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3,92

sur 1705 notes

Critiques filtrées sur 5 étoiles  
J'ai visionné le film de Jean-Paul Rappeneau ( Sorti en 1995) plusieurs fois, la dernière tout récemment, mais n'avais pas lu ce livre qui fait écho à La Peste de Camus ( on y retrouve l'épidémie qui se déchaîne, qui foudroie, le désordre, l' exode ,l'exil, la quarantaine, les crémations...) , car note Giono « Le choléra est un révélateur , un réacteur chimique qui met à nu les tempéraments les plus vils ou les plus nobles » ( égoïsme, lucre, luxure, avidité, cruauté, dévouement, générosité...) . A la fois roman d'aventure , de cavalcade, fresque historique, témoignage réaliste glaçant d'une épidémie, et roman d'amour, d'amitié, de fraternité. La figure du « jeune français » ce médecin qui cherche à sauver, qui réconforte, c'est le double de Tarrou, comme lui, il succombera au fléau.
Une écriture sombre et lumineuse, magnifique, enrichie de métaphores, un grand périple sous un soleil implacable, pétrie de poésie malgré cet effrayant choléra décrit de façon très réaliste,
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Dix ans de pratique et trois cents ans d'arrogance héritée
OU
L'odyssée provencale d'Angelo .

Angelo, fils naturel d'une duchesse richissime, est à la croisée de deux mondes. Aristocrate illégitime, révolutionnaire prodigue d'un argent qu'il n' a pas gagné, humaniste de coeur aimant manier le sabre, il enjambe les frontières et cherche sa demeure. Il se cherche, aussi. Il cherche à se définir par la défense d'une cause, celle du peuple, de sa liberté, mais il doute. Il doute de lui-même : combat-il pour la cause, ou pour justifier son orgeuil ? Il doute du peuple, surtout, car les circonstances n'en donnent pas une image flatteuse.

C'est qu'Angelo, engagé dans une action révolutionnaire piémontaise, a dû fuir son pays. Il est allé chercher de l'argent en Provence, auprès d'un ami - Giuseppe, son frère de lait - et y est surpris par une épidémie de choléra. L'ordre social implose sous les ravages de la maladie, et le peuple se livre aux pires exactions : lynchages, vols, règlements de compte en tous genres dans un climat d'hystérie collective croissante.

Ce n'est pas seulement l'homme qui se dresse contre l'homme : bientôt la nature même cherche à l'éliminer. Les oiseaux , corbeaux mais aussi pigeons et même rossignols ou moineaux, s'attaquent aux cadavres, et même aux vivants quant ils font mine de s'assoupir ! le soleil est une véritable fournaise qui fait un ciel de plâtre, abattant tout ce qui vit. Les pluies, vers la fin du livre, sont un déluge digne de Noé. Tout se dresse contre tous, et tous se craignent ou se combattent. L'homme, la nature semblent retourner au chaos originel.

Dans cette tourmente, chacun essaye de survivre comme il peut. Angelo reste fidèle à ses façons chevaleresques, même si dans la déroute ils trouvent parfois des expressions bizarres : ainsi il passe un temps indéterminé - des jours ? , des semaines ? - à laver des cadavres souillés, abandonnés en pleine rue, en attendant que la charrette des " Corbeaux" ne les mène au bûcher. Idéaliste, fougeux, aimant se battre - un OSS117 intelligent car habité par le doute - il traverse ces épreuves. C'est justement cet idéalisme qui le protège, car au fil du livre, il apparait de plus en plus clairement que le choléra est une chose mentale, psychologique. S'il n'est pas imaginaire, c'est une sorte de déchéance à laquelle l'homme se laisse aller. Un pourrissement de l'âme, qui aurait des symptômes physiques, sociaux et qui affecterait même la nature. Une maladie de civilisation, un mal du monde , ou une voie d'échec toujours ouverte à l'homme. A moins de continuer à y croire et d'être ainsi protégé de ces miasmes, comme le fait Angelo. Il doute, mais il ne désespère pas. le choléra - quelle que soit la réalité qui se cache derrière ce mot - n'a pas prise sur lui.

