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3,66

sur 2815 notes

Critiques filtrées sur 5 étoiles  
Le ministère de l'agriculture est intéressé par le logiciel créé par la boîte informatique du narrateur que nous appellerons « N ».
N doit alors diffuser, avec un collègue, et quel collègue ! le maniement de ce logiciel dans différents centres régionaux dépendants du ministère de l'agriculture.
Avec Tisserand, ils commencent par Rouen….
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Michel Houellebecq a eu, selon moi, les caractéristiques d'un enfant et jeune homme surdoué mais en carence affective. Il débute en 1983 une carrière en informatique chez Unilog, puis comme contractuel à la direction informatique du ministère de l'Agriculture, rue de Picpus, dans le XIIe arrondissement de Paris, où il restera trois ans. Cette période est évoquée de façon romancée dans Extension du domaine de la lutte.
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MAIS….
Qu'est-ce que ce titre bizarre ?
D'après Michel Houellebecq, on suit la règle, puis on lutte, puis maintenant, il y a même l'extension de la lutte…
Ce livre est une sorte de journal de bord que tient le narrateur N, cadre informatique dans « une boîte qui tourne » à Paris, il décrit la lutte quotidienne de ses congénères, toujours en quête d'un peu d'amour, de plaisir, d'argent. Cette lutte est « étendue » au domaine sexuel depuis les années 80 / 90.
Le narrateur jette l'éponge ! Trop, c'est trop.
Désabusé, il a un peu l'humour de Jean-Marie Bigard ( c'est pour diner ? --non c'est pour faire un tennis ).
Je l'imagine, car toute la saveur d'un livre est dans l'imagination, habillé à la « va comme je te pousse », un peu comme Houellebecq, un peu comme moi avant de rencontrer ma Femme : )
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N'attendant plus rien de la vie à cause de collègues inintéressants, mais aussi à cause d'un échec sentimental, il se place en observateur pertinent et sans pression des deux systèmes sociaux qui l'intéressent :
Le travail et le sexe.
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Au milieu du livre, N / Houellebecq délivre sa théorie sur ces deux questions :
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« le libéralisme économique, c'est l'extension du domaine de la lutte, son extension à tous les âges de la vie, et à toutes les classes de la société. de même, le libéralisme sexuel, c'est l'extension du domaine de la lutte, son extension à tous les âges de la vie, et à toutes les classes de la société.
Sur le plan économique, Raphaël Tisserand appartient au camp des vainqueurs ; sur le plan sexuel, au plan des vaincus. Certains gagnent sur les deux tableaux ; d'autres perdent sur les deux. Les entreprises se disputent certains jeunes diplômés ; les femmes se disputent certains jeunes hommes ; les hommes se disputent certaines jeunes femmes.
Le trouble et l'agitation sont considérables. »
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C'est une théorie intéressante.
L'auteur a raison, on est dans les années 80 / 90.
Pour les anciens comme moi qui avons bien connu cette fin de XXè siècle, ça été la folie furieuse, le « struggle for life », tant pour la course au diplôme afin de devenir jeune cadre dynamique avec cravate et attaché case… que pour le sexe, dont la course effrénée est trop bien décrite dans « Les nuits fauves » de Cyril Collard.
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C'est une théorie socio-philosophique qu'il a fourrée au milieu d'un récit qui colle bien à ce truc.
Pour moi, c'est une re-lecture. Première lecture en 2013, deux point cinq étoiles :je n'avais pas perçu la théorie au milieu du récit ; et j'avais trouvé ce récit très glauque : )
Alors que maintenant, j'ai mis 5 étoiles : ma « patate de sensibilité » a évolué ; j'ai trouvé que la description du quotidien collait à la réalité qui EST vulgaire (je suis redescendu de mon petit nuage ), et j'ai trouvé l'insertion de la bulle théorique pertinente par rapport à l'histoire du livre. de plus, je connais un peu plus Houellebecq qui est un « personnage » provocateur, un peu du style Gainsbourg : )
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C'est avec "Extension du domaine de la lutte" que je suis passée du camp des anti (position décrétée quelques années plus tôt au bout de 50 pages des "Particules") au camp des pro Houellebecq.

