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EAN : 9782809405996
150 pages
Panini France (18/02/2009)
4/5   2 notes
Résumé :

Le jeune Miguel Serra est mal dans sa peau et en a assez de vivre. La seule solution qu'il trouve est de sombrer volontairement dans un profond coma. Mais un an plus tard, il devient une véritable légende urbaine lorsqu'il sort de sa torpeur sans aucun dommage, hormis un ralentissement de ses capacités moteurs. Une citronneraie hantée, un mystérieux homme bouc et une série de meurtres s'entremêlent alors que Miguel, sa c... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (1) Ajouter une critique
Il s'agit d'une histoire complète et indépendante de toute autre, écrite, dessinée et encrée par Gilbert Hernandez, parue en 2006. C'est le premier récit complet de G. Hernandez édité directement sous forme d'un tome complet, sans prépublication, en noir & blanc.

Le tome s'ouvre une pleine page représentant un verger de citronnier, alors que le narrateur effectue des commentaires sur le fait qu'il s'agit d'un lieu propice aux mystères pour des adolescents vivant dans une banlieue paisible (à l'instar des champs de maïs pour des campagnards). Cela constitue une possibilité d'évasion pour des adolescents assommés par la monotonie de l'existence dans ces lointaines banlieues. Puis le commentaire évoque le suicide comme autre mode d'évasion, pour aboutir à celui choisi par Miguel Serra. Il a décidé de sombrer dans un profond coma pendant un an. Il vient d'en sortir et reprend une vie normale auprès de ses grands parents (Bea & Armando) qui l'ont élevé (après que son père puis sa mère l'aient abandonné). le lendemain il retrouve Lita (sa copine), puis Romeo. À eux trois, ils peuvent recommencer à répéter avec leur groupe de rock appelé Sloth. La nuit Miguel rêve d'une pluie de citrons. le lendemain, il rend visite à son père qui est en prison. Lita s'est prise de passion pour les phénomènes paranormaux et elle persuade Miguel et Romeo de se rendre de nuit dans le verger de citronniers pour filmer en continu, certaines de capturer une image surnaturelle, peut être même une preuve de l'existence de l'homme-chèvre.

Gilbert Hernandez s'est fait connaître avec son frère Jaime Hernandez par leur BD publiées dans le magazine "Love and rockets". Gilbert Hernandez a réalisé une série se déroulant dans une petite ville fictive appelée Palomar (à commencer par Palomar City, première partie). Par la suite il a développé plusieurs histoires autour des habitants de Palomar dont Luba, tome 1 et les films auxquels a participé Fritz (par exemple L'enfer est pavé de bonnes intentions). Il a également réalisé plusieurs histoires indépendantes telles "Sloth", mais aussi Speak of the Devil (2007, en anglais), et Yeah! (collaboration avec Peter Bagge datant de 1999/2000, en anglais).

Cette narration par le biais de la voix intérieure permet tout de suite au lecteur de se familiariser avec le personnage principal, de découvrir le recul avec lequel il appréhende les événements et, par contraste, de déceler ce qui lui tient à coeur. Hernandez raconte une histoire dépourvue de toute culpabilité, de toute rancoeur, de toute jérémiade. Il n'y a que ces rêves qui sont un peu inquiétant et l'abandon par sa mère qui travaille un peu son inconscient. Pour le reste il est juste un peu ralenti, incapable de courir sans ressentir une grande douleur. le lecteur se laisse entraîner à la suite de ce jeune homme tranquille sans être apathique, à la vie douce sans être insipide (il joue dans un groupe de rock quand même). Les dessins reflètent cette légère distanciation qui rend les événements, les individus et l'environnement plus simple.

