement attaché, afin d'échapper aux poursuites qui ne manqueraient pas de le conduire à la potence après avoir tué en duel un officier autrichien.

Il passe donc du côté français, mais sur l'autre versant des Alpes, c'est un paysage d'apocalypse qui l'attend. En effet, la Provence est complètement ravagée par une terrible épidémie de choléra. Se frayant péniblement un chemin entre les cadavres jusqu'à Manosque où il espère retrouver son frère de lait, Giuseppe, il arrive dans une ville fantôme.

La population y est décimée ou partie, la suspicion et la hargne y sont partout. Angelo, jouissant d'un magnifique statut de réfugié étranger ne tarde pas à être accusé de tous les maux possibles et imaginables. La foule (ou du moins ce qu'il en reste !) veut des coupables et du sang. L'étranger apparaît manifestement être une victime idéale.

Mais Angelo, qui n'est pas la moitié d'un hussard et auquel grimper ne fait pas peur, muni de ses belles bottes, décide, faute de cheval, de chevaucher les toits... Ça permettra toujours d'attendre et de voir venir avant de trouver un meilleur moyen de survivre à la contagion et de ne pas se faire étriper sur la place publique...

Au cours d'une de ses pérégrinations apicales, notre hussard italien, fringant certes mais tiraillé par la faim, échoue dans une belle demeure qui semble, comme beaucoup d'autres, abandonnée. Mais abandonnée, elle ne l'est pas tout à fait. Il y rencontre une charmante jeune femme aristocrate nommée Pauline...

Que va-t-il se produire entre ces deux-là ?
Réponse A : Va-t-elle le chasser ?
Réponse B : L'aimer ?
Réponse C : Aucun des deux ?
C'est ce que vous découvrirez à la lecture si le coeur vous en dit.

Une drôle d'impression au final, mi-figue mi-raisin, mi-fugue mi-reviens, et peut-être est-ce bien ainsi... Au demeurant, ceci n'est qu'un petit avis, jeté par hasard sur le toit et vous connaissez la suite...
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Pour rester dans l'ambiance, une épidémie. Une épidémie historique, celle qui débarque en France en 1832, et se répandra au cours de nombreuses vagues pendant une vingtaine d'années!

Au centre du roman, le héros romantique Angelo, colonel des Hussards qui fuit l'Italie après avoir tué en duel un officier autrichien. Il est fougueux, droit dans ses bottes, portant un regard acerbe sur les comportements peu altruistes des gens qu'il croise au cours de son périple vers Manosque. C'est aussi curieusement un être qui semble asexué, attiré ni par les femmes ni par les hommes qui l'accompagneront sur son chemin. Un auteur contemporain aurait saisi les occasions multiples qui se sont présentées à lui pour glisser dans le texte quelque scène torride, au moins fantasmée. Mais non, ici, rien, à part un baiser chaste.

Quant à la maladie, elle est décrite de façon si caricaturale, qu'il ne peut s'agir que d'une évocation métaphorique d'un mal plus répandu et universel, l'égoïsme qui reprend le dessus quand il s'agit de sauver sa peau. Les descriptions des phases très accélérées de la maladie, la déshydratation qui tue les victimes en quelques minutes, l'immunité dont seul Angelo bénéficie, tout cela cache une autre intention que de rapporter les ravages de la maladie.

Point n'est besoin d'épiloguer sur les mesures prises par les autorités, enfermer les cas contacts dans des locaux inadaptés, de telle sorte que atteints ou pas à leur admission en quarantaine, ils finissent par être contaminés.

Dans ce contexte d'épidémie galopante, la valeur de la vie humaine change de registre. le passage de vie à trépas n'est plus entouré de rites qui marquent ce départ, les cadavres sont jetés dans les brasiers, et tout s'efface avec eux. Enfants, adultes, vieillards, des destins qui s'envolent en fumée dans l'indifférence générale, avec une population plus incommodée par les odeurs que par la perte d'êtres chers.

Les villages ferment leur accès, protégés par l'armée, dans une tentative vaine de limiter les dégâts, le mal est partout. Et la paranoïa s'empare des esprits, à la recherche d'empoisonneurs.

