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EAN : 9782072789243
176 pages
Gallimard (09/01/2020)
4.18/5   183 notes
Résumé :
Quatrième de couverture :
Reinhard Höhn (1904-2000) est l’archétype de l’intellectuel technocrate au service du IIIe Reich. Juriste, il se distingue par la radicalité de ses réflexions sur la progressive disparition de l’État au profit de la «communauté» définie par la race et son «espace vital». Brillant fonctionnaire de la SS – il termine la guerre comme Oberführer (général) –, il nourrit la réflexion nazie sur l’adaptation des institutions au Grand Reich à... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (44) Voir plus Ajouter une critique
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Et si les nazis étaient des managers nés ?

La thèse de l'historien Johann Chapoutot dans “Libres d'Obéir, le management du nazisme à aujourd'hui” (bel oxymore dans le titre au passage) est assez simple : contre-intuitivement, les théoriciens nazis, et en particulier Reinhard Höhn, défendaient l'avènement d'un management plus élastique, hérité du commandement militaire, plus souple, laissant une plus grande latitude au subordonné afin d'accomplir une mission déterminée, qu'il n'aura pas choisi, et d'en assumer l'éventuel échec (en lieu et place de sa hiérarchie).

Par exemple j'exige de vous que vous alliez sur la lune, ordre que vous ne discutez pas et à la conception duquel vous n'êtes pas associé en amont, en vous laissant libre des moyens (que je ne vous fournis pas) pour y parvenir, si vous échouez…c'est votre faute : vous n'êtes pas performant ou n'avez pas réussi à sortir de votre zone de “confort”.

Fustigeant la hiérarchie bureaucratique des ronds de cuirs français, mais aussi le carcan de l'Etat, de la loi, des normes au profit d'une vision vitaliste, nous dirions aujourd'hui la libération des “forces vives” contre les “charges”, les “procédures” qui entravent la liberté d'agir, le nazisme s'avère étrangement anti-étatique.

Cette “liberté germanique” pour l'auteur se justifie par la recherche constante d'adhésion. Conscient que la contrainte, la violence et la sanction certes pratiquées mais dont la portée sur des millions d'allemands est limitée, le pouvoir nazi s'est toujours beaucoup appuyé sur la propagande. Notamment par le pillage de préoccupations portées par les militants de gauche en retranchant toutefois la lutte des classes (le parti unique invente le syndicat unique car il n'y a pas de différence entre les intérêts du patron et de l'ouvrier). Ainsi les nazis reprennent les refrains de gauche sur le bien-être au travail, l'avènement du temps libre et ses loisirs (y compris sur le lieu de travail, chief happiness officers, conciergerie et baby-foot avant l'heure), de baisses d'impôts de prestations sociales à destination des seuls ouvriers ariens (les prisonniers travaillent dans des camps) et financées par les spoliations des juifs et opposants.

Cette prise en charge de la sphère privée que documente aujourd'hui la sociologue Danièle Linhart, afin que la ressource humaine soit déchargée de toute pensée “non rentable”, cette adéquation sur papier entre les intérêts d'une direction, d'un encadrement et de “collaborateurs” jadis subordonnés mais désormais soit disant égaux face au marché, au client, fait étrangement écho à ce que l'auteur décrit des pratiques nazis.

Tout repos, tout loisir est destiné à refroidir la machine humaine, lourdement mise à contribution de l'effort productif et de guerre. Ouvriers et soldats sont sommés d'être toujours performants, soit de par leurs aptitudes naturelles (c'est le darwinisme social nazi et les autres sont écartés, stérilisés, supprimés) soit au besoin par le recours à la chimie, par exemple la distribution de métamphétamines pratiquée par les nazis. Un darwinisme social qui perdure, le récent procès de l'affaire de la privatisation de France Telecom nous le rappelle, en autres les propos de ses ex-dirigeants, désormais condamnés, pour qui les salariés jugés non productifs ou au statut trop coûteux doivent être dégagés par tous moyens.

