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Critiques filtrées sur 4 étoiles  
Un livre fascinant et dérangeant sur le retour de l'homme à la bête primitive au sein du ghetto,pour essayer de survivre.Le meilleur d'entre eux est capable du pire même si parfois une trace d'humanité nous le rend plus aimable .Qu'aurions nous fait à sa place,aurions nous été victime ou bourreau?
Grande fresque de la cruauté et du grotesque,Nuit est considéré comme le chef d'oeuvre de Hilsenrath.
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Edgar Hilsenrath nous emmène à Prokov, ville ukrainienne sur les bords du Dniestr, mars 1942. Son ghetto. Et surtout les milliers de Juifs, déplacés des provinces roumaines de Bucovine, Bessarabie et Moldavie septentrionale, qui affluent toujours plus nombreux vers la ville à moitié détruite. La plupart d'entre eux disparaitra.

Prokov le jour, avec un semblant de vie normale avec son marché, son coiffeur, son Grand Café, malgré les ruines, la police omniprésente, les trafics du marché noir, la foule de clochards en haillons. Prokov la nuit où il faut absolument un abri, un endroit où dormir, sous peine d'être abattu ou déporté pour « vagabondage ». le couvre-feu, 'horreur des dortoirs avec la promiscuité, la faim, la maladie et le typhus. La mort.

Roman noir, on s'en doute, et glauque. On est très loin ici de la légèreté de « Fuck America » et de « le barbier et le nazi », même si parfois semble poindre un humour décalé, un peu comme s'il échappait à l'auteur lui-même …

Mais surtout, avant tout, Hilsenrath décrit la pourriture humaine, l'homme tel qu'il peut être ou tel qu'il est. Il décrit un monde de misère, de méchanceté, de jalousie. Un monde d'usuriers, de voleurs, de profiteurs, de détrousseurs de cadavres, où les hommes sont prêts à affamer leur propre frère pour sauver leur progéniture.

Et puis une lueur … souvent incarnée par des femmes. Sarah, l'inconnue encore grassouillette tout juste arrivée, Déborah la belle-soeur qui semble revenir du pays des morts, être lumineux dans cette pourriture, Betti la prostituée qui offre au héros de partager ses repas.

Et cette phrase, ô combien belle et violente dans la bouche d'Edgar Hilsenrath, lui-même rescapé de la Shoah : « seuls les morts sont incapables d'aimer ».

A lire absolument.
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Il m'a fallu deux pages maximum pour me faire enlever par l'auteur.J'avais déjà dans mes lectures rencontrer ce sujet (la vie dans les ghettos), mais "Nuit", est un terrible chef d'oeuvre. L'homme, poussé dans ses derniers retranchements est horriblement, magnifiquement raconté. Bien qu'épais, je n'ai jamais pu le lâcher, il m'a suivi et je l'ai encore en moi. Personne ne pourra rester indifférent, ni à cette histoire, ni au style. Ça vous parle, ça vous enveloppe, ça vous interroge, ça vous dégoutte, vous écoeure, ça vous fait mal. Oui, ce livre est Dantesque. Comme le dit le chanteur Christophe Miossec "la douleur est parfois magnifique".
C'est assurément le cas.
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La postface du livre nous apprend quelque chose d'assez ébouriffant, une fois fini ce joli pavé (qui, comme tous les bouquins d'Hilsenrath, attire déjà le lecteur par le graphisme de sa couverture, plutôt très chouette) : 12 ans, c'est le temps qu'il aura fallu à l'écrivain pour mettre un point final à ce premier livre. Intéressant aussi la manière dont nous parvient l'oeuvre d'Hilsenrath, en tout cas pour les plus jeunes comme moi qui ne l'ont pas découvert lors des toutes premières éditions françaises. En effet, on remonte la vie de l'auteur, et par extension de ses personnages semi-biographiques au fil des parutions : "Fuck America", excellentissime roman de l'immigration, presque sevré du ghetto et de la Shoah ; "Le nazi et le barbier", livre coup de poing et pied de nez à l'horreur, tantôt victime, tantôt bourreau du réel ; et en parrallèle "Le conte de la pensée dernière", fable onirique où les fantômes du passé traversent par vagues une autre épopée cauchemardesque (une fable presque apaisée, si l'on peut employer ce terme chez Hilsenrath).
Pour revenir à "Nuit", qui se lit comme les autres livres facilement, grace à une plume légère (une forme simple pour une histoire complexe), c'est peut être le roman le plus "à vif" de l'auteur. Les personnages sont toujours aussi ambigus, immondes et héroiques à la fois, donc humains. Mais c'est un récit dont il est difficile de se distancier, tant il sonne vrai malgré cette volonté farouche de ne pas s'apitoyer. C'est tout le talent d'Hilsenrath. A lire, parce que la mort n'est belle qu'au cinéma.
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Nuit n'est probablement pas le livre le plus connu d'Edgar Hilsenrath, il n'en demeure pas moins son premier roman, écrit au sortir de la seconde Guerre Mondiale. Ce livre a connu une histoire assez atypique puisque paru en 1964 en Allemagne chez Kindler, il a très vite été autocensuré par l'éditeur et est ainsi passé inaperçu outre-Rhin. Nuit paraîtra ensuite aux Etats-Unis où il connaîtra un accueil favorable, même si c'est avec le barbier et le nazi qu'Hilsenrath connaîtra une certaine notoriété. Quoiqu'il en soit, c'est en 2012 que Nuit paraît pour la première fois en France.