Lorsque le lecteur regarde un dessin d'Hernandez, il constate qu'il ne contient que le nécessaire, avec des formes travaillées pour être le plus simple possible. Hernandez effectue un gros travail d'épuration pour aboutir à un résultat facile à lire, proche d'un assemblage de formes et de traits basiques. Un regard plus soutenu sur une case finit par ne plus voir que des tâches de noir et des traits un peu gras. Il faut alors à nouveau prendre du recul pour distinguer dans la première page (une case pleine page) une vue nocturne du verger de citronniers dans une perspective rigoureuse depuis le milieu d'une allée, avec une rangée de citronniers de chaque coté. La simplicité de la représentation fait que le lecteur n'éprouve aucune difficulté à s'y projeter, à ressentir l'obscurité, à accepter cette image d'une nature artificiellement organisée par l'homme. Ce mode de représentation des décors permet à Hernandez de composer des images avec peu d'éléments et de laisser la place à l'interprétation du lecteur, ou plutôt aux interprétations des différents lecteurs. Plus loin, il y a une case de la largeur de la page qui se compose d'une bande noire en bas, de la silhouette d'une voiture se dirigeant vers le lecteur, avec de part et d'autre les silhouettes des citronniers sagement alignés, et les 2 tiers supérieurs de la case sont dédiés au ciel strié de petites hachures. En fonction de la sensibilité du lecteur, il pourra y voir une représentation simpliste de la chaleur d'une belle nuit d'été lors d'une promenade en voiture, en amoureux. Ou alors le symbole de la faible importance de l'homme sous l'immensité du ciel et donc de l'univers. Ou encore l'idée que les actions de ces 2 personnages s'effectuent dans un milieu soumis à des forces et des principes qui leur restent totalement invisibles. La tonalité du récit et les réflexions des personnages tendent à valider la dernière interprétation. L'oeuvre de Gilbert Hernandez étant influencée par le réalisme magique, c'est un deuxième indice qui va dans ce sens. L'intelligence d'Hernandez en tant que narrateur fait que même en acceptant le réalisme magique comme explication, le lecteur peut encore projeter ses propres interprétations sur le sens réel de cette scène (et d'autres).

De ce point de vue, le lecteur pourrait avoir l'impression qu'il s'agit d'une histoire compliquée à réserver aux érudits littéraires. En fait, il raconte le quotidien de 3 jeunes adultes disposant du recul nécessaire pour observer avec bienveillance leur propre vie. Hernandez les dessine également de manière simple tout en leur conférant une apparence unique et reconnaissable. Il construit son récit sur la base de leurs actions, sans se complaire dans de longs monologues introspectifs. Au premier niveau, le lecteur suit leurs actions qui relèvent à la fois de la vie quotidienne et d'une comédie romantique, avec des événements réguliers (promenade nocturne dans le verger, rencontre d'autres jeunes en flânant, participation à un concert de rock, répétition avec un groupe, cours de soutien, etc.). Hernandez dessine de manière un peu exagéré les expressions sur les visages, ce qui permet au lecteur de bien discerner les émotions des protagonistes. Et petit à petit, il peut découvrir d'autres façons de regarder ce récit : les constats brutaux liés à l'adolescence (l'un d'eux prend conscience du volume de souffrance humaine présente dans le monde, sans pouvoir y remédier), la confrontation de leurs aspirations à la vie des adultes qu'ils ont face à eux (comment ces adultes ont pu à ce point s'éloigner des aspirations de leur adolescence ?).

À la première lecture, "Sloth" est une histoire très simple, très linéaire (malgré un changement radical de point de vue aux 2 tiers du récit), dépourvue de grands élans sentimentaux, avec un soupçon de surnaturel bon marché. Passé la moitié, le lecteur peut se demander où se trouve l'intérêt d'un tel récit, sympathique, un peu décalé, mais sans enjeu fort. Une fois refermé, quelques phrases et quelques images restent en mémoire, commencent à se reconfigurer pour se répondre, s'amalgamer et former un regard pénétrant sur une facette de la condition humaine. le lecteur constate que lui aussi a bénéficié du décalage de Miguel Serra (un peu plus lent que le reste de l'humanité) pour regarder la vie différemment le temps de quelques pages.
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Citations et extraits (7) Voir plus Ajouter une citation
Plus Miguel montre ses sentiments pour moi, plus je rêve de Romeo. Plus Romeo est con et coincé avec moi, plus il m'attire. Miguel est l'amant parfait qui m'ennuie parfaitement. Romeo est maladroit, peu sûr de lui et je l'aime.
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Au souper, Papy a descendu les libéraux comme d'hab, et Mamy les conservateurs. C'est réconfortant de voir deux personnes mariées depuis plus de 50 ans, avec des vues opposées et toujours amoureuses.
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Le monde réel est bâti sur des foutaises. Beaucoup refusent déjà rien que de reconnaître la souffrance humaine. Et y a assez d'argent et de ressources pour y mettre fin. J'en suis convaincu.
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On veut me persuader de sortir de mon coma. Moi ça me plaît. C'est trop cool ici. Je vais peut-être y rester pour toujours...
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Les jeunes peuvent se sentir vite seuls et déprimés dans un bled comme le mien. Le coma est le moyen le moins autodestructeur de gérer. Je suis en vie et en forme, non ?
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