L'on se souviendra, bien sûr, des expériences de Giono. Fils d'un cordonnier anarchiste - on parle beaucoup de bottes dans le Hussard - et d'une couturière, il passe toute la première guerre mondiale dans les tranchées, est de toutes les grandes batailles. Il a vu, de très près, la bestialité à visage humain, même la nature - les rats, la dysenterie, la boue - se dressant contre l'homme. Il a vécu au milieu de gens essayant de survivre dans cette horreur. le choléra en est-il une image ? Après-guerre, Giono a flirté avec le communisme, mais il s'en est vite détourné, préférant une petite communauté champêtre à la révolution prolétarienne. L'homme, qui n'avait pas d'affiliation politique claire, a fait quelques faux pas pendant l'occupation, en a pâti, puis s'est détourné entièrement de toutes considérations politiques ou sociales. C'est cet homme, le Giono d'après guerre, qui a écrit le Hussard. Ce qu'il montre, c'est un homme qui doute, certes, mais qui reste fidèle à lui-même et à ses convictions, dans un monde qui connaît la beauté, mais aussi des épisodes d'une horreur profonde.









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1830 – une épidémie de choléra ravage le sud de la France.
Angelo Pardi, jeune colonel des hussards (sans peur et sans reproche), est à la recherche de Giuseppe, l'un de ses amis. En cours de route, dans une grande maison vide, il rencontre Pauline de Théus, une jeune femme hardie et pleine d'esprit, qu'il va aider à rejoindre sa famille.

Ensemble, ils entreprennent une course infernale contre la mort.
Leur relation évoluera peu à peu vers un amour non déclaré, chevaleresque et platonique, très XIXè.

Leur périple donne lieu à des descriptions hallucinantes de cadavres, d'agonisants et de désespoirs en tout genre. Dans des paysages, rendus lugubres et maléfiques par le fléau (on est bien loin de la Provence des cartes postales), Angelo et Pauline sont confrontés à bien des dangers : les barrages des soldats, les camps de quarantaine, l'exode des « encore vivants », les embuscades, les chiens errants, les rats et les corbeaux... et surtout le choléra, cette mort abjecte pleine de souffrance et de dégoût.

La peur, une peur panique irrépressible de l'ignoble maladie, abat les barrières sociales et morales dans une atmosphère de fin du monde. L'instinct de conservation domine la plupart des hommes et révèle des monstres d'égoïsme et de lâcheté, capables du pire pour rester en vie.
Seuls quelques rares personnages échappent à la folie et font montre d'abnégation ou d'héroïsme, dont Angelo qui ignore la mort avec superbe.

Une aventure sensationnelle, traversée de bout en bout par un grand souffle romanesque chargé de miasmes.
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Jean Giono avec le talent que l'on y prête, s'emploie avec brio et réussite au roman historique en nous livrant une saga en 3 tomes relevant du roman de cape et d'épée. C'est le roman pivot de cette trilogie que constituent Angelo (Tome 1) et le Bonheur fou (Tome 3), le plus célébre et le meilleur par ailleurs.

L'histoire du Hussard sur le toit est celle d'Angelo, un jeune carbonaro piémontais, colonel de hussards, noble, courageux et téméraire, pur et naïf qui s'est réfugié en France à la suite d'un duel politique et qui tente de retourner dans son pays en traversant la Haute Provence décimée par une épidémie de choléra en 1838. La campagne y est malheureusement plus pourvue en cadavres qu'un champ de bataille. le jeune homme confronte sans cesse ses qualités et sa passion et vit un amour contrarié.

Il s'agit là d'une oeuvre dite classique même si elle tranche nettement par rapport aux autres écrits à l'accent bien plus provençal et local qu'a pu nous léguer Giono au cours de sa carrière. On y retrouve néanmoins avec plaisir la description de Manosque et de ses paysages, du monde et de ses hommes à l'époque.
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Terrible souvenir de ce livre lu il y a bon nombre d'années pourtant.
Les scènes de ces villages décimés par le choléra m'ont marquée ; Giono nous conte le comportement des hommes face à la maladie, la souffrance et la mort. Il souligne aussi l'impuissance des hommes face à ce fléau.
Mais le plus terrifiant réside dans la réaction des gens, dont nous pourrions tous faire partie, devant le danger. Comment un village tout entier peut devenir d'une monstruosité implacable, se révélant bien plus ignoble que la terrible maladie elle-même!
Ce livre nous fait voir aussi la Provence sous un autre jour et une belle histoire d'amour malgré l'épidémie. Il fait partie de mes plus belles lectures!
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Coup de coeur depuis des années....
Ah ! La Provence !
Sous la plume de Giono, on dévale les collines et les garrigues de Provence au IXième ....nous partons pour l'aventure avec Angelo, jeune aristocrate italien, colonel de hussards, qui fuit son Piémont natal, afin d'échapper aux poursuites et à la potence , après avoir tué en duel un officier autrichien.
En fuite, Angelo passe la frontière pour arriver jusqu'à Manosque où il espère pouvoir retrouver son son frère de lait, Giuseppe et découvre avec horreur que le choléra sévit partout dans les campagnes. Ce fléau, laisse des villages exsangues, une population décimée, des habitants apeurés.