Pour décor de ce récit d'aventures, de sublimes paysages, comme Giono sait les peindre, en transmettant tout l'amour qu'il a pour ce pays.

C'est un classique qui mérite sa place parmi les grandes oeuvres du vingtième siècle, un récit romantique et allégorique qui ne laisse guère d'illusions sur la faiblesse des hommes

Lien : https://kittylamouette.blogs..
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Sachant que je séjournerais une semaine dans le Lubéron, j'avais précieusement gardé sous le coude "Le hussard sur le toit", ma première rencontre avec Giono. Je fus bien inspirée car quel décor aurait mieux convenu pour servir d'écrin à ma lecture ? Je me suis même fendue d'une courte génuflexion devant la maison natale de l'écrivain, à Manosque.

Une découverte en demi-teinte.
Je rends hommage à la puissante force d'évocation de l'auteur qui, d'une narration presque exclusivement descriptive d'où les dialogues sont réduits à peau de chagrin, immerge son lecteur dans une nature vivante et vibrante. La chaleur caniculaire, le soleil de plomb, les maigreurs d'une végétation brûlée et, à l'opposé, l'emphase des forêts montagnardes font de ce roman une ode à la nature et plus particulièrement à la Provence. Revers de la médaille, le style de Giono est enivrant jusqu'à l’écœurement et j'ai ponctuellement été lassée, bien que j'apprécie particulièrement la littérature descriptive. Des longueurs, oui, surtout pendant les deux cent pages centrales. Ce n'est pas tant la redondance des descriptions des cholériques qui a suscité en moi l'ennui à plusieurs reprises - car je pense que pour saisir toute l'horreur de l'épidémie, ce travail répétitif était nécessaire - que les cassures dans le rythme général du récit qui, à d'autres moments, distille un vrai souffle romanesque.

Personnellement, j'ai trouvé de grandes différences entre le film de Rappeneau - dont je garde un excellent souvenir - et l'oeuvre qui l'a inspiré. Le cinéaste a choisi d'axer son scénario sur la romance entre Angelo et Pauline alors que Giono a fait du choléra le véritable personnage principal de son roman. Angelo, le hussard réfugié sur les toits brûlants de Manosque en pleine canicule et en pleine épidémie, est certes un séduisant fil conducteur qui nous entraîne à sa suite dans une fuite aussi existentielle que physique, mais il est finalement instrumentalisé par Giono pour d'abord mettre en évidence la nature humaine par les changements de comportement dus à la menace de la contagion, par la confrontation au danger des différentes classes sociales brutalement placées devant l'égalité de la mort et par les métamorphoses psychologiques et sociologiques d'une société en perte totale de repères.

"Le hussard sur le toit" est un grand et beau roman ; il plonge le lecteur dans une époque, une atmosphère, un contexte qui lui sont étrangers. J'ai soigneusement évité tout au long de ma lecture de me poser la question qui fâche : qu'aurais-je fait à la place de ces gens menacés par une mort atroce ? Le travail de l'auteur autour du thème de la peur est d'ailleurs remarquable. Néanmoins, dans le même temps, j'ai trouvé le roman ardu et énigmatique (je pense être notamment passée à côté de tous les dialogues).

A la fois repoussant et envoûtant.

NB : A noter certaines approximations dans la documentation de Giono, notamment des anachronismes surprenants comme l'évocation en 1832 de la gare d'Orange (mise en service vers 1855) ou la présence chez un bourgeois de Manosque de daguerréotypes (procédé photographique qui ne se "popularisera" qu'après 1840).


Challenge PAVES 2014 - 2015
Challenge de lecture 2015 - Une romance classique
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La mort est là, elle frappe hommes, femmes, jeunes et vieux. L’épidémie de choléra décide qui sera là demain, à moins que ce soit les choix des hommes, selon qu'ils soient nobles ou vils.