Le juriste Reinhard Höhn, “victime” de la dénazification est condamné à l'inique amende de 1 500 euros “pour solde de tout compte” nous dit l'auteur, pour avoir armé intellectuellement le IIIe Reich. Très vite, comme beaucoup d'anciens nazis (dénazification vaste blague) il entame à nouveau une carrière d'envergure. Il créé l'équivalent allemand de l'INSEAD, une école supérieure de management où les cadres des grandes entreprises allemandes et internationales (Ford, Colgate, BMW, Bayer, Opel, Aldi etc) viennent apprendre à manager comme au bon vieux temps du Reich de mille ans. Dès les années soixante-dix, Höhn a conscience des effets sur la santé des salariés de ses méthodes, il étudie le bore out qu'il appelle “la démission intérieure”.

“Liberté d'obéir, obligation de réussir”, c'est la formule de l'école managériale allemande Bad Harzbourg. Purgées des thèses racistes, les obsessions des théoriciens nazis sont les mêmes dans les années soixante et soixante-dix, parler de “collaborateurs” au lieu “d'employés”, se prémunir contre toute tentative de lecture politico-économique “dominant-dominé”, le transfert de responsabilité vers l'exécutant, la fiche de poste individuelle contre le paradigme collectif du travail.


« Au moment où le salarié est souverain dans l'ordre politique, il est, dans l'ordre économique, réduit à une sorte de servage » Jean Jaurès. Un livre instructif, érudit, un réel effort de pédagogie écrit par un historien spécialiste de l'Allemagne. On peut regretter un peu le manque de contextualisation de ces théories managériales dans un ensemble plus vaste, et quelle furent leur réelle influence mondiale, en comparaison avec d'autres écoles, américaines et japonaises notamment, quelle part d'influence dans le management par objectifs et délégation de responsabilité d'aujourd'hui. Néanmoins, à l'heure de l'entreprise libérée, de la semaine de quatre jours ou encore du télétravail il y a à nouveau comme une envie de démocratie sociale dans l'entreprise comme dans la cité.

Il manque quelques wagons pour raccrocher l'expérience nazie à la situation actuelle mais c'est un signe que ce livre suscite bien des questions au croisement de l'histoire, de la sociologie des organisations ou des sciences juridiques…

