Ce tome est le premier d'une série indépendante de toute autre. Il contient les épisodes 1 à 5, initialement parus en 2019/2020, coécrits par
David Hine &
Brian Haberlin, dessinés et encrés par Haberlin, avec une mise en couleurs réalisée par
Geirrod van Dyke.
Quelques jours dans le futur, un cri atroce retentit dans le petit immeuble qui abrite la communauté des Marqués (The Marked). La jeune Saskia est torse nu, et semble entourée de flammes. Elle se retourne vers Mavin, et ses deux yeux sont entièrement noirs, comme morts. Mavin la serre dans ses bras et
lui dit que tout va bien se passer. Au temps présent (ou quelques jours dans le passé), Saskia, une jeune adolescente, entre le café Black Brew Coffee House où elle retrouve sa copine Cyreese. Elles papotent des talents de dessinatrice de Saskia et sa copine
lui montre une flyer pour un test de dessin, ou plutôt de lecture de dessin : dessiner ce que l'on perçoit dans l'image sur le papier. Elle dessine un oiseau de feu et répond à l'annonce en l'envoyant à l'adresse courriel indiquée. En retour, elle reçoit une invitation à se rendre ans une maison de ville (Town House), où elle est accueillie par un majordome à l'allure massive et sinistre, appelé
Lovecraft, puis par Liza, une jeune adolescente qui prend en charge Saskia. Elle l'emmène vers la grande salle, pour la présenter à Mavin, la responsable de la communauté The Marked. Celle-ci
lui présente Kismet & Dahlia, les deux personnes chargées de tatouer les membres. Kismet observe Saskia et assure qu'elle a le don. Kismet conjure le glyphe d'un oiseau de feu dans l'air, et Saskia le fait sien le plus naturellement du monde. C'est sûr : elle est une recrue rêvée.
Pendant que Kismet se livre au tatouage de Saskia, elle
lui raconte l'histoire des Marqués : les petits groupes qu'ils forment, leur combat contre les Forces des Ténèbres, la façon dont toute trace d'eux est effacée des livres d'Histoire, la bataille magique qui s'est déroulée en même temps que la seconde guerre mondiale, le sacrifice d'un Marqué qui a utilisé le glyphe Omega pour contenir les forces déchaînées par Hitler, la manière dont les soldats américains ont subrepticement récupéré les artefacts magiques disséminés en Allemagne, et le fait qu'ils aient été stockés sur le sol des États-Unis. Une fois la séance de tatouage terminée, Liza emmène Saskia dans la grande salle pour
lui présenter les autres membres de la communauté : Cassandra Benis, Benjamin, Lucy, Mandy,
Mary-Jane, Rhonda. Puis elle la tire par la main en
lui indiquant qu'il est temps d'aller danser dans la boîte de nuit Dion. Mais avant, Cassandra Benis s'occupe de sa coiffure, puis Benjamin s'occupe de sa tenue vestimentaire, chacun en utilisant leur glyphe magique personnel. Enfin il est temps d'aller danser en boîte.
Il s'agit donc de la première série lancée par
David Hine &
Brian Haberlin en 1 an, juste avant la deuxième . le lecteur qui apprécie ce tandem retrouve les dessins très léchés du deuxième, avec une mise en couleurs tout aussi travaillée et polie, réalisée par
Geirrod van Dyke, qui a également travaillé sur la série Sonata. En entamant ce premier tome, le lecteur sait bien qu'il n'a aucune assurance qu'il y en ait un deuxième, tout dépendant du succès du premier, et peut-être de la vente potentielle du concept pour une exploitation sous forme de film ou de série télévisée. Il n'est pas forcément très impressionné à priori par l'idée de base de la série : des jeunes personnes tatouées ce qui leur permet de libérer leur pouvoir et d'apprendre à le maîtriser. de ce point de vue, les auteurs se montrent moins originaux que pour Sonata : une équipe de jeunes gens, de jeune adolescent à jeune adulte, qui se font tatouer des motifs complexes (autre caractéristique dans l'air du temps pour attirer un lectorat jeune), qui manient des énergies magiques dans une petite communauté secrète (on peut cocher une autre case Cool), pour lutter contre les forces des ténèbres (assez vagues et mystérieuses à ce stade du récit, cocher une case Cliché). Pour faire bonne mesure, ajouter un lien avec la seconde guerre mondiale (fait), et des énergies magiques pyrotechniques (fait). Mais, après tout, si c'est bien fait, la dose de divertissement peut s'avérer satisfaisante, et se suffire.