Avec ce roman minimaliste, sans concession, profondément triste (voir la dernière scène avec cet homme face à la nature qui n'arrive pas à ressentir la vie...) je me suis convaincue que :
1) ce débat ultra houleux et souvent hystérique, d'un côté comme de l'autre, autour de Houellebecq est complètement ridicule
2) le regard tout à fait particulier que Houellebecq porte sur la société est nécessaire. Qu'on soit d'accord ou pas, il est à accueillir avec bienveillance.

Et donc j'ai continué à lire Houellebecq.
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Je n'avais pas encore découvert Michel Houellebecq, voilà qui est désormais fait ! Et, apparemment, c'est même bien fait, car ce livre m'a plu.
Il m'a même beaucoup plu.
Le regard critique et ironique que Michel Houellebecq porte sur la société me semble bien venu. A l'ère des "fell good books", je crois qu'il est nécessaire d'avoir des écrivains comme ça, des écrivains qui ose critiquer le monde qui les entoure et être pessimiste.
Car "Extension du domaine de la lutte" est un livre idéal pour déprimer. Mais on a besoin d'auteurs comme ça, d'auteurs qui ose porter un regard sur la douleur du monde. Et Houellebecq le fait très bien.
En véritable sociologue, il analyse les moeurs de notre société, avec finesse, sans pour autant abandonner l'aspect littéraire de son écrit.
Car, l'auteur des "Particules élémentaires" a un véritable talent d'écrivain. Sans avoir un style exceptionnel, sidérant, à la Balzac ou à la Racine, il sait écrire, écrire simplement, mais très correctement. Et il nous offre, avec Extension du Domaine de la Lutte, un livre intéressant, fin et intelligent.
Un texte pertinent, qui fait réfléchir sur les maux de notre société actuelle.
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Ce petit livre est assez génial dans sa noirceur ordinaire : style plat pour peindre une réalité désenchantée, fond et forme se correspondent parfaitement. Le narrateur est un homme banal et son intelligence, qu'il estime lui-même supérieure à la moyenne (cela se voit) ne le sauve pas de la médiocrité : si l'intelligence sauvait de la médiocrité, cela se saurait. Une rupture amoureuse vieille de deux ans l'a laissé sur les rotules. Il a observé depuis une chasteté de moine, non par vertu mais par inappétence. Bref, comme on le dit aujourd'hui assez vilainement, il n'a pas fait son deuil et voit la vie en noir, c'est-à-dire juste comme elle est.
Houellebecq ne cherche pas à être original. Son créneau ici, c'est l'homme moderne, les hommes modernes dans leur plus grand dénominateur commun. C'est-à-dire finalement tout leur être car le libéralisme économique et sentimentalo-sexuel a tout uniformisé et tout transformé en rapport social de domination.
La loi de l'offre et de la demande a fait de nous des consommateurs, nous avons tous le même paysage mental, celui de la publicité vulgaire et omniprésente qui nous agresse et interfère avec nos rêves ; l'informatique génère une information continue et sauvage, coupe les liens, sature nos consciences et nous rend imbéciles ; la liberté sexuelle a placé l'intimité de l'individu sous l'autorité de cette même loi de l'offre et de la demande. Là aussi le libéralisme fait rage et détruit notre illusion d'être tous différents ; nous ne sommes plus que des produits, et devons nous charger nous-mêmes de notre promotion sur le marché du sexe. C'est souvent humiliant, et malheur à qui manquent des paramètres pour être "bankable" : malheur à la femme peu gironde, malheur à l'homme laid qui sue la peur et la frustration, ils ne trouveront pas preneurs et c'est bien triste. Attention aussi à vous, heureux élus, si un jour vous ne faîtes plus l'affaire : vous serez impitoyablement jetés à la décharge. En effet la psychanalyse, de mèche avec le libéralisme, nous a tous changés en redoutables hommes d'affaires de la vie privée. Elle nous a convaincus que nous étions responsables de notre bonheur et qu'il importait de nous défaire de nos boulets intérieurs et extérieurs. Exit donc les entraves à l'épanouissement personnel et le vieux compagnon un peu usagé ! tel est le nouveau catéchisme appris sur les divans. Or on sait ce que Houellebecq pense du bonheur.
Sans être tout-à-fait "no bankable", car il a eu une vie sentimentale dans un passé déjà ancien, proportionnellement à son âge, 30 ans, notre anti-héros, notre narrateur bien-aimé, va faire une méchante projection sur un de ses collègues qui remporte un carton plein dans le tirage au sort des perdants : irrémédiablement laid, puceau à 28 ans, frustré à mort, il n'attire que rebuffades. Quiconque se produit avec lui en public est immédiatement sanctionné par la baisse de sa cote auprès d'éventuels acquéreurs. C'est illustré par l'épisode du rock qu'il soutire à une jeune étourdie qui a baissé sa garde un instant et devra se racheter en l'humiliant devant tous. Le pauvre ne parviendra jamais à se caser, c'est clair, que ce soit pour la vie ou pour un quart d'heure. Son désespoir est tel que le narrateur, jusque là condescendant mais somme toute assez sympa avec lui, est peu à peu gagné par l'effroi et met en place un piège bien dégueulasse ( qui aime les perdants ? c'est peut-être contagieux ! ) : le voilà qui décide de devenir un assassin par personne interposée. Nous abordons la partie thriller du livre, très inattendue et glaçante. Les motivations, gluantes et rampantes, évoquent clairement les monstres lovecraftiens.
De ce qu'il adviendra du funeste projet je ne dirai rien, pour ne pas écorner davantage le sentiment de découverte du nouveau lecteur.
La morale de ce livre, celle que j'ai retenue, est la suivante : la lucidité est une maladie grave.
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Convaincue !