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Ce court et brillant essai dont on parle beaucoup ces derniers mois s'ouvre sur le genre d'observation sémantique qui me ravit : alors que la plus grande partie du discours nazi nous paraît aujourd'hui (encore pour longtemps ?) monstrueusement étrangère, les productions conceptuelles et intellectuelles concernant l'organisation du travail et de l'administration résonnent dans nos oreilles contemporaines avec une familiarité inquiétante : surtout lorsqu'il est question du modèle de la « délégation de responsabilité » et du « management par objectifs » et plus généralement de la méfiance envers la réglementation et le pouvoir centralisé. La thèse du livre est que nos théories actuelles sur le management sont non seulement les héritières directes de la pensée et de la pratique nazies – peut-être davantage que du taylorisme si vitupéré, devrait-on ajouter – mais qu'elles se sont imposées en Occident à partir de l'après-guerre sans solution de continuité avec le IIIe Reich, par le truchement d'un certain nombre de personnalités dont la reconversion professionnelle en RFA s'est opéré avec la plus grande facilité, sans heurt ni reniements, et même grâce à un soutien trans-continental allant de pair avec une influence de même amplitude. Thèse hardie, excellemment démontrée.
Il faut d'abord se départir de l'idée que l'administration nazie ait opéré conformément à la tradition prussienne, comme un rouage de parfaite transmission (juridique) d'ordres provenant de la hiérarchie : les nazis se sont trouvés très vite dans l'obligation d'administrer un territoire immense avec les contraintes de l'économie de guerre, dans l'urgence concernant l'allocation des ressources (nourriture, énergie, matières premières pour l'industrie) et avec le minimum d'hommes (la majorité étant combattants) ; et par ailleurs dans une structure administrative massivement purgée des opposants politiques et « raciaux » (Chap. I : « Penser l'administration du Grand Reich »).
Mais idéologiquement aussi, le nazisme se caractérisait par son antipathie pour le droit (une invention judaïque), et pour l'État (une création de l'Empire romain déclinant), l'essence originaire des Germains se fondant au contraire sur la « liberté germanique », sur la « communauté » d'un peuple homogène racialement et dans sa volonté profonde (fût-elle inconsciente), une fois celui-ci « assaini » de ses éléments décadents et aliènes. Concrètement, le pouvoir nazi était une « polycratie » de personnalités fortement rivales entre elles et dans leurs tentatives d'anticiper, par la radicalité, les désirs du « Führer », à travers une pléthore d'« agences » ad hoc dotées de « missions » et d'« objectifs » spécifiques (Chap. II : « Faut-il en finir avec l'État ? »).
Évidemment, le concept de « liberté germanique » est une fiction perverse : fiction dans la mesure où elle présuppose cette « homogénéité » sociale et la communauté d'aspirations à l'intérieur de la Volksgemeinshaft (on notera la double polysémie de Volk – peuple ou bien race – et de Gemeinshaft – communauté humaine ou bien d'opinions) en gommant les antagonismes de classe ; perverse car, la verticalité du pouvoir étant conservée et même exacerbée, se précise le sens du titre : la liberté se réduit à l'état d'être « libres d'obéir » (Chap. III : « La "Liberté germanique").
L'on aperçoit que ces principes posent une analogie entre le gouvernement de société et l'organisation du travail : les objectifs étant établis au sommet de la pyramide du pouvoir, il ne reste aux échelons intermédiaires, aux cadres, que la « liberté » de trouver le moyen de les réaliser de façon autonome et sous leur responsabilité, contrairement à la vision individualiste du libéralisme et au « despotisme oriental » du bolchevisme ; par ailleurs l'eugénisme permet aux nazis de se débarrasser des « êtres non performants », « asociaux » et autres « entités indignes de vivre » : « le triptyque procréer-combattre-régner résume la mission historique et la vocation biologique du Germain » (p. 67) (Chap. IV : « Manager et ménager la "ressource humaine").
Nous sommes à la moitié du livre : il est temps de passer à la postérité du nazisme, et l'auteur choisit le parcours le plus emblématique, celui de Reinhard Höhn, docteur en droit, ayant gravi rapidement tous les échelons du cursus honorum de la SS jusqu'au grade de Oberführer (Général), passant sans encombre ni changement d'identité l'après-guerre, avec juste une « parenthèse naturopathe » de quelques années, puis profitant pleinement du réseau de ses « alte Kameraden » pour être propulsé d'abord dans un « think tank » industriel qui réfléchit aux méthodes de gestion des ressources humaines les plus modernes, enfin à la fondation d'une Akademie für Führungskräfte, grande école de management, l'équivalent de notre INSEAD (inagurée un an plus tard), sur le modèle de la Harvard Business School avec laquelle elle entretiendra toujours des rapports de dialogue (Chap. V : « De la SS au management : L'Akademie für Führungskräfte de Reinhard Höhn »).
Notre protagoniste Höhn a une passion : l'histoire militaire. Avec une étude de 1952 sur Scharnhorst, réformateur de l'armée prussienne après la défaite d'Iéna par Napoléon, il esquisse par analogie explicite son théorème sur les réformes nécessaires à son pays dans l'immédiat, avec cette optique pluridisciplinaire qui peut s'appliquer également à l'armée qu'à l'administration qu'à l'entreprise : une tactique du « cas particulier », « par mission » : Auftragstaktik, de « l'action plutôt que de la réflexion », une « stratégie de l'élasticité » (lire : flexibilité!) (Chap. VI : « L'art de la guerre (économique) »).
Le chapitre suivant démontre comment cet enseignement est particulièrement bien reçu en RFA des années du miracle économique, et comment des centaines de milliers de cadres sont envoyés se former à son école (Chap. VII : La méthode de Bad Harzburg : la liberté d'obéir, l'obligation de réussir »).
La biographie de Höhn se termine tout de même par un relatif déclin à la fin des années 70, alors qu'il a confortablement atteint l'âge de la retraite, mais qu'il montre une énergie inépuisable dans sa production scientifique. Son passé nazi commence à être inconfortable (le chancelier Willy Brandt était quand même un ancien résistant...), mais peut-être aussi parce que des nouveautés sur le plan des méthodes managériales, plus américaines, mais qui ne contredisent en rien les principes du modèle de la « délégation de responsabilité » ni le « management par objectifs » semblent plus aptes à surmonter les crises pétrolières et la fin du boom économique : pourtant les grandes entreprises allemandes (comme Aldi) semblent avoir parfaitement intégré ses enseignements, voire en avoir retenu le côté le plus radical et pervers : les contrôles et les délais (Chap. VIII : « Le crépuscule d'un dieu »).
L'Épilogue s'ouvre sur une analogie entre la carrière de Höhn et celle de « notre » Maurice Papon ; ensuite le rôle « dogmatique » du management est analysé dans notre société actuelle, sous le prisme de la « modernité réactionnaire » que nous vivons actuellement – et non seulement l'Allemagne de la reconstruction - ; enfin la problématique classique en philosophie politique qu'est celle de la liberté est évoquée à l'époque des « mastodontes organisationnels » mais aussi des remises en cause radicales du modèle économique productiviste qui sont les nôtres.


