J'ai lu avec beaucoup d'intérêt ce livre, fruit d'une enquête minutieuse, menée par
Félicia Gordon. Avant d'aborder les axes principaux qui sont abordés dans cet ouvrage, je voudrais m'attarder sur mode de fabrication.
Comme le souligne, dans sa préface particulièrement étayée et éclairante,
Chantal Potart, cofondatrice de Histoire(s) et Mémoires de Maison Blanche, cette biographie « épuise » tous les lieux, de toutes les archives, toutes ses lettres, journaux, photos, objets, livres, témoignage de la fille, qui avait rassemblés de nombreux documents, et de la petite-fille de Constance Pascale pour s'approcher au plus près de son sujet.
Dans son introduction l'auteure nous partage sa motivation, ses secrets de fabrication, et surtout l'impact de la vie personnelle de Constance, qui à la fois éclaire sa théorie et sa pratique psychiatrique et comment, et pourquoi, elle s'échina à effacer ses traces tout en s'organisant paradoxalement, en apparence, pour en laisser de multiples, au-delà des publications scientifiques, littéraires et de reportages qu'elle suscita y compris dans la presse généraliste.
Voilà qui fait la différence, qui fabrique de la « bel ouvrage » ! qui à mon sens rend cette lecture exceptionnellement passionnante quel que soit son profil : spécialiste, connaisseur, amateur ou tout simplement curieux.
Cette biographie retrace la vie et la carrière de Constance Pascale, née en Roumanie en 1877 et décédée en 1937 à Neuilly-sur-Marne
- Pour l'historien, nous voilà plongés sous la III éme République, et le rôle des femmes pendant la « grande guerre » est aussi illustré au travers de ce qui se passa à proximité de la ligne de front à Clermont-sur-Oise, vu de l'asile d'aliénés et de son héroïque médecin, qui devint aussi, en plus ! médecin-expert pour statuer sur les soldats victimes d'obusite ( aujourd'hui nommée syndrome de stress post-traumatiques)
- Pour la place de la femme au début du XX ème siècle : Constance Pascale fut avec
Madeleine Pelletier (grande figure militante du féminisme) la première femme interne des asiles en 1903, puis elle fut la première reçue au concours de l'adjuvat en 1908, première femme nommée médecin-chef en 1920, première femme nommée directeur-médecin de l'asile de Moiselles en 1926.
- Pour ses actions concrètes dans son « « ici-et maintenant : son oeuvre oubliée, enfouie, mais qui revient à la lumière, elle fut pionnière : Elle interdira les châtiments corporels, les camisoles de force ; elle plaidera puis obtiendra des moyens assurer un confort décent, la propreté, l'embellissement des espaces extérieurs ; elle prodiguera des conseils médicaux aux mamans pour leurs jeunes enfants dans la presse populaire bien avant
Françoise Dolto !, elle créera le premier Institut médico- pédagogique, et elle donc la mère de la pédopsychiatrie française ; elle créera un des premiers centres de transfusion sanguine en 1932…
- Pour les psychiatres, psychologues, thérapeutes en général, et épistémologistes du domaine et en plus tous les ignorants de la chose !
Félicia Gordon donne un focus sur quelques article ou ouvrages clés du docteur C. Pascale : Les Grands Syndrome psychiatriques , les Démences ; Chagrins d'amour et psychose ; le Dynamisme de la démence précoce ; Traitements des maladies mentales par les chocs.
En résumé, c'est par l'observation, l'expérimentation avec bienveillance et empathie que l'on soigne des êtres, pas par des catégorisations figées et des processus « bureaucratiques ».
- Pour les citoyens, une profonde réflexion toujours d'actualité sur la xénophobie, les talents qui n'ont pas de frontière, l'intérêt de lutter pour ses convictions y compris en s'appuyant sur ses légitimes aspirations et son mérite propre.
J'arrête ici cette critique, je suis loin d'avoir aborder tous les sujets, que le parcours de vie d'un très Grande Dame, marqué profondément par de très grands Drames, qui fut oubliée, injustement comme on le dit souvent trop vite, mais aussi « justement » oubliée au vu des circonstances et selon sa volonté. Si, cher lecteur, en dernier ressort seuls les romans vous font vibrer, sachez que ce livre peut aussi se lire comme un roman, passionnant et comme la réalité dépasse selon l'adage la fiction vous ne serez déçu !
Je vous souhaite une bonne lecture, une belle découverte et l'émotion, le marqueur qui ne trompe pas qui les accompagnent. Ce bel ouvrage est un hommage exceptionnel à un médecin-pionnière encore plus exceptionnel(le).