Nous allions souvent au cinéma, lui et moi. Et s'il fallait choisir entre un film de guerre et un autre, Lou choisissait toujours le film de guerre. Moi, je ne me voyais pas nécessairement dans la peau des personnages.
"-Lou, pourquoi encore un film de guerre?
- Parce que je me demande comment MOI je vais réagir dans ces situations."
Il était très brave, mais je ne sais pas, il avait peur de mal réagir dans ces situations.
Quand on rentrait des marches, en principe, on avait quartier libre. Tous les soldats se couchaient, épuisés, et nous on disait :
"Bon, ben on va à la patinoire."
Et on le faisait. ça engageait tout le monde.
Il était complètement différent de moi. Moi, j'étais un enfant assez timide, j'avais pas froid aux yeux mais j'étais timide, pas du tout sportif, à part pour la natation et grimper aux arbres. Lou, au contraire, c'était le genre membre d'équipes de basket, de foot et de tout ce qu'on veut... On ne sait jamais pourquoi on sympathise avec quelqu'un, mais vraiment on a beaucoup, beaucoup sympathisé. Tant et si bien qu'il y avait des gens qui croyaient qu'on était un peu spéciaux et, lui qui était très bagarreur, il a brisé quelques nez à cause de ça. Haha!
Je me suis rendu compte que ce que je voulais, c'était l'Europe. Je n'aimais plus l'Amérique. Je n'aimais plus de la vie de l'Amérique. J'aimais le pays, la terre, les gens, mais je n'aimais plus la mentalité. Elle a beaucoup de bon, pourtant, la mentalité américaine, mais il lui manque le fond de l'existence. Et c'est pour ça que, sous certains aspects, l'Amérique va si mal. La plupart des Américains vivent sur la surface de l'existence, moi, je voulais vivre sur le fond.
Je ne sais pas si ça vous dit quelque chose, mais c'est ce que je pensais sincèrement.
Le séminaire valait le coup, il faisait réfléchir. Les discussions étaient bonnes. Je me souviens de l’une d’elles, sur le thème : « à l’idée que la fin justifie les moyens il faut substituer, les moyens déterminent la fin »
(Emmanuel Guibert décrivant sa relation avec Alan Cope)
Il racontait sa vie. La Californie de son enfance et de son adolescence. En Europe pendant la guerre. Partout où il était passé, ou il avait vécu. A certaines heures j’aurais été attablé face à Henry Miller que je n’aurais pas été plus remué. C’était vraiment un écrivain qui parlait.
A dix-huit ans, je ne savais conduire qu'une bicyclette. Et donc, le premier véhicule à moteur que j'ai appris à conduire de ma vie était un char.
On pourrait appeler mon récit : "La guerre ? C'est ainsi."
Mais vous ferez comme vous voudrez.