Cit. :

1. « Outre cette réjouissante perspective, celle du changement d'état, de la promotion, de l'avancement social, outre une politique fiscale et sociale avantageuse, il faut également administrer aux travailleurs allemands un baume qui adoucit l'effort, qui leur procure du plaisir, voire de la "joie", à travailler. le modèle, ici, est italien et, plus précisément, fasciste. C'est à l'exemple du "Dopolavoro" péninsulaire qu'est créée la "Force par la joie", l'organisation Kraft durch Freude, que l'on peut définir comme un immense comité d'entreprise à l'échelle du Reich tout entier. » (pp. 72-73)

2. « Les réflexions sur l'organisation du travail, sur l'optimisation des facteurs de production, sur la société productive la plus efficiente ont été nombreuses et intenses sous le IIIe Reich, non seulement parce qu'elles répondaient à des questions urgentes, sinon vitales, mais aussi parce que se trouvait en Allemagne une élite de jeunes universitaires qui alliaient volontiers savoir et action, réflexion savante et technocratie, et qui ont trouvé, pour quelques dizaines d'entre eux, un lieu naturel dans le service de renseignement (SD) de la SS, les autres se répartissant dans la myriade d'institutions et d'agences créées ad hoc sous le gouvernement nazi, quand ils ne profitaient pas tout simplement de la bonne aubaine offerte par la purge politique et raciale de l'Université, qui, en licenciant le tiers des effectifs de professeurs, d'assistants et de chercheurs, a libéré des milliers de postes dès le 7 avril 1933. » (p. 77)

3. « [La culture politique] de la RFA a accueilli avec faveur le management de Bad Harzburg, qui était parfaitement compatible avec elle : l'ordo-libéralisme se voulait une liberté encadrée, l'économie sociale de marché visait à l'intégration des masses par la participation et la cogestion, pour éviter la lutte des classes et le glissement vers le "bolchevisme". Höhn n'a jamais abandonné son cadre conceptuel de référence, à la fois principe et idéal – celui de la communauté, fermée de préférence. C'est, de fait, une communauté de carrières, d'intuitions et de culture qui, après 1949, a "reconstruit" les fondements de la production économique, de l'État et de l'armée. Les cadres d'après-guerre avaient tous fourbi leurs premières armes sous le IIIe Reich, et nombre d'entre eux étaient issus du SD de la SS. La transition personnelle – celle des carrières – et conceptuelle – celle des idées – ne fut généralement pas si malaisée : la "liberté germanique" devenait la liberté tout court, "l'effort d'armement" se muait en reconstruction et l'ennemi "judéo-bolchevique" n'était plus que benoîtement soviétique. Reinhard Höhn aura été, avant comme après 1945, l'homme de son temps. » (pp. 123-124)

4. « Être rentable / performant / productif (leistungsfähig) et s'affirmer (sich durchsetzen) dans un univers concurrentiel (Wettbewerb) pour triompher (siegen) dans le combat pour la vie (Lebenskampf) : ces vocables typiques de la pensée nazie furent les siens après 1945, comme ils sont trop souvent les nôtres aujourd'hui. Les nazis ne les ont pas inventés – ils sont hérités du darwinisme social militaire, économique et eugéniste de l'Occident des années 1850-1930 – mais ils les ont incarnés et illustrés d'une manière qui devrait nous conduire à réfléchir sur ce que nous sommes, pensons et faisons. » (p. 135)
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Il y a quelques mois, j'ai suivi une formation. Théoriquement, c'était une formation professionnelle mais elle s'est révélée bien plus que ça, une semaine de réflexion sur et pour moi.

Dans la bibliographie de cette formation se trouvait ‘Libres d'obéir'. Théoriquement, c'était un livre sur la filiation entre le nazisme et le management moderne. Pas courant, me direz-vous ?

