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EAN : 9782200257637
224 pages
Armand Colin (21/03/2012)
3.5/5   2 notes
Résumé :
En dépit des déclarations et des cérémonies officielles, quelque chose a radicalement changé entre la France et l’Allemagne. À l’union, parfois délicate, ont succédé une époque de doutes partagés et une relation de plus en plus déséquilibrée.
Du côté français, les comparaisons systématiques, parfois hasardeuses, avec le voisin d’outre-Rhin, expriment un réel malaise. Sans parler des tristes relents de germanophobie – heureusement minoritaires. Du côté allema... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (1) Ajouter une critique
Rarement l'Allemagne a été aussi présente dans le débat politique français que durant la dernière campagne présidentielle. Nicolas Sarkozy n'a cessé d'y faire référence, l'érigeant en modèle qu'il fallait copier, tandis que François Hollande dénonçait les capitulations du Président devant le diktat allemand exigeant de l'Europe une plus grande discipline budgétaire au risque d'anémier la croissance.
Directeur de recherche à l'IRIS, ancien conseiller culturel à Berlin, Jacques-Pierre Gougeon est un germaniste réputé. le titre de son dernier ouvrage est trompeur. Il n'y est pas question de la crise d'une quelconque « union » franco-allemande, mais bien du fossé grandissant qui sépare une France en déclin d'une Allemagne en pleine ascension. Jacques-Pierre Gougeon évoque un « grand écart » (p. 133) qui se serait creusé depuis une dizaine d'années. L'Allemagne a une croissance plus forte, un chômage plus faible, des finances publiques mieux gérées et une économie plus compétitive que la France. La maîtrise du coût du travail et les réformes mises en oeuvre par G. Schröder ne sont que deux éléments parmi un faisceau de facteurs. La réussite allemande plonge en fait ses racines dans des causes plus structurelles : son dense réseau de « grosses PME », sa spécialisation dans le « haut de gamme », sa bonne implantation dans les pays importateurs …
Plus grave que cet effet de ciseaux objectif est la perception qu'on s'en fait des deux côtés du Rhin. Côté français, l'époque est au déclinisme. Elle a été inaugurée par le livre de Nicolas Baverez La France qui tombe (Perrin, 2003). Il n'est pas passé inaperçu en Allemagne. La minoration de la puissance et de l'influence de la France qui, hier encore, constituait un tabou est devenue un constat banal validé par les chiffres : la France n'est plus qu'une « Grande Nation ganz klein » (titre d'un article du Frankfurter Rundschau du 12 août 2011) qui compense sa propre incertitude sur sa grandeur perdue par de la crispation et de la gesticulation. C'est sous ce registre-là que de nombreuses actions du Président Sarkozy ont été ironiquement commentées : le projet d'Union pour la Méditerranée, la médiation française dans la crise géorgienne à l'été 2008, la crise bruxelloise provoquée par le discours anti-rom de Grenoble en juillet 2010, l'intervention militaire en Libye interprétée en Allemagne comme la tentative maladroite de Paris de « restaurer son image » après les printemps arabes …
Cette France qui décline voit avec inquiétude sa voisine assumer sans vergogne son statut tout neuf de grande puissance. « Puissance centrale en Europe » (ainsi désignée dans un livre de 1994 par le grand historien Hans-Peter Schwarz), l'Allemagne ose désormais dire « non » : aux Etats-Unis qui voulaient qu'elles interviennent en Irak en 2003, voire même, au risque de l'isolement, à tout le camp occidental engagé en Libye en 2011.
Cette nouvelle « Allemagne-puissance » (p. 36) porte sur son passé « un regard plus libre » (p. 83). La comparaison, là encore, ne tourne pas à l'avantage de la France dont le passé « a du mal à passer » qu'il s'agisse du régime de Vichy (Jacques-Pierre Gougeon stigmatise la tentative sarkozyste de restaurer le mythe résistantialiste) ou de la guerre d'Algérie (il consacre des pages intéressantes aux blessures mémorielles rouvertes par la sortie du film Hors-la-loi de Rachid Bouchareb en 2010). L'Allemagne, au contraire, relève le défi de la construction d'une mémoire collective commune aux deux moitiés du pays. Une nouvelle génération d'historiens procède à une relecture de la période nazie : la compromission des milieux d'affaires et des administrations avec le régime mais aussi les souffrances endurées par la population allemande. Cette relecture de l'histoire s'inscrit à charge (le passé colonial de l'Allemagne est désormais assumé) et à décharge (la célébration du 300ème anniversaire de la création de la Prusse a été l'occasion de sa réhabilitation).

