Ces peintures montrent Raphaël dans sa plus grande force, et permettent de suivre les nuances délicates de cet incomparable talent. Le dessin, timide encore et froid, quelquefois même servile et sec, dans certaines parties des fresques de la Signature, conserve ici la même netteté, la même précision, la même pureté, avec plus de grâce encore et surtout plus de hardiesse et de fierté; il n'est plus naïf, mais il reste toujours simple. Il n'y a plus le même fini dans les figures, la même recherche dans les détails, mais aussi plus rien d'inutile, et le nécessaire seul est rendu.
L'école d'Athènes et le Parnasse montreront toutes les sagesses et toutes les gloires poétiques de l'humanité adoptées par le christianisme et réconciliées en son nom. Ces fresques nous indiqueront les tendances littéraires de cette époque. Elles nous offriront en outre des rapports constants avec les marbres antiques que nous comparerons aux figures évoquées par Raphaël, en cherchant quel enseignement il a puisé dans la tradition, et dans quelle mesure son génie a suppléé aux documents qui lui- manquaient. Tout ce qu'il y eut de grand au monde a laissé à Rome des traces profondes, et l'on peut suivre le travail de l'humanité à travers les monuments et les ruines de cette sainte cité. La renaissance s'y montre avec plus d'éclat que partout ailleurs, parce qu'on voit à côté l'antiquité qui l'a inspirée.
Dans les fresques du Vatican, Raphaël a résumé les conquêtes de la renaissance, en même temps qu'il a exalté le triomphé de l'Eglise et l'indépendance de l'Italie; il a touché d'une main également sûre les sommets opposés de la religion et de la science, de l'histoire et de la poésie; après s'être élevé jusqu'aux abstractions les plus sublimes, il a montré les choses humaines sous un jour qui les grandit sans les défigurer; et il a mis au service des idées les plus généreuses le génie le plus fécond et le talent le plus complet que le monde ait connus.
Il vient un moment dans l'histoire des peuples, où la Providence fait surgir une personnalité puissante, qui représente et résume pour l'avenir le travail de tout un siècle. Pour la renaissance, Raphaël fut cet homme ; ses fresques au Vatican sont le témoignage le plus éclatant de cette grande époque, elles en sont le commentaire le plus évident et le plus magnifique. — Décrire et apprécier, au double point de vue de l'art et de l'histoire, les peintures des stanze, tel est le but que je me suis proposé.