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"Par devant, ça peut encore passer, mais par derrière, on croirait le Diable !"
(d'un conte populaire russe)

N'importe quelle sorcière qui fend le ciel nocturne au-dessus de Dikanka vous dirait que j'ai mis du temps pour apprécier Gogol. "Les Âmes mortes" imposées en dernière année de collège y sont pour quelque chose; ce n'est pas que je ne comprenais pas le "pourquoi et comment" scolaire, mais à 14 ans, je trouvais ce bon Nikolai Vassilievitch profondément ennuyeux, et Tchitchikov n'était pas exactement le prototype d'un héros sur lequel j'aurais envie de fantasmer avant de m'endormir. Je me suis rattrapée plus tard avec les "Nouvelles de Petersbourg", et peu à peu, en découvrant quelques autres écrivains russes, j'ai commencé à comprendre l'importance de Gogol pour la suite des évenéments littéraires au sein de la grande Matouchka Rossia. Ainsi que la remarque de Dostoïevski : "Nous sommes tous sortis du manteau de Gogol".
Oui, Gogol ouvre la voie au réalisme. C'est vrai qu'il emploie assez souvent des éléments romantiques et fantastiques comme son ami Pouchkine, mais tandis que les personnages de Pouchkine restent éblouissants et parfaits dans leur lumineux classicisme, ceux de Gogol n'ont pas un kopeck en poche, et portent de préférence un caftan grassouillet tout rapiécé. La page de la rébellion romantique a été tournée, place aux gens ordinaires !

"Les soirées du Hameau" (1831) représentent l'entrée de Gogol dans le monde littéraire. Et quelle entrée !
Il apporte du jamais vu, l'exotisme absolu et inouï : l'Ukraine ! Même si cela peut paraître risible (et chez Gogol, un tas de choses peut paraître risible...), pour les lecteurs de son temps, l'Ukraine, cette petite-Russie avec sa vie rurale et sa culture populaire, était quelque chose de nouveau et d'inconnu. Il suffisait pourtant à Gogol de regarder un peu autour de sa maison à Sorotshintsy, et tout de suite, il avait les poches remplies de thèmes intéressants...

Un tour au marché, et voici tout une panoplie du crû : les Cosaques aux ceintures brodées, les nababs locaux aux bonnets d'astrakan, les filles aux cheveux blonds et sourcils noirs, les Tziganes diseurs de bonne aventure et les Juifs au nez crochu. Rajoutez-y des sorcières qui chevauchent leur tisonnier à minuit, des roussalkas, des démons et des diables au visage de porc, et vous avez une vague idée de quoi on peut bien parler le soir dans la chaumière de Panko le Rouge. La langue est riche et vivante, c'est plein de dialogues comiques et de belles expressions qui ne vous laisseront pas indifférent.

Gogol entretient une tension permanente : c'est une sorcière, ou pas ? Est-ce vraiment arrivé, et le voisin a vu le Diable au retour de la taverne, ou était-il seulement ivre comme un Polonais et son imagination lui a joué des tours ?
Il évolue entre le mythe et la réalité avec une telle maestria qu'un seul pas de côté serait suffisant pour que l'histoire perde tout son charme. C'est un équilibre précaire sur une lame de couteau aiguisée : Gogol joue avec son lecteur , il le laisse se noyer dans l'incertitude, le tourmente par un tas de petits indices... mais quand on croit apercevoir la vérité, il la cache derrière un voile de brouillard.

