Le propre de la civilisation chinoise est donc d’être une des grandes civilisations originales de l’humanité, civilisation ayant largement fait la loi autour d’elle, pour civiliser et humaniser une importante partie de l’Asie. Mais si la mission historique de la Chine s’était bornée à cette tâche — à la vérité, capitale — , elle n’en aurait pas moins été malgré tout réduite à un isolement longtemps total, à un rôle en quelque sorte « précolombien ». L’intérêt majeur de l’histoire chinoise est qu’après avoir eu le temps, durant près de vingt siècles, d’élaborer en vase clos cette culture p.III entièrement originale, la Chine soit entrée et depuis soit restée presque continûment en contact avec quelques-unes des plus hautes civilisations du monde extérieur.
Bien que confucéisme et taoïsme se rattachent l’un et l’autre à des conceptions sans doute originellement assez semblables (d’immémoriales recettes de sorciers et de devins), il est impossible d’imaginer divergence plus totale. Résignons-nous à ces contradictions dont, en dépit des théoriciens, l’histoire est toute semée : la société confucianiste, parachevée dans le mandarinat classique, nous a donné le plus typique exemple à la fois de positivisme intellectuel et de traditionalisme social. Et les Pères taoïstes dans l’antiquité, les poètes t’ang ou les peintres song au moyen âge nous ont valu les messages les plus désintéressés d’affranchissement spirituel et de communion cosmique...
Un des facteurs qui périodiquement ont permis le rassemblement des terres chinoises est à coup sûr l’unité de l’écriture, des « caractères », d’abord, là comme ailleurs, purement pictographiques, puis idéographiques, finalement uniformisés dès le règne du premier empereur, Ts’in Che Houang -ti, à la fin du IIIe siècle avant Jésus-Christ.
L’art de Ngan-yang est d’une grande importance. La céramique peinte de
l’époque néolithique a disparu. Elle est remplacée par une belle céramique blanche dont le décor, aux nervures en légère saillie (masques de t’ao-t’ié et motifs géométriques), est identique à celui des bronzes de même époque. On peut, par exemple, comparer à cet égard les motifs en losange d’un vase ting du musée Guimet et le décor analogue d’un fragment de céramique blanche du musée Cernuschi ; et surtout, à la Freer Gallery de Washington, tel admirable grand vase en céramique blanche, intact et complet, et tel bronze également chang, l’un et l’autre décorés des mêmes thèmes.
Bien que déjà parvenue à une étonnante maîtrise dans l’art du bronze, la civilisation des Chang, telle que la révèlent les fouilles de Ngan-yang, n’avait pas entièrement renoncé à l’outillage néolithique. On trouve à Ngan-yang des couteaux, des haches, même des fragments de vases en pierre polie, aussi des vases de marbre. Il y a lieu de rattacher à cette industrie le travail du jade, matière noble qui sera toujours, chez les Chinois, l’objet d’une prédilection particulière, par la « vertu » qui s’en dégage.