A travers ce roman, dont le début aurait été retravaillé vingt fois, Hilsenrath évoque son expérience de survie dans un ghetto de Roumanie, alors qu'il est avec sa mère, son frère et son oncle (son père, ayant rejoint la France). C'est en 1945 que germe en lui l'idée de retranscrire cet épisode de sa vie à travers un livre. Neuf années plus tard, la première version de Nuit ne compte pas moins de 1250 pages.

Ce roman retranscrit le quotidien des rebus qui sont parvenus à fuir assez loin les autorités allemandes pour ne pas être déportés dans les camps de la mort. Hilsenrath traite ici du quotidien de tous ces juifs tentant tant bien que mal de survivre dans un ghetto assez peu surveillé mais dans lequel il serait imprudent de relâcher son attention ou de sortir en pleine nuit, car les milices rôdent et nul n'est à l'abri d'une rafle. Dans un décor d'apocalypse d'un gris monochrome, ils tentent de résister au froid, à la faim ou au typhus. Ranek, le protagoniste de ce roman, évolue ainsi au milieu de figures plus anodines les unes que les autres. Certaines patibulaires, d'autres plus amènes, il ne fait toutefois pas bon être trop faible ou trop naïf dans cet univers ou nul n'est à l'abri de commettre quelques exaction ou autres truanderies à la petite semaine dans le seul but d'assurer sa survie. Ainsi les places dans les dortoirs sont rares, chères et tous les nouveaux venus en quête d'un petit espace pour pouvoir dormir, à l'abri du froid, en viennent à espérer qu'un autre succombe afin de libérer une place.

On retrouve dans Nuit, cet élan vital propre aux grands récits concentrationnaires dans lesquels tous les moyens sont bons pour ne pas trépasser. Dans ce roman, la mort de l'autre est une aubaine à ne pas négliger, car un mort libère souvent un endroit où dormir et offre des vêtements voire même pour certains des dents en or, ce qui représente dans le contexte une fortune toute relative. Cette dernière pourrait permettre de s'assurer un bol de soupe avec peut-être, qui sait, de vrais morceaux de viande dedans. Car il s'agit de pratiquer l'art du négoce ici, et on négocie sévèrement. On ne vend pas sa peau, on tente juste d'économiser assez pour qu'elle tienne un peu mieux sur les os. On ne vend pas sa peau ou presque… Certaines n'hésitent pas à louer leur vertu pour un quignon de pain ou un geste honorable, comme cette femme qui solde ses charmes afin d'offrir des funérailles à son fils. Les misères ont mille visages dans ces ruelles de la mort, et l'aménité ou l'empathie n'y ont plus leur place.