A son arrivée, il est pris à parti par les habitants l'accusant de tous les maux, nous assistons alors à une grande cavalcade sur les toits de maisons, s'échappant ainsi, il atterrit dans une maison qui semble abandonnée où se cache Pauline, jeune de demoiselle aristocrate....

La Nature est chère au coeur de Giono; les contrastes sont violents,
Le contexte de ce roman est terrifiant, la peste est décrite avec force et ses ravages sont dépeints avec une telle puissance d'évocation et de précision que j'ai lu le livre de "manière olfactive": on ressent l'aridité du lieu, la peur des habitants, la puanteur qui devait régner...on assiste également à toute la palette de "la bêtise humaine" : la cruauté, l'égoïsme, le racisme de ces gens qui sont "faits comme des rats"...
le roman n'est pas axé sur la politique , Jean Giono a fait du choléra son personnage central terrifiant. et c'est subtilement qu'Angelo en est le narrateur.
J'ai aimé ce héros, ce petit côté Alexandre Dumas : Angelo, preux chevalier à cheval, une cavalcade "cape et d'épée" sur les toits qui se bat et se démène.....ah de l'action et de l'amour Ventrebleu !

Un très bon roman d'aventure sur fond historique. Un incontournable auteur pour les passionnés de notre belle Provence.

Également adapté au cinéma , magistralement interprété avec Mlle Juliette Binoche , Vincent Perez et l'excellentissime Pierre Arditii ! un film signé de M. Rappeneau !A lire et voir !

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Le "second" Giono, celui d'après la guerre et la prison, n'est plus un romancier lyrique, auteur de romans-poèmes en prose ensorceleurs. Il est moins poète, mais plus romancier, plus ironique, plus analytique aussi, et son "Hussard sur le toit", par sa référence avouée et constante à Stendhal, donnera au lecteur le même plaisir stendhalien d'une lecture amusée, attendrie, jamais exempte d'ironie mais jamais empreinte de méchanceté. Comme dans Stendhal encore, celui de la Chartreuse, on se régalera à la lecture de ce roman d'aventures sur fond de catastrophe, et l'on pourra prolonger son plaisir par le lecture du bel essai que lui a consacré Philippe Muray dans ses "Exorcismes spirituels".
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ISBN : 9782070362400

Plus qu'un roman d'aventures, "Le Hussard sur le Toit" est le roman du choléra. Cette maladie, dont beaucoup de symptômes sont similaires à ceux que l'on observe dans l'empoisonnement par arsenic, hante le livre de ses premières pages jusqu'à pratiquement ses dernières. On sent Giono fasciné par ce choléra à qui nous devons - mais oui - l'expression "peur bleue", et qui laisse ses victimes fortement cyanosées, avec une telle tension des muscles que, dans la majeure partie des cas, le moribond, puis le cadavre offrent le spectacle d'un abominable rictus retroussant les lèvres. Ajoutons à cela, pour faire bonne mesure que, même après avoir tué, le choléra peut encore agiter un corps de convulsions spectaculaires.

L'immense talent de Giono, toujours aussi amoureux de la Nature et sachant restituer comme nul autre à la fois sa douceur comme ses fureurs, fait ici merveille. Mais pas par l'analyse des personnages. Je trouve l'écrivain provençal beaucoup plus à l'aise quand il décrit des gens simples. Or, ni Angelo Pardi, fils bâtard d'une duchesse italienne et carbonaro plein de fougue, ni Pauline de Théus ne sont issus du peuple. Ni l'un, ni l'autre n'ont cette simplicité authentique, cette candeur bouleversante des personnages de "Colline"ou encore de "Regain." Angelo, c'est le courage et aussi la forte-tête mais une forte-tête que les aléas de l'existence et cette longue route entreprise vers son pays natal et semée de cadavres bleuis et de bûchers destinés à se débarrasser d'eaux, cette équipée ouverte à toutes les folies possibles, sont en train de faire mûrir plus vite que prévu. Excellent bretteur, cet aristocrate devient touchant quand il évoque sa lutte pour le peuple italien et l'unité du pays. Mais Giono n'est pas tombé dans le piège de la politique et, finalement, le fait aborder le sujet le moins possible. le retour en Italie d'Angelo tout comme la fuite de Pauline de Théus pour retrouver son époux de soixante-huit ans du côté de Gap ne sont tous deux que prétextes à se plonger au beau milieu du choléra et à observer tout ce qu'une épidémie de ce genre peut causer dans une société, quelle que soit la catégorie sociale à laquelle elle s'attaque.