Car en cette année 1830, la Provence est belle alors que le coeur de certains hommes est plein de peur, d'égoïsme et de haine. Angelo, l'aristocrate carbonaro italien, colonel des hussards en fuite après avoir tué en duel un officier autrichien, le voit partout où il va. A Manosque puis sur ses toits où il s'est réfugié, accusé à tort d'empoisonner les fontaines de la ville.

Seules Pauline, une jeune femme qu'il aime, et une religieuse semblent échapper à cette déshumanisation. Mais la soldatesque est partout, chassant les voyageurs comme Angelo qui dans sa fuite retrouve et sauve Pauline d'une mort atroce. C'est le moment pour les deux jeunes gens de vivre un amour exceptionnel mais hélas sans avenir.

Dans ce magnifique roman, un hommage à la Provence qu'il aime tant, Jean Giono utilise la maladie comme révélateur du caractère des hommes. Les victimes du choléra sont ceux qui en ont peur, les autres, comme Angelo, Pauline et la religieuse sont miraculeusement épargnés parceque face à la menace de la maladie, ces trois âmes nobles n'ont pas renoncé à ce en quoi ils croient.
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Le pays de Manosque , superbe carte postale provençale et aujourd'hui havre de charme écrasé de soleil , a pourtant traversé des périodes bien troublées .

Jean Giono , en présentant une fresque des années 1830 entachée par une épidémie de choléra et les troubles révolutionnaires, va délivrer un message humaniste et philosophique .
Un récit d'aventure , une histoire d'amour aux allures de conte servi par un style empreint de lyrisme qui met en scène un super héros dirons-nous aujourd'hui et une égérie belle , mystérieuse et bénie des fées !
Donc, entre horreur et violence , la beauté des paysages et la naissance d'un amour offre au lecteur un apaisement bien mérité après les descriptions machiavéliques des victimes du choléra .

C'est le coeur de l'été ,une envie de Provence : Giono .
Et, c'est le hasard qui va me guider vers une version audio qui date de 1953 .
Il s'agit en fait d'une version radiophonique de France Culture réalisée par René Wilmet .
On retrouve la voix de Gérard Philippe ( Angelo ) et celle de Jeanne Moreau (Pauline ) .
Un régal.

Un excellent moment passé en revisitant cette oeuvre, lue il y a longtemps mais teintée cette fois d'une pointe de nostalgie due à l'immersion dans les années cinquante et le souvenir de ces grands noms .
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C 'est l 'année 1830 .la Provence est infestée par une grave et une grande épidémie de choléra . le choix de cette maladie est utilisée à bon escient par l 'auteur pour servir de
révélateur des caractères des différents protagonistes .Et là .on sera devant les gens forts qui font face avec courage au danger et les autres qui ne cherchent qu 'a sauvé leur peau et sortir indemnes de la tragédie .
l''auteur a utilisé un titre qui intrigue le lecteur ."Le hussard sur le toit ".Que fait-il sur le toit .Tout simplement Angélo Pardi est un jeune aristocrate qui est colonel dans le régiment des hussards .Il a tué au cours d 'un duel un gradé autrichien et il est recherché par les autorités de son pays .Il se sauve de son pays et fuit en France et trouve refuge à Manosque et pour fuir l 'épidémie il se cache sur les toits des maisons .
Au cours de sa fuite .il rencontre une jeune et belle fille . Pauline .Il fait aussi la connaissance d ' une brave religieuse .
Jean Giono avec son talent habituel .nous décrit son terroir et là il laisse éclater tout son savoir faire et son amour de la nature !
Un bon et beau livre .
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Avec Giono tout est beau ! Avec ce roman il nous offre le romanesque dans toute sa splendeur, avec lui rien n'est jamais banal. Un simple enchaînement de toits qu'avec mes yeux de profane je vois souvent comme une monotonie sans nom, devient avec Giono un territoire à conquérir, un désert contenant mille ressources à qui sait chercher. Un paysage plat et interminable devient une vaste étendue colorée, le théâtre de mille possibilités. La montagne est plus belle encore que celle de Jean Ferrat. le vent est porteur d'odeurs, de musique, d'émotions ! La chaleur est plus puissante, le froid plus pénétrant. La maladie ne fait pas peur, en tous cas moins que les corbeaux. La mort elle-même recule devant le héros, Angelo.
Un seul petit regret, si l'amour est plus beau, plus authentique et plus pur que jamais, j'aurais je l'avoue, préféré qu'Angelo soit aussi plus mâle...