Le livre s'est révélé encore plus que ça : une brillante étude historique de la ‘Menschenführung' vue par les nazis, couplée à une mise en cause implicite du monde économique moderne.

Le titre ‘Libres d'obéir' est tout à fait révélateur du propos : si l'Allemagne nazie a bafoué la liberté de nombreux individus (ainsi que leur vie) et mis toute la doctrine entre les mains du ‘Führer', elle prônait pourtant, pour la réalisation de la doctrine, l'autonomie de moyens à tous les échelons.

Ainsi, les individus n'avaient pas leur mot à dire sur la politique, l'antisémitisme ou la guerre. En ce sens, ils devaient ‘obéir'.
Mais, une fois l'objectif fixé, ils disposaient d'un grand champ d'actions sur les moyens de le réaliser. D'où la liberté (illusoire).

La description du système d'organisation imaginé par les théoriciens nazis est très intéressante, aux antipodes de ce que j'imaginais. La présence de ces théoriciens nazis dans les instances économiques et éducatives de l'Allemagne des Années 1950 à 1990 est glaçante.

Le parallèle avec le management moderne l'est également. Si les finalités n'y sont évidemment pas les mêmes que celles du Reich, les salariés et managers y sont pour autant tout aussi 'libres d'obéir'.

En effet, les objectifs stratégiques leur viennent toujours d'en haut et ne font pas l'objet de discussions. Ils ont en revanche la (pseudo-) liberté que leur confèrent l'agilité, la délégation de moyens ou le management par objectifs.

En un sens, le management nazi était beaucoup plus libre que je l'imaginais… et le management moderne beaucoup moins ! C'est donc un livre passionnant qui m'a appris des choses et fait réfléchir à des concepts.
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AVERTISSEMENT : Macroniste s'abstenir !

Je suis en colère.
Cette colère est devenue rage. Et cette rage a commencé maintenant à s'attaquer à mon corps, à mes organes, à mon foie, mes poumons.
Et cette colère, puis cette rage trouve sa source dans le monde demi-divin (semi-jupitérien) macroniste, de ce monde LREM qui détruit tout ce qui reste de manifestation de Fraternité (ou Soro-Fraternité comme j'aimerais pouvoir l'écrire) de notre pays, le mot Liberté à perdu son sens et égalité deviens une sombre équité, ce « mérite » cher à Buchenwald. Et ces être humains élus sous l'étiquette LREM se revendique du management moderne
Et…
Et j'ai lu cet essaie. Et il m'a éclairé sur la source de ma rage. Comment des personnes humaines peuvent-être s'enténébrer ainsi ? Comment peuvent-elles ne pas voir l'appel au néant qu'elles émettent ? LREM est l'étiquette de « Manager le pays comme on Manage une multinationale capitaliste » (Manger le pays comme on mange les personnes humaines d'une industrie capitaliste).
Et j'ai compris pourquoi certain présentateurs radio ont voulu discréditer le travail de monsieur Chapoutot. Par aveuglement, pas l'aveuglement de l'obscurité créative des insomniaques, non, celle des ténèbres destructrice né de la peur de l'à venir. Chapoutot nous dit d'où tous cela vient. Il nous expose la genèse du management totalitaire ultra-libérale. le Nazisme est un totalitarisme comme le fut le stalinisme comme l'est l'ultra-libéralisme.
Maintenant, je peux regarder ma rage en face, puis ma colère, je pourrais regarder son cheminement et son effet et je sais qu'une fois qu'elle sera passé, je pourrais me retrouver et alors je serais libre à nouveau de désobéir en conscience et en amour. Ce cour essai fut pour moi une belle thérapie.

Macroniste s'abstenir au risque d'être déstabilisé !

Lien : https://tsuvadra.blog/2020/0..
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L'expansion rapide du territoire du IIIe Reich a posé un problème à l'administration nazie (bon, en vrai, ça a surtout posé des problèmes aux populations locales, mais laissons cet aspect de côté dans cette critique) : en effet, le nombre de fonctionnaires et de cadres n'augmente pas en proportion des conquêtes. Il faut donc faire toujours plus avec des ressources humaines qui ne changent pas.