Proche de Jean-Marc Ayrault, Jacques-Pierre Gougeon l'a suivi à Matignon. Il y a la responsabilité des relations avec l'Allemagne. Au temps de l'analyse succède donc pour lui le temps de l'action : c'est à lui qu'incombera la lourde tâche de remédier au déséquilibre croissant entre les deux voisins d'outre-Rhin.
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Citations et extraits (6) Voir plus Ajouter une citation
Aujourd'hui, l'Allemagne est du fait de ses bons résultats économiques présentée par les dirigeants français et une large partie de la presse comme "modèle" et elle se vit d'ailleurs elle-même comme tel, incarnation de (...) la "culture de la stabilité" dont elle appelle l'Europe à s'imprégner.

Loin de se limiter à la seule sphère économique (...) la peur française du déclassement traduit aussi une interrogation plus large face à une Allemagne émancipée de ses obligations traditionnelles, comme la solidarité avec les Etats-Unis et la France, ayant développé un rapport plus décomplexé que la France avec son passé récent et articulant un discours européen plus tranché et plus directif.

Se trouve ainsi finalement soulevée la question centrale : rivalité ou complémentarité ? De la réponse dépend en grande partie l'avenir de l'Europe.
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Une étude de 2011 portant sur "le meilleur ami de l'Allemagne" indique que seulement 18% des Allemands attribuent à la France ce statut, alors qu'ils étaient 40% en 2003, 41% en 2005 et 29% en 2007.

Une autre étude parue en janvier 2012 indique que si 45% des Français souhaitent que la France considère l'Allemagne comme son partenaire privilégié, ils ne sont que 38% parmi les moins de 35 ans, 47% de cette dernière catégorie estimant nécessaire de traiter tous ses partenaires à égalité.

(...) cette "fragilité" dans la perception de l'autre, notamment chez les plus jeunes, ne peut qu'interroger.
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Les deux pays sont par leur poids économique et diplomatique à la croisée de tout grand projet européen, voire au-delà (...)

Ensemble, ils constituent une "masse critique" représentant
48% du produit intérieur brut (PIB) de la zone euro,
33% de la population européenne,
36% du financement du budget européen,
sans oublier les 31% de voix au Conseil européen que leur confère le traité de Lisbonne
et sans négliger leur poids commun dans les organisations internationales
avec 15% du financement du budget de l'ONU
et 38% des financements communs de l'OTAN

Les économies des deux pays sont très interdépendantes, chacun étant le premier partenaire commercial de l'autre
15% des exportations françaises
et 10% des exportations allemandes

L'Allemagne et la France conservent une capacité d'entraînement en Europe et donc une légitimité politique
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On lit et entend ici ou là que cette évolution [note : effondrement des statistiques sur le fait que la France et l'Allemagne soient des partenaires privilégiés, notamment chez les plus jeunes Français et Allemands]
serait imputable à une mauvaise entente personnelle entre la chancelière fédérale et le Président de la République ou à une différence de style entre les deux dirigeants.

C'est une approche trop simpliste, même si ces éléments ont évidemment leur importance et si l'on sait combien l'alchimie du fameux "couple" président/chancelier(e) a été, est et sera déterminante.

Mais comprendre et conjurer ce risque d'éloignement entre les deux pays implique prioritairement d'analyser l'évolution des deux sociétés et le regard porté sur le "voisin".
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La situation n'est pas exempte de contradictions : en effet, ce risque d'éloignement entre les deux pays apparaît au moment même où le débat économique en France semble ne devoir se situer qu'à travers le rapport à l'Allemagne devenue "la référence" (...)

Chacun des deux pays ressent le besoin de "se mesurer" à l'autre, ce qui n'est pas en soi nouveau (...)
avec dans la situation actuelle un besoin plus grand pour la France de se mesurer à l'Allemagne que l'inverse, la première s'inquiétant entre autres du décrochage de son économie
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