J'ai aimé suivre ce jeune hussard fuyant la mort avec brio, non, avec Pauline (Splendid). J'ai adoré ce roman où les paysages et les chevaux sont plus beaux que les humains, en trois mots j'aime Giono.
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J'ai visionné le film de Jean-Paul Rappeneau ( Sorti en 1995) plusieurs fois, la dernière tout récemment, mais n'avais pas lu ce livre qui fait écho à La Peste de Camus ( on y retrouve l'épidémie qui se déchaîne, qui foudroie, le désordre, l' exode ,l'exil, la quarantaine, les crémations...) , car note Giono « Le choléra est un révélateur , un réacteur chimique qui met à nu les tempéraments les plus vils ou les plus nobles » ( égoïsme, lucre, luxure, avidité, cruauté, dévouement, générosité...) . A la fois roman d'aventure , de cavalcade, fresque historique, témoignage réaliste glaçant d'une épidémie, et roman d'amour, d'amitié, de fraternité. La figure du « jeune français » ce médecin qui cherche à sauver, qui réconforte, c'est le double de Tarrou, comme lui, il succombera au fléau.
Une écriture sombre et lumineuse, magnifique, enrichie de métaphores, un grand périple sous un soleil implacable, pétrie de poésie malgré cet effrayant choléra décrit de façon très réaliste,
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Azuréen d'adoption depuis récemment, il me prend durant ces lourdes périodes de canicule des envies de trouver aussi dans les livres la langue d'ici se mêlant au chant des cigales. Et je repense donc à mes lectures anciennes de Pagnol ou Giono, hasards de rencontres, sans réelle volonté d'approfondir ces auteurs. Pour ce dernier, le voyageur immobile de Manosque m'a laissé une impression contrastée. Les envolées lyriques et le magnifique chant de la nature de Regain n'a en effet rien à voir avec l'écriture, le cadre et le message du Hussard sur le Toit.

Les aventures d'Angelo Pardi, jeune aristocrate carbonaro italien en fuite qui, en 1832, explore la ville de Manosque en pleine épidémie de choléra, fait plus penser aux héros de Stendhal et Balzac. le message humaniste le rapproche de la Peste de Camus ou de la Condition Humaine de Malraux.

C'est par la confrontation avec la maladie et la souffrance qu'Angelo va trouver un nouvel élan d'exister; la maladie révèle hommes et femmes dans leurs instincts les meilleurs et les pires. Va en naître une histoire d'amour aussi forte que platonique avec Pauline, dans une mise à nu symbolique. Pauline est aussi son double féminin, incarnant intelligence et courage. le Hussard sur le Toit met avant tout en lumière la folie et la beauté des hommes, luttant avec leurs émotions face aux vicissitudes de l'existence.

Roman d'amour et d'aventures donc -bien rendu dans le film de JP Rappeneau- , plein d'action, le Hussard sur le Toit est aussi un roman initiatique et moral, plus symboliste que réaliste, où le duo prinicipal est en fait celui formé par Manosque aux prises avec le choléra, Pauline et Angelo observant la lutte entre le courage et la peur. La nature, tou,ours aussi bien décrite chez Giono, est dans ce roman mise au service d'une expression symbolique de cette lutte.

Un très bon roman donc, assez théâtral, dramatisé, paroxistique, émouvant, et plein de rebondissements ; mais aussi sombre, parfois presque glauque, pessimiste, touffu (plus de 500 pages) , et poussant à la réflexion, au terme d'une lecture faussement simple et linéaire. Contraste aussi dans le rythme, parfois alerte, et à d'autres moements languissant.
Pour ma part, j'ai cependant préféré le style plus tranché de Camus et Malraux d'une part, De Balzac et Stendhal d'autre part... mais ce beau roman de 1951 n'en est pas moins à lire.
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Dix ans de pratique et trois cents ans d'arrogance héritée
OU
L'odyssée provencale d'Angelo .

