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4,24

sur 474 notes
Ce roman aborde la tragédie d'un jeune homme qui subit un lourd traumatisme suite à un accident dans les années cinquante. le handicap, la résilience par le sport sont traités avec beaucoup d'humanité et force détails dans une langue dense et riche par Valentine Goby. Un roman qui prend aux tripes et laisse une empreinte forte tant par l'énergie qu'il dégage mais aussi par celle qu'il nous transmet.
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François Sandre a vingt-deux ans, en février 1956, un avenir radieux devant lui, quand il est électrocuté, et que sauvé in extremis, il perd complètement ses deux bras.

Comment peut-on vivre sans bras ?
Comment réagissent la famille et les proches ?
Comment doit-on se comporter quand on perd ses bras : assumer ou cacher son handicap ?
Comment supporter le regard des autres ?
Quelle est la situation des handicapés en France, à cette époque ?

Par le truchement de François, Valentine Goby va nous sensibiliser à la cause des handicapés physiques, dans un récit assez émouvant étayé par une solide documentation, aussi bien médicale, que psychologique ou sociologique.

François est un personnage de fiction mais son histoire s'insère dans le contexte historique de l'handicap, de l'handisport et du paralympisme.

En 1956, la recherche sur l'appareillage des mutilés est encore à un stade embryonnaire, donc le héros ne peut pas bénéficier de prothèses. Il est donc condamné à rester sans bras, ou pour l'esthétique, à porter une sorte de lourd corset avec des extrémités difficilement manipulables.

C'est lors d'une visite à l'aquarium de la Porte Dorée, Vincennes, avec sa jeune soeur Sylvia, qu'en observant une murène, François trouve sa voie de salut, la natation.

Il se souvient d'un jeune blond, Philippe Braque, qui lui avait donné sa carte de visite au centre d'appareillage de Paris Bercy.

Justement, c'est en 1954 qu'a été créée la première association handisport de France, l'Amicale Sportive des Mutilés de France (A.S.M.F.), sous l'impulsion d'un jeune amputé fémoral, Philippe Berthe.

Valentine Goby, qui a multiplié les recherches, visites, collecte de témoignages, stage à hôpital des armées de Percy - voir en fin d'ouvrage les « remerciements » -, nous dresse un tableau très complet de l'état des lieux du handicap à la fin des années 50, dont beaucoup d'observations restent encore, malheureusement, dramatiquement d'actualité.

Murène peut être lu comme un manuel à l'usage des handicapés. Il nous renseigne sur les catégories 1, 2, 3 d'invalidité, les différents traitements administratifs pour les blessés civils ou les mutilés de guerre, les adresses utiles…

On peut aussi ne pas s'attarder sur toutes ces informations et s'attacher aux anecdotes qui illustrent le triste sort de François.

François va manger dans un bistrot avec un autre nageur sans bras, Bertrand Gary, qui est prépubère. Ce dernier s'amuse à faire une démonstration de comment mettre sa serviette, boire et manger avec ses pieds ! Je vous laisse imaginer l'indignation des autres clients et la consternation du patron ! Cette scène pourrait porter à sourire si elle n'en disait pas long sur nos préjugés ! J'ai mis des extraits de ce passage en « citations ».

Nous ne pouvons que nous révolter face à la bêtise, voire la méchanceté de nos congénères !

Valentine Goby décrit bien, avec humour, les écueils auxquels sont confrontés les handicapés pour mener une « vie normale ».

Heureusement, il n'y a pas que de la misère : gérer son handicap requiert de grandes doses d'ingéniosité ; l'handisport est un dépassement de soi, une résilience ; la joie des compétiteurs fait plaisir à voir ; des amitiés et une solidarité forte se nouent.

Comme dans ses autres romans, Valentine Goby ne se contente pas de se limiter à une seule thématique, même si le sujet abordé est déjà suffisamment vaste en lui-même.

Avec L'île haute, nous avons eu droit au parler savoyard, avec Kinderzimmer à des acronymes nazis ou des termes allemands. Dans Murène : c'est l'anglais, la mère de François est anglaise, elle s'appelle d'ailleurs Jane, on a droit à une leçon de phonétique sur « Djène », « Djeïne » ou « Dje-ï-ne » - j'ai mis la leçon de phonétique en entier en « citations » -, et aussi le portugais, avec João qui s'est retrouvé en fauteuil roulant après un effondrement d'échafaudage.