L'auteur montre comment a émergé une pensée du management directement dérivée des idées nazies. Paradoxalement, elle ne se reposait pas sur une hiérarchie stricte, comme on pourrait s'y attendre dans un système autocratique, mais au contraire sur une décentralisation extrême. Tout d'abord en s'inspirant du mythe de la « liberté du Germain », en opposition à une application tatillonne et (surtout) judéo-romaine de la loi. Ensuite, en favorisant la compétition, censée sélectionner les meilleurs éléments : l'auteur montre qu'il n'était pas rare que plusieurs agences aient des missions similaires, celle apportant la meilleure solution étant automatiquement justifiée dans toutes ses actions. Enfin, en abolissant le conflit de classe patron-travailleur : chacun doit être convaincu du bien-fondé de sa mission et doit faire le maximum pour servir le système. À ce titre, il doit prendre en charge lui-même la santé physique et mentale de ses travailleurs, afin de s'assurer qu'ils soient correctement reposés et prêts à donner toute leur énergie.

On se retrouve au final avec un système dans lequel toute la pression retombe sur les éléments à la base : leurs objectifs sont fixés, sans la possibilité de les modifier ou de les déclarer irréalisables, mais ils sont « libres » de choisir la meilleure manière de les atteindre. Un objectif non-atteint sera donc toujours de leur faute, jamais de celle du supérieur : il fallait être plus souple, plus efficace, plus malin.

