Suite de la "Lettre au camarade Vasquez " :
( 2 ) Mes articles avaient pour titre : " La question féminine dans nos milieux " . cela ne veut pas dire : la question féminine en termes généraux , ni dans le domaine psychologique , mais en termes anarchistes .
Hors de notre milieu , camarade Vasquez , il est très compréhensible , très excusable et même très humain que , comme le bourgeois défend sa position et son privilège de commandement , l'homme désire conserver son hégémonie et se sente satisfait d'avoir une esclave .
Mais moi , je ne parlais pas pour tous les hommes , je parlais pour les anarchistes exclusivement , pour l'homme conscient , pour celui qui , ennemi de toute les tyrannies , se doit , s'il est conséquent , d'extirper de lui , dès qu'il la voit poindre , toute trace de despotisme .
C'est pour cela que l'anarchiste ( j'ai dit l'anarchiste , remarque bien ) qui demande à la femme sa collaboration pour la subversion sociale doit commencer par reconnaître en elle son égale avec toutes les prérogatives de l'individualité .
Le contraire serait très " humain " , mais pas anarchiste . Ce qui est anarchiste , je le répète , c'est de laisser la femme agir en usant de sa liberté , sans tutelle ni coercition .
Et maintenant , camarade Vasquez , comment t'est-il venu à l'esprit de comparer la situation de la femme par rapport à l'homme avec celle du salarié par rapport au patron ?
Tu oublies que les intérêts du patron et ceux de l'ouvrier sont opposés , incompatibles , alors que ceux de l'homme et de la femme ( qui sont les intérêts de l'humanité ) , de l'espèce , sont complémentaires , ou plutôt ne font qu'un . Des intérêts de sexe , incompatibles en tous points avec la conception anarchiste de la vie , peuvent seulement exister dans l'absurde système actuel .
Tu conçois , toi , un bourgeois en train de dire qu'il faut émanciper les travailleurs ? Donc , si tu trouves logique que , comme un bourgeois avec le salarié , l'anarchiste en tant que mâle garde la femme enchaînée , il est absurde de l'entendre crier : " Il faut émanciper la femme ; " Et s'il le criait , ne crierait -t-il pas à la femme : " Commence toi-même à t'émanciper ? "
La lutte des sexes ne convient pas aux prolétaires , il faut établir l'interpénétration des intérêts entre les hommes et les femmes . Et cela non pas par caprice mais cela parce que le monde ne trouvera son équilibre que lorsqu'il sera organisé et régi par eux deux .
Suite dans la citation suivante .......
Cette " Lettre au Camarade Vasquez " intitulée " La question féminine dans nos milieux " ne figure pas dans ce livre mais elle mérite d'être lue :
( 1 ) En commençant ma série d'articles sur la condition féminine , ce n'était pas le désir de remplir en vain quelques colonnes de notre journal qui me guidait mais celui de donner forme à une aspiration longuement murie .
Peut-être vais-je entreprendre une tâche supérieure à mes forces , peut-être que les difficultés de ma vie m'empêcheront d'atteindre mon objectif , qu'à cela ne tienne . Il ne manquera pas de gens , plus instruits , qui prendront sur eux l'obligation de poursuivre le travail commencé .
Je me suis proposée d'ouvrir , pour la femme , les perspectives de notre révolution , en lui offrant des matériaux pour qu'elle se forme elle-même une mentalité libre , capable de distinguer le vrai du faux , le politique du social . Je crois qu'avant de l'organiser dans les syndicats ( sans que je dédaigne cela ) il est urgent de la mettre en condition de comprendre la nécessité de cette organisation .
Je sais , la tâche est longue et difficile et je devine qu'un camarade ( si toutefois les camarades me lisent ) de ceux qui voient la révolution au coin de la rue , sourira avec suffisance et me dira qu'il est trop tard pour emprunter cette voie . Moi aussi , je me dois de sourire et de lui rappeler que pour avoir tous les jours la révolution à portée de main , sans jamais l'atteindre , j'ai vu l'éducation de nos jeunes laissée de coté et pour beaucoup d'entre eux croire que pour s'appeler anarchiste il suffit de savoir charger un pistolet . Il est bien de croire à la révolution tous les jours , il est mieux encore d'aller à sa recherche en la forgeant minute après minute dans les intelligences et dans les cœurs .
Je ne sais pas jusqu'à quel point mes propos peuvent intéresser les camarades . j'en soupçonne beaucoup d'avoir tourné le dos en pensant qu'il y a des problèmes plus importants à résoudre pour ne pas gaspiller son temps et son attention à des " choses de femmes " . Néanmoins , moi qui connaît toute l'importance de la question , je ne faiblirai pas , et , avant d'envisager d'autres aspects , je veux , une fois de plus , en résumant mes propos antérieurs , mettre en évidence les conclusions contenues dans ceux dont j'ai pu supposer qu'ils n'ont pas été compris ....... Suite dans la citation suivante .
FAIRE ACCEPTER L'EGALITE DES SEXES AU SEIN DU MOUVEMENT ANARCHISTE ET ANARCHO-SYNDICALISTE :
Lucia veut que les femmes soient en mesure de " contribuer à la construction de la société future " . Elle est donc ( comme nous l'avons déjà vu ) l'une des premières à dénoncer le machisme de certains militants anarchistes qui souhaitent reléguer les femmes à un rôle secondaire dans le processus de transformation sociale ( celui de soutenir leur mari ) .En 1935 , elle écrit à l'intention de Mariano Vasquez : " C'est pour cela que l'anarchiste , j'ai dit l'anarchiste , remarque bien , qui demande à la femme sa collaboration pour la subversion sociale doit commencer par reconnaître en elle son égale avec toutes les prérogatives de l'individualité " ( Slidaridad Obrera du 8 novembre 1935)
Dans nombre de ses textes poétiques ( Lucia Sanchez Saornil ) aborde régulièrement un thème alors presque jamais exploré par les poètes espagnols : l'homosexualité . Elle même lesbienne , Lucia écrit ( sous le pseudonyme de Luciano San Saor ) un certain nombre de poèmes érotiques dans lesquels elle fait l'apologie de l'amour lesbien . Engagement pour le moins original et osé dans une Espagne alors très homophobe .
Pour Lucia , l'émancipation féminine doit commencer par un combat pour le libre accès à l'éducation et à la culture , deux éléments essentiels pour permettre à la femme de prendre conscience de son exploitation et de son oppression . Ce n'est qu'une fois instruite que la femme aura les outils nécessaires pour s'affirmer et se placer sur un pied d'égalité avec l'homme .