En sus de ses distractions linguistiques, il y a l'atelier de couture du père qui permet de confectionner des vêtements adaptés pour François, et dans un tout autre registre, les manifestations contre l'OAS.

Cette dispersion me gêne un peu.

Je retrouve aussi quelques autres thèmes récurrents : la neige, la montagne, la boxe, le quartier des Batignolles, des références littéraires ou artistiques…

Valentine Goby a la particularité d'intervenir dans ses romans.

« Je suis celle qui accable François.
Comme Victor Hugo qui accable Quasimodo au Moyen Age, et Gwynplaine, l'homme qui rit au XVIIème siècle, êtres excessifs et manquants, c'est-à-dire : laids. »

« … et s'il pouvait sans doute, il me fusillerait du regard, moi l'auteure, parce que la désarticulation scapulohumérale ne lui laisse aucune chance et qu'il n'existe pas encore de prothèse myoélectrique pour venir à son secours »

« J'imagine François Sandre devant la télé, cinquante-sept ans plus tard, à la fin de l'été 2016, regardant les épreuves de natation au Jeux paralympiques de Rio… »

Je vous dévoile la phrase de la fin pour que vous puissiez la méditer :
« - Ils appellent ça le kintsugi. L'art des cicatrices précieuses ».

4,24 est la note de Murène sur Babelio. Comment pourrait-on ne pas saluer une telle entreprise en faveur des handicapés ? Murène a le pouvoir de nous déciller les yeux, de nous mettre en situation d'handicap – qu'est-ce qu'on ferait si on n'avait pas de bras ? -, et de nous inciter à faire preuve d'empathie envers ces êtres humains qui sont fragilisés et luttent pour aller de l'avant.

Je vous fais grâce de tout ce que j'ai appris grâce à Murène !

Je disais dans mon billet sur L'île haute que Valentine Goby a une belle écriture, certes la forme est élégante mais trop académique à mon goût.

Malgré tout l'intérêt que j'ai pris à lire Murène, je ne lui accorde que 3,5*** parce que pour moi il s'agit plus d'une docufiction que d'un roman.

Je suis dans un cycle Valentine Goby. Elle est en résidence d'écriture dans mon réseau de médiathèques. Je m'apprête à la rencontrer samedi 25 mai. C'est le troisième roman d'elle que je lis, après L'île haute (2022), chroniqué le 5 mai 2023, et Kinderzimmer, pas encore chroniqué.
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Lu en 2020. L'écriture de Valentine Goby (7 romans lus à ce jour), sensuelle, lumineuse et profondément incarnée, m'avait touchée par son humanisme et sa véracité en traduisant parfaitement les sentiments des protagonistes.
Un scénario qui place le corps et le désir au coeur même de nos représentations (mentales, affectives et sociales), à travers un parcours de vie aussi douloureux que courageux d'un jeune-homme amputé par accident. le récit met également en exergue, dans la seconde partie du roman, l'émergence du handisport (jusqu'à sa complète légitimité aux Jeux paralympiques de Tokyo de 1964).
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Un jour d'hiver sibérien de 1956, François cherche du secours dans la campagne ardennaise. Pour mieux y voir, il grimpe sur un wagon désaffecté et lève les bras. Très grièvement blessé, il est emmené à l'hôpital où le chirurgien l'ampute d'un bras complètement carbonisé, avant de lui couper le deuxième bras. On l'estime mourant, il parvient à survivre. Mais dans quel état ? A 22 ans, gravement mutilé, complètement dépendant, amnésique de son passé récent, il ne reconnait même plus Nine, son amoureuse. Quel horizon a-t-il ? Quelle raison trouver pour continuer à vivre ainsi ?

Réapprivoiser son corps et l'image de soi, malgré l'horreur des parties manquantes. Renoncer à toucher, à caresser. Il faut du temps, énormément de temps pour faire le deuil de ses sensations, de ce corps obéissant et agile que le début du roman nous présentait, lorsque François grimpait un échafaudage avec toute l'aisance de sa jeunesse et d'un corps rompu à l'exercice physique pour aller saluer Nine. Six litres de sang, cent mille kilomètres de vaisseau, des rotules bien articulées, les jambes jeunes et sûres, le deltoïde, l'humérus, le coude, le poignet, les phalanges à l'oeuvre pour assurer les prises, la pointe du pied, la cheville, le mollet, la hanche pour se pousser, toute cette mécanique parfaitement huilée et décrite en détail, pour mieux faire sentir la perte qui va suivre.