Ce système a survécu au régime nazi : beaucoup de cadres se sont en effet recyclés dans le civil, dont des écoles de management, car, après tout, le régime était un modèle d'efficacité. C'est là où le propos du livre devient ambigu : l'auteur montre que le passé nazi de certains professeurs a été dévoilé, que leurs principes de management ont finalement été écartés, … et pourtant, on ressort du livre avec l'idée que toutes les entreprises, encore aujourd'hui, s'inspirent d'idées nazies pour gérer leur personnel ; idée qui m'est restée également après avoir entendu des interviews de l'auteur. J'aurais préféré que l'auteur approfondisse ce sujet, ou qu'il s'en tienne au cadre strictement historique, car il me semble trop grave que pour être abordé uniquement par quelques suggestions éparpillées dans plusieurs chapitres.
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critiques presse (3)
NonFiction
22 mars 2021
L'ouvrage de l’historien Johann Chapoutot, spécialiste de la pensée et de la culture nazies, met en perspective les contraintes de développement de l’organisation nazie avec la nécessité de développer une nouvelle forme de management des équipes
Lire la critique sur le site : NonFiction
LeFigaro
24 janvier 2020
L’historien du nazisme retrace dans un essai passionnant la deuxième vie de Reinhard Höhn, brillant juriste du IIIe Reich devenu après-guerre le fondateur de la principale école de commerce allemande.
Lire la critique sur le site : LeFigaro
Marianne_
24 janvier 2020
Un livre remarquable qui fait mal et nous montre combien notre relation au monde du travail est encore imprégnée de l’idéologie nazie.
Lire la critique sur le site : Marianne_
Citations et extraits (63) Voir plus Ajouter une citation
Des penseurs politiques, sensibles à cette évolution économique, ont répondu très tôt que le salut résidait dans le refus – refus de la hiérarchie, de l'autorité, refus de la contrainte et de la subordination – en somme l'anarchie, au sens le plus strict du terme (le refus du pouvoir de contrainte).
Leur réponse inaugurait une nouvelle société politique, sans sociétés économiques, sans, ou alors de taille très réduite. L'idéal, comme chez Rousseau déjà, se révélait être le travailleur indépendant – l'horloger ou le lapidaire jurassien, le producteur libre ou l'artiste, chantés par Proudhon, et chers à son compatriote Courbet, qui partageait ses idées.
Ces auteurs et ces idées n'ont cessé d'inspirer des pratiques alternatives, des coopératives égalitaires aux reconversions néorurales, en passant par les retrouvailles de cadres lassés par leur aliénation avec une activité artisanale enfin indépendante. Une Arcadie "an-archique", délivrée de la subordination et du management, qui n'est pas un paradis pour autant. La réalité du travail, de l'effort à fournir, d'une certaine anxiété face au résultat, demeure, mais sans l'aliénation. « Qu'il est doux de travailler pour soi », entend-on chez ceux qui sont heureux de réhabiliter une maison et d'en faire revivre le potager.
Solipsisme naïf et irresponsable ?
Peut-être pas, comme le montre le succès de l'économie sociale et solidaire - et le partage des légumes dudit potager : on peut travailler pour soi et être utile aux autres. On se situe ici aux antipodes des structures, des idéaux et du monde de Reinhard Höhn, auquel on peut préférer Hegel : le travail humain, c'est le travail non aliéné, qui permet a l'esprit de se réaliser et de se connaître par la production d'une chose (res) qui l'exprime et qui lui ressemble - pâtisserie ou bouture, livre ou objet manufacturé - et non cette activité qui réifie l'individu, le transforme en objet – « ressource humaine », « facteur travail », « masse salariale » voué au benchmarking, a l'entretien d'évaluation et à l'inévitable réunion Powerpoint.
Discipliner les femmes et les hommes en les considérant comme de simples facteurs de production et dévaster la Terre, conçue comme un simple objet, vont de pair. En poussant la destruction de la nature et l'exploitation de la « force vitale » jusqu'à des niveaux inédits, les nazis apparaissent comme l'image déformée et révélatrice d'une modernité devenue folle – servie par des illusions (la « victoire finale » ou la « reprise de la croissance ») et par des mensonges (« liberté », « autonomie ») dont des penseurs du management comme Reinhard Höhn ont été les habiles artisans.
Son destin personnel montre toutefois que ces idées n'ont qu'un temps et que leurs auteurs ont leur époque. Hõhn a pâti des révélations sur son passé et des critiques adressées à son modèle managérial - critiques internes, fourbies par d'autres modèles. Les temps peuvent également changer sous l'effet de circonstances plus générales et plus pressantes : notre regard sur nous-mêmes, sur autrui et sur le monde, pétri de « gestion », de « lutte » et de « management » par quelques décennies d'économie hautement productiviste et de divertissements bien orientés (de « l'industrie Walt Disney », du « maillon faible », aux jeux concurrentiels de télé-réalité) changera peut-être en raison du caractère parfaitement irréaliste de notre organisation économique et de nos « valeurs ».
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La conversion de l'ancien SS aux principes d'individualisme et d'autonomie n'était cependant qu'apparente : entre ce que Höhn prône et écrit dans les années 1933-1945 et ce qu’il enseigne à partir de 1956, il n'y a aucune solution de continuité, mais bien une impressionnante suite dans les idées.
Pendant les douze ans de la domination nazie en Allemagne, un régime hostile à la liberté a prétendu être, par la voix de ses juristes et théoriciens, la réalisation de la liberté « germanique ». Un de ses intellectuels est devenu, après 1945, le penseur d'un management non autoritaire - paradoxe apparent pour un ancien SS, mais apparent seulement, pour celui qui voulait rompre avec l'État absolutiste, voire avec l'État tout court, et faire advenir la liberté d'initiative de l'agent et des agences.
