Ils enjambèrent des corps inertes. Jacques repérait des signes familiers. Veines boursouflées et dures ; membres bleuis d’hématomes ; visages crevés d’os. Il remarquait aussi des mains sans doigts, des pieds sans orteils. Un classique dans les prisons : leshéroïnomanes, enfoncés dans leur trip, perdaient toute sensibilité. Pendant qu’ils planaient, les rats venaient leur dévorer les extrémités. Ils se réveillaient plus tard, rongés comme des jambons à l’os.
Il commanda un second café. Il lui vint à l’esprit une restriction. Cette hypothèse rappelait le roman de Thomas Harris, Le Silence des agneaux, où le tueur plaçait des chrysalides dans la gorge de ses victimes. Or, Marc en était certain, Reverdi ne subissait aucune influence. Jamais il ne se serait inspiré des crimes d’un autre. Et surtout pas issus d’un roman. D’une fiction qui, à ses yeux, avait valeur de chimère. Alors quoi ?
Si tu veux comprendre mon histoire, Élisabeth, il n’y a qu’une seule voie à suivre : la mienne. Au sens littéral du terme. Il existe, quelque part en Asie du Sud-Est, entre le tropique du Cancer et la ligne de l’Équateur, une autre ligne. Une ligne noire. Jalonnée de corps et d’effroi.
"Des centaines de touristes (...) grouillaient, comme des cafards, proliférant, saccageant la beauté qu'ils prétendaient admirer".
"La prison n'est pas fondée sur un système d'entraide ou de solidarité. C'est un monde où les intérêts personnels cohabitent, sans se mêler. A l'occasion, ils peuvent s'accorder sur un objectif commun, mais la règle est de ne jamais sortir de son propre cercle d'existence. Une logique de rats, où l'intelligence ne s'applique qu'à sa survie immédiate."
"Il écoutait l'océan, dans une relation d'intimité complète. Une autre idée reçue : le silence de la mer. A cette profondeur, la masse sans limite des fonds compressait, cristallisait chaque son, au point de le transformer en un objet matériel, translucide, aux arêtes de verre."
"Seule une blessure qu’on cache affaiblit."
Là où il y a de l'eau, je suis invincible.