Les intrus de la Maison Haute regroupe deux nouvelles, ou plutôt deux "contes" d'une contrée fictive propre à l'univers de
Thomas Hardy à l'image de son Dorset natal et héritier du célèbre royaume médiéval anglo-saxon, le Wessex. Plongé dans un lieu atemporel dominé par le monde paysan des campagnes et des landes, on y retrouve des gens simples , des laitières et des fermiers dans une vie calme et routinière.
Calme ? Peut-être pas… Des histoires étranges se passent comme la mauvaise aventure que va vivre Gertrude Lodge, la charmante jeune mariée d'un riche fermier quand son bras gauche s'atrophie soudainement, altérant sa beauté par trop de souffrance. Serait-ce l'oeuvre d'une malédiction ? Son ancienne rivale serait-elle impliquée ? ("Le bras atrophié")
Quant à l'avenir tout tracé qu'imaginait Charles Darton sur le chemin de la Maison Haute où habite Sally pour lui demander sa main, il est contrecarré par des retrouvailles inattendues après le retour d'Australie du frère prodigue de Sally, marié et père de famille… ("Les intrus de la Maison Haute")
Thomas Hardy a toujours été un auteur qui m'attire sans que je me l'explique (sûrement pour
Tess d'Urberville) et je ne sais pas pourquoi non plus je commence tout juste à le lire. J'aurais aimé commencé par
Les Forestiers mais, faute de temps, j'ai choisi la facilité avec ces deux nouvelles parmi les Wessex Tales. Autant dire que ça ne représente pas le même plaisir de lecture qu'un roman quoique j'aime beaucoup le genre de la nouvelle (le pratiquant moi-même) mais c'est difficile d'écrire une bonne nouvelle et de procurer un plaisir comparable à celui d'un roman en si peu de place.
Autant dire que si mon ressenti est mitigé (et il l'est en partie, malheureusement), ce n'est peut-être pas la faute de
Thomas Hardy mais surtout la mienne pour l'avoir découvert avec ces deux "contes" au lieu d'un bon vieux roman et en partie de mon édition qui (simple supposition) ne propose pas à mon avis les meilleures nouvelles de l'oeuvre d'Hardy. Un peu comme Trois enquêtes du Père Brown de G.K Chesterton, je suis restée un peu sur ma faim, sentant du potentiel dans le talent de narration d'Hardy mais frustrée de n'avoir pas en main le must-have de ses nouvelles…
Je suis d'autant plus frustrée que son obsession pour un Wessex purement fictionnel inspiré de ses souvenirs du Dorset dans le but de faire de sa région natale un lieu mythique et légendaire, nourri de traditions ancestrales et d'un folklore qui lui est propre est très prometteur et s'annonçait très riche pour l'imagination. Je suis passionnée par la notion de mythe et il faut dire que le Royaume-Uni n'a pas beaucoup de grands mythes fondateurs (à part les légendes arthuriennes) et c'est après tout d'après ce constat que
Tolkien a entre autres choses écrit
le Seigneur des Anneaux (mis à part son amour des langues qui l'a conduit à inventer de toute pièce la langue elfique pour le fun). Ainsi, l'insistance sur l'aspect mythique du Wessex avait dans mon esprit cette même manière de pallier au manque de mythes fondateurs de l'Angleterre. Face à un projet aussi ambitieux, forcément, le format de la nouvelle est d'emblée délicat mais, sauf erreur de lecture, ni "Le bras atrophié", ni "Les intrus de la Maison Haute" n'offre un tel tableau du Wessex, du moins à la hauteur de mes attentes.
Il y a des petites touches par-ci par-là qui ont commencé à développer l'aspect mythique du Wessex comme ce passage dans "Le bras atrophié" où la lande d'Egdon est décrite durant la marche à pied de l'héroïne pour trouver un guérisseur-magicien qui pourrait guérir son bras (le meilleur moment de la nouvelle selon moi) et où il y a une allusion à certain Barde :
Difficile de parler de deux nouvelles aussi courtes sans trop en révéler et éviter si possible de vous gâcher la chute mais s'il fallait que je choisisse laquelle de ces deux nouvelles mérite la plus d'être lue, je pense que la première "Le bras atrophié" rapporterait mes suffrages (ce qui est un peu bête puisque l'édition met l'accent sur "Les intrus de la Maison Haute" dans son titre, anyway). Contrairement à cette dernière qui est peut-être plus prosaïque, "Le bras atrophié" est presque une nouvelle fantastique qui joue sur les superstitions et le folklore des habitants de ce Wessex imaginaire. Malédictions, rêves à la limite du mysticisme, guérisons par des solutions plus que louches, tout y est pour intriguer et renforcer ce tableau légendaire et étrange du Wessex et ses drôles de moeurs.
Quant aux "Intrus de la Maison Haute", disons qu'à mon sens, ça ne va pas plus loin qu'une histoire matrimoniale avec quelques rebondissements très romanesques qui peut plaire mais qui ne marque pas l'esprit plus que ça. Je dois dire toutefois que la Maison Haute, la demeure en question dans le titre, celle de Sally et de sa mère, est assez étrange et elle est peut-être la meilleure invention de son auteur dans cette nouvelle assez plate, pas du tout rachetée par sa chute. La Maison Haute est drôlement agencée, isolée, perchée en hauteur et située devant un sycomore dont les racines forment un escalier commode pour accéder à l'entrée de la maison en quittant la route. Ca a quelque chose de glauque et poétique à la fois. Je ne connais pas très bien toutes ses autres nouvelles mais j'ai l'impression que
Thomas Hardy a un certain goût pour les histoires sombres, les lieux à la limite gothiques et les ambiances qui font un peu frisonner. Si parmi vous, il y a de meilleurs connaisseurs de son oeuvre que moi, je serais curieuse de savoir si ça se confirme ou non.
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