En passe, avec déjà une demi douzaine de romans publiés, de pouvoir revendiquer le titre de spécialiste patenté des intermittences du sexe,
Pierre Hel relève le défi dans son nouvel opus, de donner corps et (presque) vie à la femme idéale de nos pensées à tous, pauvres hommes plus ou moins frustrés.
Cadeau d'abord jugé encombrant, vite embrassé comme véritable don du ciel,
Yoko donc dans le genre « canon », fait mouche sur tous les tableaux : beauté parfaite et inaltérable ; éternelle jeunesse ; disponibilité et soumission totales ; regard admiratif et langoureux porté en permanence sur le nombril (à tout le moins) de son partenaire ; elle s'offre en outre aux fantasmes les plus épicés.
Seul bémol consenti au détour par
Pierre Hel : l'acquisition d'un lot aussi enviable nécessite que l'on emprunte un chemin de traverse (publicité gracieuse à l'éditeur). C'est ainsi que la femme naturelle de chair et de sang, souvent inconstante et fatalement décevante au déduit, se trouve ici supplantée par une poupée gonflable, merveille absolue des technologies les plus avancées.
Hélas. Pas plus que la bonne littérature ne se fait avec des bons sentiments, il n'y a pas d' histoire d'amour qui tienne sans que survienne à un moment donné, quelque maudit grain de sable qui vient tout remettre en question. Comme par exemple ce vol suivi d'outrage qui raye soudain
Yoko de la carte du tendre si bien ébauchée.
Certes,
Pierre Hel conçoit-il aussitôt une parade sous la forme d'une réplique de
Yoko encore plus envoûtante, car empruntant les traits du grand amour dans la vraie vie. Mais patatras derechef ! le grain de sable, totalement imprévisible celui-là, étant logé au coeur même du dispositif.
Quel est donc ce coup de Trafalgar révélé in extremis ? On ne commettra pas ici le crime d'en révéler prématurément le sel.
Pierre Hel, orfèvre et pince sans rire, a monté son affaire avec tellement de malice et de subtilité. On ne va pas risquer de couper l'élan de curiosité du lecteur, tant est grand le plaisir pris à ce roman savoureux.
Avec notamment sa si belle chute (de reins évidemment).
Jean Pierre Helloin
jpc.helloin@wanadoo.fr