A une époque où la chirurgie réparatrice ou orthopédique est encore à ses débuts, on dispose de très peu de moyens pour faciliter la vie des amputés. Surtout que François n'a même plus de moignons : son corps se termine à l'épaule, au niveau des acromions, sur lesquels on ne peut pas fixer de prothèse. On l'équipe tout de même a minima pour qu'il puisse au moins pincer des objets pour les attraper, mais l'essai n'est guère concluant. Après des mois de désespoir absolu, il met à profit son ingéniosité pour installer du matériel qui lui permet, non sans efforts, de s'habiller ou de faire sa toilette. Mais la dépendance reste très grande, et le découragement et la colère tout autant. Jusqu'à la rencontre avec le représentant de l'Amicale sportive des Mutilés de France qui va lui faire découvrir la natation, que pratiquent de nombreux handicapés. Dans l'eau, il n'est plus ce roseau impuissant ; dans l'eau il devient poisson, murène, comme celle qu'il a vue à l'aquarium, bête monstrueuse dépourvue de nageoires mais qui en nageant trouve une grâce insoupçonnable.

Alors François se métamorphose, et devient un sportif accompli. A l'instar de beaucoup d'autres, blessés civils, victimes d'accidents ou de maladie, dont la prise en charge est encore insatisfaisante. Il faudra du temps pour faire connaître le potentiel de ces sportifs, jusqu'à la création du handisport et des premiers jeux paralympiques, en 1964.

A travers l'histoire magnifiquement écrite de François, c'est le parcours de résilience de tous ceux qui ont perdu leur corps d'avant. Parfois pour mieux renaître, comme l'art japonais du kintsugi qui embellit les vases brisés dont les morceaux sont rassemblés au ciment d'or. « L'art des cicatrices précieuses ».
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Cette année, c'est décidé, je regarderai les jeux paralympiques.
Et ce n'est pas parce qu'ils auront lieu en France. ( cocorico 🐔 🇫 ).
Mais parce que j'ai lu Murène de Valentine Goby.

Murène c'est l'histoire d'un homme qui devient lourdement handicapé du jour au lendemain à la fin des années 50.
Pas à cause d'une guerre,
Non,
À cause d'une malchance.
De celle qui brise tous vos rêves de vie que vous aviez élaboré jusque-là.

Sauf que dans les années 60, la médecine est bien moins avancée.
Et tout « l'après » également.
La seule expérience, récente, que l'on a, ce sont les blessés de guerre.

Et c'est justement à leurs côtés que François va se reconstruire.
Puisque c'est dans ces années-là, grâce à la combativité de certains, que l'handisport va émerger,
Jusqu'à la création, quelques années plus tard, des premiers jeux paralympiques.