Dans un premier temps, le lecteur commence par être impressionné par la mise en couleurs. Il éprouve la sensation générale que le coloriste s'applique à réaliser des couleurs équivalentes à la réalité, en peut-être un peu plus propre, sans trace d'usure. Il joue habilement avec de discrètes nuances pour aboutir à un rendu semblant aussi nuancé que la réalité. Il ajoute parfois des textures ou des dégradés qui viennent compléter les contours pour apporter la sensation de matière, la granulosité des surfaces. Il n'y a que pour la peau humaine qu'il procède plus simplement, sûrement pour que les personnages ressortent mieux par rapport à leur environnement. En outre, il maîtrise les effets spéciaux pour des rendus sophistiqués à l'infographie. C'est une évidence dès la première page avec les volutes de fumée s'échappant d'une des fenêtres de la maison de ville des Marqués. C'est confirmé par les effets de flammes dans les 2 pages suivantes, puis quand les tatouages prennent vie avec des effets de fusion, ou avec des reflets d'éclairage artificiel sur des surfaces métalliques. S'il est sensible à ce genre d'effets, le lecteur prend grand plaisir à admirer la maîtrise de van Dyke et son inventivité en la matière.
En fait, ce n'est que s'il prête attention à l'élégance de la mise en couleurs, que le lecteur se rend compte que de temps à temps à autre, pendant une page, le dessinateur se repose sur les compléments ainsi apportés, pour ne pas avoir à dessiner les arrière-plans. Il est possible que Haberlin utilise des références photographiques et un logiciel de modélisation 3D pour certains de ses décors, comme par exemple les vues extérieures de la maison de ville. Dans la mesure où ses dessins s'inscrivent dans un registre très réaliste, cette utilisation de photographies ne choque pas car elles appartiennent au même registre que les dessins. le lecteur prend donc le temps d'admirer la façade de la maison de ville, les allées de l'entrepôt militaire où sont stockés les artefacts magiques, l'intérieur de la boîte de nuit Dion, l'atelier d'artiste dans la maison de ville, l'immense salle d'entraînement et de test de la base militaire ainsi que ces pièces très fonctionnelles et stériles. Il remarque que l'artiste aime s'amuser de temps à autre avec une composition sortant de l'ordinaire : les escaliers défiant la logique de la gravité dans la maison de ville, ou la sphère complexe au sein de laquelle Liza Hagen a pris place.
Brian Haberlin se montre tout aussi investi pour insuffler du caractère et de la personnalité dans chaque individu. Les membres de la communauté Marked sont tous différents en termes de morphologie et d'âge, avec des styles vestimentaires bien distincts, et bien sûr chacun un motif unique de tatouage. En regardant les personnages, leurs expressions de visage, leurs postures, le lecteur ressent bien la complexité de chaque individu, un être humain à part entière qu'il n'est pas possible de résumer à une seule caractéristique à tel point que le lecteur ressent de la sympathie pour chacun d'entre eux, à un degré plus ou moins important. En y repensant, il se rend compte que Liza Hagen est restée sympathique du début à la fin, malgré ses actions assez irresponsables pour en devenir intentionnellement méchantes, la volonté de nuire étant patente. Elle n'est pas juste méchante parce que souillée ou infectée par les forces des ténèbres, elle reste une jeune adolescente en phase d'apprentissage, qu'il n'est pas possible de condamner sans appel. le lecteur peut même avoir du mal à croire qu'il ne soit pas capable de la faire basculer dans le camp des méchants, dans une dichotomie basique entre bien et mal.
En 5 pages, la narration visuelle a complètement happé le lecteur qui se laisse mener, sans trop s'offusquer de l'intrigue qui avance rapidement, dans un chemin très balisé. Progressivement, il se rend compte que le rythme du récit constitue un point fort : pas d'atermoiement, mais des faits. La pauvre Saskia paye le prix de la témérité de Lisa Hagen qui s'apparente plus à de l'irresponsabilité. Cette dernière ne s'embarrasse pas de doute ou de remords dramatiques, et va de l'avant, suivant sa logique sans s'inquiéter. Elle dispose d'un niveau de pouvoir qui
lui permet d'avoir une grande confiance en elle, d'autres adultes
lui portent de l'intérêt, elle peut mener son petit monde à la baguette, son égo est flatté et satisfait. L'armée parvient à la récupérer et la base militaire où elle se retrouve abrite des soldats et des gradés compétents, ce qui évite le cliché des militaires bornés et stupides. Les coscénaristes forcent un peu le trait sur le quota de perte, et l'absence de remords ou d'inquiétude du général sur ce plan-là, mais ça donne lieu à une séquence drôle où un soldat ne parvient pas à maîtriser son pouvoir de vol autonome. le récit peut ainsi progresser jusqu'à la phase suivante au cours de laquelle Liza Hagen doit répondre de ses actes face aux autres Marqués. La dernière page permet de comprendre qu'elle sera la dynamique de la série s'il y a une suite.
S'il a déjà lu une autre série de Hine & Haberlin, le lecteur sait déjà qu'il va vite être sous le charme de leur narration visuelle, et c'est effectivement le cas. Il peut trouver que l'intrigue ressasse beaucoup de lieux communs décorés avec des éléments à la mode. Rapidement, il se rend compte que le récit avance d'un bon pas, ce qui maintient son attention, et fait que ce tome constitue un chapitre bien consistant. Même si le récit souffre un peu d'un manque d'originalité, la qualité de la narration et l'avancée de l'intrigue en font un divertissement de qualité.