Cette liberté était cependant une injonction contradictoire : dans le management imaginé par Höhn, on est libre d'obéir, libre de réaliser les objectifs imposés par la Führung. La seule liberté résidait dans le choix des moyens, jamais dans celui des fins. Höhn est en effet tout sauf un libertaire ou un anarchiste : les milliers d'entreprises (2 440 de 1956 à 1969) qui lui envoient leurs cadres en sont pleinement conscientes.
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Notre propos n’est ni essentialiste, ni généalogique : il ne s’agit pas de dire que le management a des origines nazies – c’est faux, il lui préexiste de quelques décennies – ni qu’il est une activité criminelle par essence.
Nous proposons simplement une étude de cas, qui repose sur deux constats intéressants pour notre réflexion sur le monde dans lequel nous vivons et travaillons : de jeunes juristes, universitaires et hauts fonctionnaires du IIIe Reich ont beaucoup réfléchi aux questions managériales, car l’entreprise nazie faisait face à des besoins gigantesques en termes de mobilisation des ressources et d’organisation du travail. Ils ont élaboré, paradoxalement, une conception du travail non autoritaire, où l’employé et l’ouvrier consentent à leur sort et approuvent leur activité, dans un espace de liberté et d’autonomie a priori bien incompatible avec le caractère illibéral du IIIe Reich, une forme de travail « par la joie » (durch Freude) qui a prospéré après 1945 et qui nous est familier aujourd’hui, à l’heure où l’ « engagement », la « motivation » et l’ « implication » sont censés produire du « plaisir » de travailler et de la « bienveillance » de la structure.
Assuré de l’autonomie des moyens, sans pouvoir participer à la définition et à la fixation des objectifs, l’exécutant se trouvait d’autant plus responsable – et donc, en l’espèce, coupable – en cas d’échec de la mission.
Mais n’anticipons pas. Progressons pas à pas en voyant comment l’esprit vient aux juristes et aux administrateurs. La première question qui se pose et s’impose à eux est : comment administrer un Reich en expansion permanente, avec peu, voire moins, de moyens et de personnel ?
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Dans ses responsabilités et en raison de ses hautes fonctions, Herbert Backe s'est intéressé à l'organisation du travail, à la direction des hommes, à ce que nous appelons le "management". Il n'est pas le seul, loin de là. Certains nazis en ont même fait, comme nous le verrons, une carrière et une œuvre après la guerre. Il n'y a à cela rien d'étonnant. L'Allemagne était le lieu d'une économie complexe et développée, avec une industrie puissante et abondance, où les ingénieurs-conseils, comme en France, aux États-Unis, au Royaume-Uni et ailleurs en Europe, réfléchissaient à l'organisation optimale de la force de travail. Le management a une histoire qui commence bien avant le nazisme, mais cette histoire s'est poursuivie et la réflexion s'est enrichie durant les douze ans du IIIe Reich, moment managérial, mais aussi matrice de la théorie et de la pratique du management pour l'après-guerre.
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Le syndicat unique, organisation corporatiste, met ainsi fin à la lutte des classes et aux stériles oppositions entre patronat et employés ou ouvriers. Sa division chargée des loisirs, la KdF, a pour mission de rendre le lieu de travail beau et heureux, et de permettre la reconstitution de la force productive des ouvriers. C'est ainsi la KdF qui organise des concerts de musique classique dans les ateliers des usines, complaisamment couverts par les actualités cinématographiques du Reich lorsqu'une sommité du monde artistique comme Herbert von Karajan, est à la baguette. Un département de l'organisation KdF, l'Amt Schönheit der Arbeit (Beauté du travail), est chargé de la réflexion portant sur la décoration, l'ergonomie, la sécurité au travail et les loisirs sur le lieu de production. Étonnante modernité nazie : l'heure n'est pas encore aux baby-foot, aux cours de yoga ni aux chief happiness officers, mais le principe et l'esprit sont bien les mêmes. Le bien-être, sinon la joie, étant des facteurs de performance et des conditions d'une productivité optimale, il est indispensable d'y veiller.
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Vidéo de Johann Chapoutot
Table ronde, carte blanche aux Presses universitaires de Lyon Modération : Julien THÉRY, directeur scientifique des Presses universitaires de Lyon Avec Johann CHAPOUTOT, professeur à Sorbonne Université, Éric VUILLARD, écrivain, lauréat du Prix Goncourt 2017
À l'occasion de la réédition des écrits politico-théologiques majeurs de Thomas Müntzer (1490-1525) dans une magnifique traduction signée Joël Lefebvre, les Presses universitaires de Lyon invitent à découvrir ce penseur méconnu en France, alors qu'il fut l'un des principaux artisans de la Réforme protestante. Prédicateur de talent, partisan de Luther de la première heure, Müntzer prend toutefois rapidement ses distances et assume des positions bien plus radicales : il prône la fin de l'oppression culturelle entretenue par les doctes et les clercs, la fin de l'oppression politique instituée par les princes, la fin de l'exploitation économique dont profitent les seigneurs. Il rejoint bientôt un mouvement de révolte, qui donnera naissance à la “guerre des Paysans”, et devient l'un des chefs de la rébellion, appelant à une révolution à la fois spirituelle et matérielle. Rapidement capturé, il est torturé puis exécuté. À travers la traduction de sept textes fondateurs et d'une vingtaine de lettres, Joël Lefebvre met en lumière l'intérêt à la fois philosophique, historique et linguistique de l'oeuvre de Thomas Müntzer. Les préfaciers de cet ouvrage, l'historien spécialiste de l'Allemagne Johann Chapoutot et l'écrivain Éric Vuillard, auteur d'un livre récent inspiré par l'action de Müntzer, évoqueront la portée de ses écrits dans une discussion animée par Julien Théry, directeur scientifique des Presses universitaires de Lyon et historien des relations entre religion et politique.
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