Impossible de ne pas aimer ces histoires. Elles apportent dans notre monde moderne un bon bout de la vieille Ukraine, de sa sauvagerie, ses superstitions et sa mélancolie.
5 étoiles amplement méritées, pour ce mélange improbable et absolument réjouissant de lyrisme, satire, et mélodrame folklorique.
Un livre pour tous ceux qui ont apprécié " Nouvelles de Petersbourg", mais pas seulement...
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Caché derrière le sobriquet de Panko le Rouge l'apiculteur, Nicolas Gogol nous livres ici quelques nouvelles réunies sous le titre « Les Soirées du hameau ». Pari réussi pour ce jeune homme d'à peine vingt-deux ans. Ses courts récits, inspirés par les légendes qu'il a entendues dans son enfance, racontent l'Ukraine. Et, à travers elle, une multitude de personnages colorés, tous aussi pittoresque les uns que les autres. On y retrouve entre autres des belles-mères acariâtres, des jeunes hommes amoureux, des sorcières méchantes, de fiers et terribles cosaques, des pauvres paysans superstitieux, des juifs cupides et malmenés, des fainéants et des farceurs. Des petites gens sincères, joyeux, qui se veulent libres. Des petites gens, pouvant provenir de n'importe lequel hameau, qui se terraient dans des endroits reculés et qu'on retrouvaient dans les foires et les marchés. Malgré leurs caractéristiques aussi évidentes, ce ne sont pas des personnages unidimensionnels. Ils ont leurs motivations propres et parviennent à nous émouvoir et même à nous surprendre. Dans tous les cas, ils nous livrent une part de ce peuple ukrainien, celui de ces contrées hautement folkloriques, encore un peu sauvages, toujours aussi envoutantes. En effet, si Gogol arrive à nous faire croire à ses personnages, il réussit également à dépeindre merveilleusement bien l'Ukraine de l'époque. Ce pays de steppes verdoyantes, de part et d'autre du majestueux fleuve Dniepr. Ce pays aux journées joyeuses et brûlantes ainsi qu'aux nuits étoilées et ensorcelantes. Ce pays qu'on doit parfois – souvent, même – disputer au diable. Pour beaucoup, la vie est un combat de tous les instants contre le malin en quête d'âmes… Bref, dans un décor à la fois réaliste et poétique, on retrouve du comique mélangé à du nostalgique ainsi que du fantastique. Tout un tour de main ! « Les Soirées du hameau » ne peuvent que constituer un petit bijou savoureux qui donne presque l'envie de faire l'expérience de la vie rurale sous l'Empire russe.
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L'écriture aseptisée de Gogol me donne l'impression qu'il a enluminé de vagues légendes de sa Petite Russie, histoires de jolies filles proche de 17 ans et de leur prétendant cosaque perturbé par un diable ou une sorcière.

