Ce titre de l'auteur est le premier traduit du norvégien par
Jean-Baptiste Coursaud en 2009. Je ne me souviens plus comment j'ai été attirée par ce pavé de près de 500 pages, assez mal commode à tenir à cause d'un brochage trop rigide, que j'avais dévoré et dont je ne me souvenais plus du tout du contenu, excepté le fait que le narrateur était un jeune homme à la personnalité un peu atypique surtout à notre époque où des gens sont près à commettre des meurtres spectaculaires pour devenir célèbres. Je me souvenais que le récit se situait aux Iles Féroé. C'est cette lecture qui m'a donné l'envie de découvrir ses contrées nordiques éloignées, presque féériques dans mon imaginaire… Et qui m'avait incité à me plonger dans la littérature nordique dans son ensemble, enfin celle traduite en français bien sûr.
Mais voilà, dernièrement je me suis remise à rêver aux Féroé en trouvant une brochure magnifique de croisières maritimes étonnantes, dont une en partance d'Islande et arrivant aux Orcades à la pointe de l'Ecosse et faisant escale aux Féroé. Aussitôt je décide de relire
Johan Harstad,
Buzz Aldrin mais où donc es-tu passé ? qui m'avait tant marqué en 2009. Et là, ma surprise est grande, pour ne pas dire immense car je me rends compte que je n'avais strictement rien retenu du sujet du roman, seulement son cadre géographique !
Il est question d'un jeune homme assez spécial, qui ne veut pas être sur le devant de la scène dans tous les domaines de sa jeune vie, il passe une jeunesse en retrait de ses condisciples, passionné par des sujets peu communs comme l'astronomie et particulièrement du rôle de Buzz Aldrin, le DEUZIEME homme à avoir mis le pied sur la lune, que l'on oublie toujours dans la narration de l'épopée humaine qu'à représenter cet épisode historique. Jusqu'à sa rencontre avec un camarade passionné de rock qui monte un groupe avec deux autres adolescents. Sa phobie sociale est un frein à son plaisir d'avoir enfin des amis car malgré un don avéré pour le chant, qu'il pratique avec une prof, il refuse de chanter en public jusqu'au jour où il tombe éperdument amoureux d'une jeune fille qui a nouvellement intégré leur classe et qu'il n'ose aborder. Ce sera lors de sa première cuite mémorable à l'occasion d'un bal costumé, lui étant déguisé en cosmonaute, qu'il monte sur scène en fin de soirée, et révèle à l'assistance médusée, sa voix étonnamment puissante. Cette démonstration imprévue subjugue la jeune Helle qui devient sa petite amie et qui le restera durant 12 ans. Il devient horticulteur, ils vivent ensemble et Mathias est parfaitement heureux, il pense qu'elle l'est aussi. Plusieurs fois au cours de leur vie commune il lui demande de formaliser leur amour mais elle refuse prétextant que ce n'est pas le moment.
Les choses se gâtent pour Mathias. Son travail, qui lui convient si bien, perd de plus en plus de clients jusqu'au jour où son employeur doit fermer boutique et le licencie. Simultanément Mathias fait une énième demande à son aimée et cette fois elle lui répond que NON, cela ne se fera pas car elle en aime un autre et que leur histoire est finie !
C'est la descente aux enfers pour Mathias qui se retrouve une nuit d'hiver sous la pluie et le vent qui battent quotidiennement les iles Féroé, il est désorienté, il ne sait où il se trouve, quel jour il vit, ce qu'il fait à cet endroit, quelle heure il est, depuis combien de temps il n'a rien avalé. Il sait que son ventre gronde, qu'il est frigorifié, qu'il a mal partout, qu'il est imbibé de pluie, sans force, allongé sur une route, il ne sait pas depuis combien de temps il est installé là et n'a juste plus l'énergie d'en bouger.
Un homme arrête sa voiture devant l'abribus où il se tient recroquevillé, il fait nuit, il lui pose des questions mais Mathias veut dormir il n'a pas envie de parler. L'homme le porte jusqu'à son véhicule et l'emmène à l'autre bout de l'île dans une résidence post-psychiatrique. Ils sont six résidents à occuper ce que l'on appelle là-bas l'Usine. C'est une espèce de structure pour déboussolés de la vie. Les personnes qui y échouent peuvent la quitter quand elles se sentent assez solides pour repartir à l'assaut de leurs démons.
Le roman narre la lente reconstruction psychique de Mathias au milieu des résidents de cette île dans l'île, qu'est ce bâtiment. Il est effectivement question de la nature qui fait la spécificité de ces îles battues par les éléments et des rares habitants qui la peuplent. Mais le vrai sujet du livre est l'écroulement intérieur de cet homme et sa lente remontée vers la vie. Je l'avais complètement occultée à ma première lecture, cela me pose question.
Je traversais moi-même une période très difficile à cette période de ma vie, ma vie émotionnelle était congelée. Cette lecture a eu un écho très net avec ce qui m'arrivait mais pourtant j'ai complètement zappé le contenu du roman pour ne retenir que l'image onirique qu'il avait induit chez moi…
Comme quoi les romans ont quelquefois un impact bénéfique sur leurs lecteurs sans même qu'ils ne s'en rendent compte. Ce fût le cas pour moi…