Naïvement je n'avais jamais réfléchi à la création de ces jeux.
Oh oui.
Naïve.
Mais pas au point de penser que le regard sur certains handicaps, si bien décrit dans le livre, a tant changé depuis.
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J'ai beaucoup aimé ce roman et le savoir qu'il m'a apporté dans des domaines insoupçonnés. La première moitié m'a fascinée de part la tragédie et la détresse (« lire le malheur pour éprouver en creux sa chance, s'en perduader, s'en repaître, soulagé d'être épargné, soi » « il est doux, écrit Lucrèce, quand la vaste mer est soulevée par les vents, d'assister du rivage à la détresse d'autrui »)
La seconde moitié m'a moins happée a cause des champs lexicaux extrêmement précis et de tournures de phrases assez alambiquées rendant parfois la compréhension plus compliquée, perdant le lecteur et personnellement restreignant ma capacité à imaginer les scènes malgré les détails infinis. J'ai l'impression que cette seconde partie suite à la « remission » de François documente et énumère de façon assez scolaire l'historique des jeux para-lympiques et d'événements datés précis. Globalement c'est un livre beau et poétique sondant la détresse de l'âme et la capacité de résilience extrême et insoupçonnée qui nous plonge tout droit dans la France d'après guerre, des années 50 et qui a le mérite d'aborder avec brillot, minutie et méticulosité un sujet trop peu pensé et questionné par les valides. Merci Madame Goby. Oeuvres liées : Je pense prochainement lire Kinderzimmer. Beaucoup d'éléments m'ont rappelé Réparer les vivants notamment de part les détails du corps, de l'organisme, de l'anatomie et de son fonctionnement. Egalement le film Sauver ou périr.
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J'ai eu envie de lire ce livre suite à la lecture très engageante d'une chronique de ce roman dans un documentaire sur le sport et le handicap -documentaire très centré sur le sport haut-niveau et sur les JO donc pas ce que je venais chercher à la base.
Mais, mais qui a eu le mérite de me faire découvrir cette lecture que j'ai beaucoup aimé. Dans les toutes toutes premières pages, je suis un peu perdue. Il faut dire que la chronique en question se concentrait essentiellement sur la partie sport du roman hors celle-ci n'arrive vraiment pas toute de suite dans le roman. Alors que moi je m'attendais direct à suivre l'histoire d'un jeune nageur en situation de handicap, je découvre qu'en fait il y a bien plus que cela dans ce livre. Comment ce jeune homme s'est retrouvé amputé de ses deux bras -je ne spoile rien c'est visible jusque sur la couverture, ses tourments, le regard des autres, ses tentatives pour s'en sortir, ses relations.
Tout ceci sous une plume que j'ai beaucoup aimé, parfois atypique j'ai trouvé mais toujours très agréable.
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"Ils appellent ça le kintsugi. L'art des cicatrices précieuses".
Ainsi se termine "Murène", très joli livre de Valentine Goby que je découvre grâce aux box cadeau @kube ! Merci les collègues !
Après une période un peu fastidieuse, on en connaît tous, on se force à aller au bout des livres, parfois on abandonne en cours de route dans un sentiment d'échec.. bref, voilà longtemps que je n'avais pas pris tant de plaisir avec une lecture. Francois nous embarque dans son histoire de vie, à la fois dramatique et triste, mais faisant preuve de temps de résilience et de courage. Tout cela avec un petite leçon d'histoire sur l'émergence du handisport et de ses pionniers. A lire ! Pour le plaisir !
Next : "Le mage du Kremlin". Vous l'avez lu ?
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Murène de Valentine Goby
Editions Actes sud.

Premières phrases : « La nuit plaque des rectangles noirs aux vitres de la piscine. Face au bassin se tient François, très droit, immobile, pieds nus écartés sur le carrelage froid, dans l'odeur du chlore et le fracas d'un plongeon. »

Ouvrir un livre c'est se plonger dans l'inconnu, certains ouvrages me laissent de glace, imperturbable alors, je passe mon chemin.
D'autres, en revanche me captent me happent dès les premières pages, me clouent dans mon fauteuil. le charme opère, bientôt chaque mot agit sur moi avec puissance, tantôt comme un baume tantôt comme un uppercut.
Je suis alors tout à lui, je parle ses pages, je vis ses personnages et l'histoire bien souvent fait écho à mon propre vécu.
Murène de Valentine Goby que j'ai décidé de vous présenter, est un de ces livres.

Ainsi, je rencontre François en 1956, il est séduisant, pétillant mais son coeur est déjà pris. Volontaire et débrouillard, il est toujours disponible pour donner un coup de main, c'est donc avec entrain qu'il se rends dans les Ardennes, chez un cousin afin de l'aider...
Mais quelques heures après son départ de Paris, il sera retrouvé proche d'un tronçon de chemin de fer désaffecté, allongé dans la neige, le corps à moitié calciné.
Comment survivra-t-il ?
A quel prix ?
Comment réapprendre les gestes du quotidien ?

Valentine Goby, nous entraine sur les chemins de la survie, de la résilience et de l'adaptabilité. L'écriture juste, les termes précis et la richesse des détails ont conquis la lectrice exigeante que je suis.

Emma aime :
-Se relever
-Se transformer
-Se révéler

Lien : https://www.instagram.com/le..
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François, jeune homme de vingt-deux ans, est électrocuté dans les Ardennes et, retrouvé à demi-mort, il est hospitalisé. On l'ampute des deux bras. le livre raconte le long cheminement du jeune homme vers une renaissance qui passe par le handisport. Souffrances physiques et mentales sont décrites avec beaucoup de justesse, dans une langue poétique pleine d'adresse et de belles surprises. Ce roman commence sur un terrifiant constat mais se termine sur une note d'espoir.
C'est indéniablement un texte de qualité mais quelque chose, à sa lecture, m'en a tenu un peu éloignée et je n'ai pas toujours été aussi émue que ce qui pouvait être attendu.
Une belle surprise, néanmoins.
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