Rien à voir avec la prose d'Istrati qui vous prend aux tripes.
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Recueil de nouvelles, au temps où l'on racontait des histoires à dormir debout pendant les veillées : sorcières et diables étaient toujours de la partie. Un moyen aussi de faire revivre une époque, un pays, son art de vivre et ses traditions. Toutes les histoires sont agréables à lire, finissent plus ou moins bien mais cela devient finalement un peu répétitif.
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Traduction de Michel Aucouturier
Paru en mars 1989, folio classique
Nicolas Gogol a été célèbre de son vivant mais, écartelé entre la satire sociale qui lui sert de trame et l'incompréhension de la critique et du pouvoir dont il dresse un tableau "contrasté", il aura du mal a trouver sa place, ce qui l'amènera à un exil volontaire de 12 ans en Europe puis un retour tragique en Russie. Les soirées du hameau sont "le feu féerique de ses débuts" et en cela ces soirées sont passionnantes.
En couverture de l'édition 2017 de cette édition folio classique, on découvre une belle reproduction du tableau de Philippe Maliavine : « Réunion paysanne ou danse paysanne » qui donne le ton. Il s'agit d'un peintre que je ne connaissais pas, dont les tableaux, représentent bien l'âme russe avec une débauche de couleurs et de mouvements. Né en 1869, il a traversé des périodes mouvementées, aussi bien en Russie qu'en Europe ou il est mort en 1940 dans les conditions difficiles imposées par les nazis. On voit dans ce tableau un tourbillon de couleurs vives, typique de ce peintre, tons vifs, jaunes, rouge, grenat. Les paysannes dansent dans un paysage champêtre, leurs visages épanouis respirent le bonheur et la joie de vivre. C'est une bonne introduction pour ces contes de vie campagnarde idéalisée ou nature, plaisirs et imaginaire allaient ensemble.
Mais revenons-en au texte. J'ai vraiment apprécié la traduction de Michel Aucouturier. Il transmet de façon époustouflante le côté féerique des pages d'un écrivain débutant : Nicolas Gogol. Dans la préface, il dit très justement « la prose, par son rythme, par ses images, se fait musique et peinture, tente d'imiter ce qu'elle décrit ». C'est tout à fait réussi et bravo à Michel Aucouturier, en traducteur génial et érudit, qui dans l'ombre se met si bien au service d'une littérature d'exception.
Il s'agit de récits prétendument racontés par l'Apiculteur Panko le Rouge. À la publication de ces récits en 1831, Nicolas Gogol à 22 ans. Il utilise avec talent ses souvenirs, le folklore, les vieilles légendes pour mettre sur le papier des contes circulant dans les campagnes, notamment lors des longues veillées d'hiver. Il accède avec ces récits à la célébrité et devient un « classique » de la littérature russe.
Gogol dresse un portrait haut en couleur de cette Petite-Russie de son enfance. La Petite-Russie c'est l'actuelle Ukraine et, au passage, on visualise bien à travers les récits de Gogol, les liens culturels ancestraux avec la Grande Russie.
La foire de Sorotshintsy : les bottes de la jeune fille sont rouges, la casaque du jeune homme blanche, et le rythme des phases emmène le lecteur dans la danse après des péripéties tirées en grande partie du théâtre comique. Quelle poésie, par exemple lors du passage du pont, ou Gogol décrit le reflet à la manière d'un peintre : « le ciel, les feuilles vertes et bleues, la foule, les charrettes chargées de poteries, les moulins, tout se renversa et se mit à marcher la tête en bas, sans se noyer dans le bel abîme d'azur ».
La nuit de la Saint-Jean : histoire racontée par un sacristain et toujours rapportée par Panko le Rouge, sans parler de Gogol et de la traduction-réinterprétation de Michel Aucouturier… On est dans un vertige de transmission orale puis écrite, cadeau de la mémoire civilisationnelle (qu'il faudra opposer à l'immédiateté des échanges informatiques).
Une nuit de mai ou la Noyée : le temps et la ronde des saisons avec des chapitres au nom des différents protagonistes.
La Dépêche disparue : histoire présentée comme vraie car un bon conteur « doit être crédible s'il possède son art ».
La nuit de Noël : une histoire de sacs qui tient de la magie et plus encore.
Une terrible vengeance : une histoire qui évoque Dracula mais même pas peur !
Ivan Fiodorovitch Chponka et sa tante : on est prévenu d'emblée par le narrateur, à cette histoire il en manque la moitié..., qu'à cela ne tienne, elle nous est racontée telle quelle et la faconde aidant, ainsi que les digressions permanentes, le narrateur peut bien s'arrêter quand il veut...
Le terrain ensorcelé : une époque où le signe de croix suffisait pour repousser le malin Satan, heureuse époque !
De bien belles histoires qui traversent le temps avec bonheur. «Voici de la vraie gaieté, sincère, sans contrainte.» (Alexandre Pouchkine)
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C'est le roman qui rendit son auteur célèbre. "Les Soirées du hameau" sont en effet le point de départ d'une étonnante destinée littéraire, celle de Nicolas Gogol. S'appuyant sur les récits de son enfance et les contes populaires ukrainiens, Gogol compose un recueil de nouvelles savoureuses, riches en couleurs et en personnages typiques et atypiques. Mais le maître incontesté des lieux est ici le diable, cherchant constamment quelques âmes en peine pour assouvir ses instincts les plus vils. Ces récits faustiens ont pour décor les sombres nuits des steppes des bords du Dniepr, lieux propices à toutes les visions, à toutes les hallucinations.
Ces récits, enfin, nous sont présentés par un narrateur volubile, digne des autres oeuvres de Gogol, souvent ironique, ne cherchant pas à se cacher, bien au contraire, faisant partager à ses lecteurs son goût pour les mots, pour les histoires, pour la littérature.
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Ce recueil est très inégal. On sent que Gogol se cherche et hésite entre plusieurs styles. le macabre et le romantisme de plusieurs contes ne sont pas vraiment son affaire. Je le préfère dans sa veine burlesque, comme dans "la foire" qui reprend un thème classique des contes européens ou "la nuit de Noël". L'histoire d'Ivan Fiodorovich n'est pas mal et préfigure toutes proportions gardées le style des âmes mortes, mais elle est inachevée.
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Dans la datcha de Gogol

Que l'on m'apporte mon ..........?............. Les soirées sont fraîches à Saint Petersbourg, et voyez- vous... d’ailleurs... selon moi... je le crois encore bon... sauf un peu de poussière... Eh ! sans doute il a l’air un peu vieux... mais il est encore tout neuf... seulement un peu de frottement... là dans le dos...

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