L'action se passe à Lima, dans les premières années du XXe siècle.
Carlos Rodríguez y José Gálvez, deux jeunes Péruviens issus de familles aristocratiques, aspirent à devenir poètes. Mais du fait de la piètre qualité de leurs
poèmes, ils essuient plusieurs échecs. Fascinés par le poète espagnol
Juan Ramón Jiménez (1881-1959, prix Nobel de littérature), ils décident de lui écrire afin d'obtenir un exemplaire autographié de son dernier recueil de
poésies ; craignant un refus, ils ont l'idée de se faire passer par une jeune femme qu'ils baptisent Georgina Hübner. Cette plaisanterie réelle donnera lieu à un long échange de lettres au cours duquel
Ramón Jiménez s'éprend de sa mystérieuse correspondante. Quand il annonce sa venue, les deux amis décident de « tuer » Georgina, et c'est suite à la réception du télégramme de l'ambassadeur du Pérou où il apprend la mort de la jeune femme que le poète écrit une belle élégie intitulée Carta a Georgina Hübner en
el cielo de Lima (Lettre à Georgina Hübner dans
le ciel de Lima).
Le roman est donc centré autour de cette étonnante anecdote de l'histoire littéraire espagnole. L'auteur propose une recréation imaginaire de l'épisode, en évoquant la vie des deux jeunes hommes dans le Lima des années 1904-1905, alors secoué par des révoltes sociales. José et Carlos envisagent la
correspondance avec le maestro espagnol comme leur roman.
Le roman est structuré en quatre parties, intitulées Une comédie, Une histoire d'amour, Une tragédie, Un
poème. Si l'action des trois premières se déroule au cours des années 1904-1905, la dernière présente les deux protagonistes, quinze ans plus tard.
La narration est entrecoupée par quelques-uns des 41 lettres que Georgina et l'éminent poète espagnol ont échangées.
Juan Gómez Bárcena manie une prose simple, classique, plutôt élégante. Les dialogues sont parfois insérés dans le récit, créant un rythme intéressant.
L'auteur est parvenu à reconstruire une époque et l'ambiance très spécifique du Pérou du début du XXe siècle, avec ses classes sociales antagoniques, ses écrivains publics (l'un d'eux, Cristobal, est un des personnages du roman, que les deux amis vont consulter pour avoir des conseils), ses clubs et tavernes où l'on boit du Pisco, etc.
Certains passages présentent beaucoup d'humour et d'ironie, tels que la description du courrier transatlantique où une petite souris, revenant à plusieurs reprises dans le roman, aime aller grignoter le contenu des sacs de la poste ; ou encore le moment où il est question de l'obsession du père de Carlos pour trouver un ascendant issu de la plus haute noblesse. Certaines remarques anachroniques dans lesquelles le narrateur se réfère à des événements ultérieurs à l'action font également sourire.
L'auteur met à nu les ficelles de la narration et soulève les questions de la création littéraire, de l'inspiration. Les références à la
poésie et à la littérature du XIXe siècle (
Rilke, Bécquer,
Baudelaire, Rimbaud, Mallarmé,
Poe, Melville, Tostoï,
Goethe, Faubert, Dickens, etc.) sont extrêmement nombreuses.
Il traite parallèlement des thématiques de l'amour, de l'engagement politique, de la relation aux parents et, en premier plan, de l'amitié, à travers la relation assez complexe qu'entretiennent José et Carlos.
Si l'on est tout de suite séduit par la supercherie des deux jeunes hommes quelque peu désoeuvrés qui veulent à tout prix entrer en contact avec leur idole, le
roman s'essouffle très vite. La narration n'est pas toujours bien maîtrisée et manque à la fois de rythme et de tension.
De manière générale, à aucun moment le lecteur n'éprouve aucune empathie ni de sympathie pour les personnages. Des deux protagonistes, c'est Carlos qui semble le plus abouti, dans la mesure où l'auteur donne à voir les différentes facettes de sa personnalité. Fils d'un homme autoritaire très riche mais sans ascendance et d'une mère aussi absente que pieuse, il rencontre des difficultés à s'imposer, que ce soit dans sa famille ou avec ses amis. Il se lie d'amitié avec Cristobal, l'écrivain public spécialisé dans les lettres d'amour et grand consommateur de Pisco, se sent solidaire, contrairement à son ami José, à la cause des dockers en grève et fréquente une prostituée de manière platonique. En revanche, la psychologie de José manque de contours et d'épaisseur, tout comme les personnages secondaires.