Après avoir réédité le barbier et le nazi et Fuck America, les édition Attila poursuivent leur ouvrage et publient cet inédit de très bonne facture qui permettra au lecteur français de se plonger un peu plus dans l'oeuvre d'un des plus grands écrivains de langue allemande du vingtième siècle. Nuit est à des milles de Fuck America. Plus sombre et terne, il n'en demeure pas moins burlesque et montre, comme l'on fait Semprun ou Primo Levi, quel peut être le visage des survivants.
Lien : http://lelibrairetemeraire.b..
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Prokov, Ukraine. Les roumains, qui occupent la ville depuis la signature du pacte germano-soviétique, en ont fait un ghetto, vers lequel ils déportent les juifs de Roumanie. Nous y suivons l'un d'eux, Ranek, dont la famille a été décimée, et qui, porté par sa pugnacité à survivre, à l'instar de ses compagnons de malheur, s'enfonce dans l'abjection.

Les déportés, démunis, dépenaillés, s'amaigrissant atrocement au fil du temps, vieillissant prématurément de malnutrition, de froid, d'absence de soins, parcourent inlassablement les rues du ghetto, obnubilés par la quête de nourriture, de loques pour se couvrir, et surtout d'un abri pour la nuit : tout juif trouvé dehors risque alors la déportation ou l'exécution. Ils s'entassent ainsi dans des dortoirs improvisés infestés de poux, puants, où la promiscuité et l'insalubrité favorisent le typhus, parfois souillés par les déjections de ceux qui, ne pouvant plus bouger, se soulagent sur place.

Soumis à l'impératif pragmatique, mathématique même, de la survie, ils ont étouffé en eux tout élan de compassion, de générosité. Tout se monnaye, et tout s'échange : un bout de pain rassis ou une poignée de farine contre une paire de chaussures, une place pour dormir contre quelques minutes de sexe sordide... plus rien n'y est sacré... enfant ou vieillard, homme ou femme, proche ou anonyme, chaque être devient un mort potentiel dont on espère récupérer le coin de dortoir, les dents en or, les hardes, les miettes de tabac au fond des poches...

Une hiérarchie de la misère s'instaure, les plus mal lotis sont les malades et ceux qui, sans abri, dorment dans les fourrés, à la merci des milices.

L'auteur nous donne à voir une humanité bien peu reluisante, d'individus ayant abdiqué tout respect des autres comme d'eux-mêmes. Immergés dans l'immédiateté de besoins primaires, oublieux de ce qu'ils ont été, ils renouent pour certains avec une forme d'animalité. Plus rien ne les choque, plus rien ne les émeut, ni la vision des cadavres que doit chaque jour ramasser le corbillard municipal, ni la pensée de la virginité cédée par des gamines pour un morceau de pain...

"Nuit" est le premier roman d'Edgar Hilsenrath, et sans doute son plus personnel, puisqu'il s'inspire de sa propre expérience du ghetto ukrainien où il vécut de 1941 à 1945. Il est dénué de la dimension cocasse que l'on trouve dans ses écrits suivants, mais est empreint d'une absurdité macabre, et d'un cynisme sans concession. le style sec, réaliste et cru, met en évidence la dureté, la cruauté de l'univers dans lequel il nous immerge. Par ailleurs, la redondance de certains épisodes, et la longueur du texte, servent son propos, car nous imprègnent de la routine cruellement morbide dans laquelle finissent par s'installer les protagonistes, comme prisonniers d'une interminable nuit dont seules la mort ou la démence peuvent les délivrer.

Il restera probablement pour moi le titre le plus marquant d'Edgar Hilsenrath.
Lien : https://bookin-ingannmic.blo..
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Plein de cynisme.J'adore.
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Nuit n'est probablement pas le livre le plus connu d'Edgar Hilsenrath, il n'en demeure pas moins son premier roman, écrit au sortir de la seconde Guerre Mondiale. Ce livre a connu une histoire assez atypique puisque paru en 1964 en Allemagne chez Kindler, il a très vite été autocensuré par l'éditeur et est ainsi passé inaperçu outre-Rhin. Nuit paraîtra ensuite aux Etats-Unis où il connaîtra un accueil favorable, même si c'est avec le barbier et le nazi qu'Hilsenrath connaîtra une certaine notoriété. Quoiqu'il en soit, c'est en 2012 que Nuit paraît pour la première fois en France.