Nous sommes dans les années 1830 / 1840 et il manque encore plus d'une décennie pour que l'on découvre la bacille responsable de la maladie. A cette époque, beaucoup l'imputent à la présence d'une mouche contaminée, sans plus de précision. Les opposants se refusent farouchement à pareille hypothèse qui, pour eux, relève du pur délire. Bref, d'un côté comme de l'autre, on n'est sûr que d'une chose : le choléra tue ... mais certaines personnes en réchappent (ce sera le cas de Pauline par exemple) ou semblent immunisés contre elle (tel Angelo qui, pendant un certain temps, aide une vieille nonne à procéder à la toilette mortuaire des morts de Manosque abandonnés dans les rues, frictionne des moribonds à demi-glacés de toutes ses forces, frôle des cadavres décharnés quand il ne leur tombe pas carrément dessus mais, malgré tout, paraît bel et bien adoubé intouchable par la maladie toute-puissante).

Le choléra, les vomissements granuleux et blancs qu'il produit, les souillures intimes qu'il induit, dans le même style que la dysenterie ; un soleil blanc qui chauffe, chauffe sans répit ou alors, quand il se retire, des pluies qui n'en finissent plus et créent une gadoue poisseuse et sans espoir ; des oiseaux innocents qui, comme les mésanges ou les pigeons, n'hésitent plus à s'attaquer à tout homme endormi parce qu'ils ont pris goût à la chair humaine ; des rues qui se suivent, plus désertes les unes que les autres, avec leurs maisons aux volets clos, voire barricadés de croix de bois ; des chariots pour ainsi dire sortis d'un paysage de peste médiévale et qui traînent dans les rues, le soir tombé, pour rassembler les cadavres, abandonnés par ceux-là même qui leur étaient le plus chers ; un spectacle similaire, à peu de détails près, dans la ville voisine ; un silence total qui devient vite plus pesant, plus stressant que les cris des corbeaux à la recherche de viande fraîche ; des barrages en principe sanitaires pour empêcher les fuyards d'aller contaminer le département voisin ; des gendarmes et des hussards corrompus ; des chemins de traverse, montagneux et dangereux, qu'on est bien obligé de prendre si l'on ne veut pas périr dans des "quarantaines" où, faute de moyens, faute de connaissances surtout, on ne sait pas soigner mais on peut encore dépouiller les moribonds ; un paysage qui tient encore à la réalité mais qui, çà et là, exhibe des pans entiers d'un cauchemar insidieux ; un minuscule hameau où l'on vous accueille les bras ouverts mais où l'on jouerait bien, avec vous, la nuit venue, à "L'Auberge Rouge" ... Hypnotisé, pour ainsi dire enchaîné à la prose de Giono, le lecteur traverse tout cela au pas de ses héros, tremblant souvent pour eux, se réjouissant quand la solitude de Pauline rejoint celle d'Angelo, songeant parfois à Dante - il me semble d'ailleurs que, à un certain moment, Giono y fait une allusion - et toujours à un cauchemar infernal. Tout se dérègle, tout est déréglé, la Nature elle-même se détourne des hommes, le choléra assiège tout et tous et la Mort attend, tranquille, qu'il ait achevé son boulot. Et quand, par extraordinaire, la Mort manque au rendez-vous, la Folie prend sa place.

Le rythme est lent, presque paresseux et, sans que je puisse y trouver consciemment le moindre brin de logique, m'a fait songer à cette longue et silencieuse remontée du fleuve asiatique qui, dans "Apocalypse Now", de Coppola, affole l'unité de soldats en mission, les fait tirer à tort et à raison sur n'importe quoi et au bout de laquelle les attendent Kurz et les siens. Ce silence intolérable ... Ces froissements qui n'en sont pas ... Cette folie qui suinte : chez Coppola, c'est la Guerre la responsable ; chez Giono, c'est le Choléra qui mène les opérations. Au bout du compte, dans les deux cas, la Mort - ou la Folie.