Angelo, fils naturel d'une duchesse richissime, est à la croisée de deux mondes. Aristocrate illégitime, révolutionnaire prodigue d'un argent qu'il n' a pas gagné, humaniste de coeur aimant manier le sabre, il enjambe les frontières et cherche sa demeure. Il se cherche, aussi. Il cherche à se définir par la défense d'une cause, celle du peuple, de sa liberté, mais il doute. Il doute de lui-même : combat-il pour la cause, ou pour justifier son orgeuil ? Il doute du peuple, surtout, car les circonstances n'en donnent pas une image flatteuse.

C'est qu'Angelo, engagé dans une action révolutionnaire piémontaise, a dû fuir son pays. Il est allé chercher de l'argent en Provence, auprès d'un ami - Giuseppe, son frère de lait - et y est surpris par une épidémie de choléra. L'ordre social implose sous les ravages de la maladie, et le peuple se livre aux pires exactions : lynchages, vols, règlements de compte en tous genres dans un climat d'hystérie collective croissante.

Ce n'est pas seulement l'homme qui se dresse contre l'homme : bientôt la nature même cherche à l'éliminer. Les oiseaux , corbeaux mais aussi pigeons et même rossignols ou moineaux, s'attaquent aux cadavres, et même aux vivants quant ils font mine de s'assoupir ! le soleil est une véritable fournaise qui fait un ciel de plâtre, abattant tout ce qui vit. Les pluies, vers la fin du livre, sont un déluge digne de Noé. Tout se dresse contre tous, et tous se craignent ou se combattent. L'homme, la nature semblent retourner au chaos originel.

Dans cette tourmente, chacun essaye de survivre comme il peut. Angelo reste fidèle à ses façons chevaleresques, même si dans la déroute ils trouvent parfois des expressions bizarres : ainsi il passe un temps indéterminé - des jours ? , des semaines ? - à laver des cadavres souillés, abandonnés en pleine rue, en attendant que la charrette des " Corbeaux" ne les mène au bûcher. Idéaliste, fougeux, aimant se battre - un OSS117 intelligent car habité par le doute - il traverse ces épreuves. C'est justement cet idéalisme qui le protège, car au fil du livre, il apparait de plus en plus clairement que le choléra est une chose mentale, psychologique. S'il n'est pas imaginaire, c'est une sorte de déchéance à laquelle l'homme se laisse aller. Un pourrissement de l'âme, qui aurait des symptômes physiques, sociaux et qui affecterait même la nature. Une maladie de civilisation, un mal du monde , ou une voie d'échec toujours ouverte à l'homme. A moins de continuer à y croire et d'être ainsi protégé de ces miasmes, comme le fait Angelo. Il doute, mais il ne désespère pas. le choléra - quelle que soit la réalité qui se cache derrière ce mot - n'a pas prise sur lui.

L'on se souviendra, bien sûr, des expériences de Giono. Fils d'un cordonnier anarchiste - on parle beaucoup de bottes dans le Hussard - et d'une couturière, il passe toute la première guerre mondiale dans les tranchées, est de toutes les grandes batailles. Il a vu, de très près, la bestialité à visage humain, même la nature - les rats, la dysenterie, la boue - se dressant contre l'homme. Il a vécu au milieu de gens essayant de survivre dans cette horreur. le choléra en est-il une image ? Après-guerre, Giono a flirté avec le communisme, mais il s'en est vite détourné, préférant une petite communauté champêtre à la révolution prolétarienne. L'homme, qui n'avait pas d'affiliation politique claire, a fait quelques faux pas pendant l'occupation, en a pâti, puis s'est détourné entièrement de toutes considérations politiques ou sociales. C'est cet homme, le Giono d'après guerre, qui a écrit le Hussard. Ce qu'il montre, c'est un homme qui doute, certes, mais qui reste fidèle à lui-même et à ses convictions, dans un monde qui connaît la beauté, mais aussi des épisodes d'une horreur profonde.









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