L'unité de sens de la pensée européenne au XVIIIe siècle demeure une question contestée, en dépit de nombreuses études, d'ensemble ou de détail, qui lui ont été consacrées. Les seules Studies on Voltaire and the eighteenth century, dirigées par Besterman, et dont la publication fut entreprise après la Seconde Guerre mondiale, comptent à ce jour soixante-dix volumes. La richesse et la variété de l'information constituent une difficulté supplémentaire ; le siècle des Lumières, mieux connu, n'en demeure pas moins mal connu.
Or, comme le disait Lucien Febvre, « l'histoire des mots modernes, même si l'on se restreint à, une seule langue (et comment s'y résoudre ? car quoi de plus voyageur, quoi de plus sensible aux influences qu'un mot ?), l'histoire des mots même les plus gorgés de valeur historique et humaine, est proprement impossible à connaître et à reconstituer, sinon au prix d'efforts disproportionnés avec le résultat » . Febvre donnait en exemple la langue de l'économie, langue récente pourtant, dont certains termes essentiels sont d'origine et de signification mal connues, sinon inconnues : tels les mots prolétaire, capitaliste, ingénieur...
Le XVIIIe siècle, où se donnèrent libre cours l'esprit de critique et de contestation, demeure lui-même une question contestée. La vérité de ce temps apparaît de toute évidence comme une recherche de la vérité. L'historien qui s'imaginerait pouvoir en dégager un sens unitaire et définitif attesterait par là même une incompréhension assez naïve.