Et quand disparaissent ces deux spectres, quand Pauline est arrivée chez elle et qu'Angelo aperçoit, de sa propriété, les montagnes qui le séparent de son Piémont natal, la magie du livre se brise. Une sorte de banalité s'installe. Giono a aimé le choléra bien plus qu'il n'a aimé ses personnages. C'est au choléra - et toujours à sa si chère Terre-Nature - qu'il a donné la vedette. Angelo, Pauline, tous les autres, n'étaient là que pour donner la réplique, pour avoir peur quand il le fallait, pour rappeler aussi que l'humain est bien faible quand le système qui l'entoure se dérègle. Certes, Angelo et Pauline ont tous deux du panache et un caractère des plus affirmés. le courage ne leur fait pas défaut, même si, comme tout un chacun, ils sont susceptibles de faiblir lors d'une crise de découragement. Mais, à mes yeux en tous cas, ils ne sont pas de vrais héros. le véritable "Hussard sur le Toit", c'est le choléra : marionnettiste bleu et bleuissant, maître d'oeuvre qui ne pense qu'à détruire et, à l'usage, grand gagnant sur toute la ligne.

Un livre fascinant et glauque, mais cependant d'une rare puissance. A ne réserver toutefois qu'à un public prévenu, au coeur - et à l'estomac - bien accroché. Et un dernier conseil : les fanatiques de riz au lait feront mieux de s'abstenir. ;o)
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J'ai aimé passionnément ce roman , au point de , pendant l'été 68 , avec un camarade , refaire le trajet d'Angélo d'Aix à Gap , à pied. Et nous nous récitions des passages du roman au fil de notre traversée de la Provence ( Ah , les nuits sur le Contadour, la descente sur Les Omergues abandonnées…) . Un grand romancier modèle les paysages qu'il décrit dans la tête de ses lecteurs et ma Provence à moi portera toujours son empreinte . Un très grand roman , qui peut se rapprocher de la Peste de Camus , la confrontation de l'homme à la catastrophe , l'extraordinaire histoire d'amour de Pauline et du hussard , ces personnages inoubliables ( la nonne de Manosque, le petit médecin …) . Et je le relis , et la magie perdure .
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Angelo Pardi est un jeune colonel des hussards. Ce Piémontais est sur le chemin du retour, vers l'Italie, pour rejoindre les combattants de la liberté. Il doit retrouver Giuseppe, son frère de lait, à Manosque afin d'organiser la révolution des carbonari piémontais qui gronde en 1830. Mais dans une fin d'été étouffante, alors que les récoltes sont prêtes pour la moisson, le sud de la France est frappé par le choléra. « Cela est dans l'air. Cet air gras n'est pas naturel. Il y a autre chose là-dedans que le soleil, peut-être une infinité de mouches minuscules qu'on avale en respirant et qui vous donnent des coliques. » (p. 36) Premiers morts, premières paniques, premières fuites. Les cadavres noirs encombrent les rues, les villes se barricadent, les quarantaines sont mises en place et la méfiance s'installe. « J'essaye de me dépêtrer de ce pays infernal, plein de peureux et de courageux, plus terribles les uns que les autres. » (p. 90) Accusé d'avoir empoisonné les fontaines, Angelo se réfugie sur les toits de Manosque. Pendant plusieurs jours, il survit en hauteur, évitant les maisons des morts. « Actuellement, il est préférable de se tenir loin les uns des autres. Je crains la mort qui est dans la veste du passant que je rencontre. Et il craint la mort qui est dans la mienne. » (p. 432) Il rencontre et aide une fascinante jeune femme, Pauline de Théus, qui veut rejoindre le domaine de son époux.

Un texte de Jean Giono, ça fait combattre deux attitudes de gourmet : savourer ou dévorer. L'auteur est un artiste exceptionnel qui, en trois touches, donne vie à un tableau et à un paysage. « L'ombre n'était pas fraîche, mais on s'y sentait délivré d'un poids très cruel sur la nuque. » (p. 57) Dans un roman de Jean Giono, il n'y a pas que les mots : il y a les sons que ces mots supposent. Même les bruits et les fracas deviennent mélodies quand ils passent par le style de l'auteur. « le charroi des autres tombereaux continuait dans les rues et les ruelles d'alentour. Les cris des femmes, stridents, ou gémissants, le déchirant appel au secours des voix d'hommes éclataient toujours de côté ou d'autre. Ils n'avaient en réponse que le roulement des tombereaux sur les pavés. » (p. 165 & 166) Jean Giono, auteur pastoral, peintre prosaïque, compositeur immense.

J'ai vu le film de Jean-Paul Rappeneau, avec les jeunes Olivier Martinez et Juliette Binoche, quand j'étais très jeune et je m'étais toujours promis de lire le roman. Petit détail loufoque : à l'époque, le chien de la famille s'appelait Hussard et je l'ai longtemps imaginé se promener sur les toits…
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