A travers ce roman, dont le début aurait été retravaillé vingt fois, Hilsenrath évoque son expérience de survie dans un ghetto de Roumanie, alors qu'il est avec sa mère, son frère et son oncle (son père, ayant rejoint la France). C'est en 1945 que germe en lui l'idée de retranscrire cet épisode de sa vie à travers un livre. Neuf années plus tard, la première version de Nuit ne compte pas moins de 1250 pages.

Ce roman retranscrit le quotidien des rebus qui sont parvenus à fuir assez loin les autorités allemandes pour ne pas être déportés dans les camps de la mort. Hilsenrath traite ici du quotidien de tous ces juifs tentant tant bien que mal de survivre dans un ghetto assez peu surveillé mais dans lequel il serait imprudent de relâcher son attention ou de sortir en pleine nuit, car les milices rôdent et nul n'est à l'abri d'une rafle. Dans un décor d'apocalypse d'un gris monochrome, ils tentent de résister au froid, à la faim ou au typhus. Ranek, le protagoniste de ce roman, évolue ainsi au milieu de figures plus anodines les unes que les autres. Certaines patibulaires, d'autres plus amènes, il ne fait toutefois pas bon être trop faible ou trop naïf dans cet univers ou nul n'est à l'abri de commettre quelques exaction ou autres truanderies à la petite semaine dans le seul but d'assurer sa survie. Ainsi les places dans les dortoirs sont rares, chères et tous les nouveaux venus en quête d'un petit espace pour pouvoir dormir, à l'abri du froid, en viennent à espérer qu'un autre succombe afin de libérer une place.



On retrouve dans Nuit, cet élan vital propre aux grands récits concentrationnaires dans lesquels tous les moyens sont bons pour ne pas trépasser. Dans ce roman, la mort de l'autre est une aubaine à ne pas négliger, car un mort libère souvent un endroit où dormir et offre des vêtements voire même pour certains des dents en or, ce qui représente dans le contexte une fortune toute relative. Cette dernière pourrait permettre de s'assurer un bol de soupe avec peut-être, qui sait, de vrais morceaux de viande dedans. Car il s'agit de pratiquer l'art du négoce ici, et on négocie sévèrement. On ne vend pas sa peau, on tente juste d'économiser assez pour qu'elle tienne un peu mieux sur les os. On ne vend pas sa peau ou presque… Certaines n'hésitent pas à louer leur vertu pour un quignon de pain ou un geste honorable, comme cette femme qui solde ses charmes afin d'offrir des funérailles à son fils. Les misères ont mille visages dans ces ruelles de la mort, et l'aménité ou l'empathie n'y ont plus leur place.

Après avoir réédité le barbier et le nazi et Fuck America, les édition Attila poursuivent leur ouvrage et publient cet inédit de très bonne facture qui permettra au lecteur français de se plonger un peu plus dans l'oeuvre d'un des plus grands écrivains de langue allemande du vingtième siècle. Nuit est à des milles de Fuck America. Plus sombre et terne, il n'en demeure pas moins burlesque et montre, comme l'on fait Semprun ou Primo Levi, quel peut être le visage des survivants.
Lien : http://lelibrairetemeraire.b..
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S'échapper. le lecteur ne le peut pas plus que les personnages de ce livre dense qui jamais ne juge, ni ne donne de leçon. La construction romanesque impeccable montre. Dit. Il ne s'agit évidemment pas d'un documentaire, l'auteur n'est pas « objectif ». Mais son parti pris d'un réalisme total n'en donne pas moins une impression de vérité profonde et glaçante.

La suite de la critique sur mon blog.
Lien : https://litteraemeae.wordpre..
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Un livre poignant, un retour à l'état sauvage. Une question, qu'aurions nous fait à leur place, la bête en nous pour survivre, ne remonte telle pas incidieusement, doucement, mais surement pour faire de nous des être déconnecté près à tout. Une écriture rude, coup de poing ne pouvant laisser indifférent.
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