-- Ils font peur et ils ont toujours fait peur, mes yeux d'eau. C'est de l'eau, deux gouttes d'eau qu'on dirait prises dans la rivière, n'est-ce pas ? Ma mère avait les mêmes yeux d'eau, et quand elle mourut, dès que le cœur cessa de battre, ses yeux se fondirent comme deux morceaux de glace et lui coulèrent le long des joues. J'ai vu ça, j'étais toute petite et j'y pense tous les jours, tous les matins quand je me coiffe. Mes yeux s'en iront comme ceux de ma mère, et parfois j'ai peur qu'ils ne s'en aillent, moi vivante, et ne s'en retournent à la rivière couler sous les joncs et sur les pierres. Je n'ai jamais pleuré. S'ils pleuraient, ils s'en iraient, mes pauvres yeux. (...)
Les yeux d'eau
Nerveuse et pauvre, Imaginative et famélique, Douceline fut précocement caresseuse el embrasseuse, amusée de passer ses mains le long de la joue des garçonnets et dans le cou des fillettes qui se laissaient faire comme des chattes. Elle se mettait, à propos de rien, à baiser les mains tricotantes de sa mère, et quand on la reléguait en pénitence sur une chaise, elle jouait à faire claquer ses lèvres sur ses paumes, sur ses bras, sur ses genoux, qu'elle dressait nus l'un après l'autre ; alors elle se regardait.
Il prit des regards, tous les regards, les doux, les impérieux, les dociles, les étonnés, les compatissants, les envieux, les fins, les fiers, les dévorants, les foudroyants et beaucoup d'autres, parmi lesquels le chapelet, compté grain à grain, des regards fascinateurs. Mais le plus beau regard que prit Don Juan, rubis entre les coraux, saphir entre les turquoises, ce fut le regard de bête traquée que lui légua, mourante d'amour et de désespoir, une fille qu'il avait violée. Ce regard était si touchant que nul n'y résistait, pas même la plus farouche, et que les vœux éternels fondaient à sa lueur comme un péché sous un rayon de grâce.
Douceline lut la Vie des Saints, emmagasinant des noms étranges qui lui revenaient aux oreilles, quand elle somnolait, tels que des sons de cloches : un nom entre tous, sonnait, plus bruyant que les trois cloches des grands dimanches, sonnait et quatrissonnait dans sa cervelle : Pé-hor-Pé-hor-Pé-hor-Pé-hor.
Le livre est disponibles sur editions-harmattan.fr : https://www.editions-harmattan.fr/livre-les_ecrivains_decadents_et_l_anarchisme_une_tentation_fin_de_siecle_alexandre_lecroart-9782336410142-78065.html
___________________________________________________________________________
La fin du XIXe siècle est marquée par une série d'attentats anarchistes. Ces actes récoltent le soutien d'écrivains d'avant-garde comme Paul Adam, Octave Mirbeau et Rémy de Gourmont. Ces affinités avec l'anarchisme étonnent, venant d'écrivains résignés et élitistes qui rejettent la politique au profit de la littérature. Cet ouvrage examine l'influence qu'a exercée l'imaginaire de la décadence sur ces écrivains. Véritable mythe de la fin du siècle, la décadence donne naissance à une esthétique littéraire : le décadentisme. Mais elle agit également sur les anarchistes, qui y voient l'occasion de faire émerger une société nouvelle. Cette analyse jette ainsi un regard nouveau sur les liens entre politique et littérature. La bombe et le livre se superposent, l'utopie anarchiste et l'imaginaire décadent se télescopent. Ce cocktail détonnant laisse entrevoir une intense période de création littéraire et d'ébullition politique. Il questionne les représentations du progrès et de l'histoire, et signale l'émergence de l'artiste d'avant-garde, révolutionnaire en art et en politique.
Retrouvez nous sur : https://www.editions-harmattan.fr/index.asp
Les librairies L'Harmattan près de chez vous : https://www.editions-harmattan.fr/index.asp
Faire éditer votre livre : https://www.editions-harmattan.fr/envoi_manuscrits
Facebook : https://www.facebook.com/Editions.Harmattan/
Twitter : https://twitter.com/HarmattanParis/
Instagram : https://www.instagram.com/editions.harmattan/
Bonnes lectures !
Crédit : Rudy Matile, la prise de son, d'image et montage vidéo
+ Lire la suite