J'ai découvert et apprécié Houellebecq grâce à La Carte et le territoire. Je n'aime pas tous ses romans, mais celui là, je l'ai dévoré.

J'ai aimé l'atmosphère et le ton du narrateur, un trentenaire discret et désabusé. Informaticien, seul, sans passion, sans amour (il peine à sortir d'une rupture 2 ans auparavant), sans ami, il se laisse porter par la vie. Rien ne semble l'intéresser ou le motiver. Il sombre lentement.

L'ambiance réaliste et dépressive s'infiltre petit à petit jusqu'à mettre mal à l'aise. A certains moments, j'ai pensé : Ouf, même quand je vais mal, j'ai une vision moins pessimiste du monde. Ce n'est ni violent, ni horriblement scabreux (n'en déplaise à ses détracteurs) mais l'on ressent avec puissance la lourdeur du quotidien et la triste vision que le narrateur porte sur les autres et sur la société dans laquelle il tente de vivre.

Pourtant, ce livre m'a paru fluide et facile à lire, car Houellebecq parvient à un juste équilibre entre les propos décourageants du narrateur et un style vif, direct et percutant. Son anti-héros adopte une position d'observateur cynique qui est une merveille de réussite. le roman est truffé de tournures, de formules grinçantes bien trouvées, qui prêtent souvent à sourire, certes, dans des tonalités jaunâtres, mais à sourire malgré tout et grâce à ce parti pris, on parvient à affronter la profonde tristesse qui émane de ce livre.
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pour faire bref...j'avais aimé "soumission", je m'étais régalé avec "plateforme", et bien avec "extension du domaine de la lutte" je monte le curseur encore d'un cran. Acide mais souvent juste. Drôle ? non, très drôle. Bien sûr, le monde décrit n'est pas rose, il est plutôt gris dégueulasse virant noir cafardeux, l'amertume rôde, la dépression grandissante va fignoler sa besogne. Entre un collègue obnubilé par sa queue, dragueur d'une lourdeur égale à sa laideur ; d'un futur p'tit chef, satisfait de lui-même ; d'un jeune cadre dynamique glissant dans les couloirs ; puis la Catherine, la Véro, des infirmières, un pote curé, le catalogue des 3 suisses et son code chouchou, des trains, des taxis, des gares, bref...tout un monde qui malheureusement, ne donnera aucune satisfaction a notre protagoniste, bien au contraire, il n'en ressortira que mépris, dégout et un profond mal de vivre.
Un regard posé sur notre société avec pour constat d'y être inadapté...L'envie d'essayer ?... pas sûr !
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On suit les déambulations d'un technicien informatique peu causant mais très pensant, spectateur analytique des relations sociales et de ses miséreux sentimentaux.
Style percutant, très drôle, très noir, très profond. Pas une phrase inutile. D'une intelligence fulgurante.
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encore une fois avec Michel j'ai eu l'impression d'entendre un ami me parler, se raconter. avec des faits simple on réfléchit on échange on prend de la hauteur par rapport aux faits. oui un quotidien professionnel et personnel, une dépression, l'interrogation que l'on a tous eu à ce moment où l'adolescence se termine, où l'on rentre dans la vie active et où l'on se demande ce que sera notre vie . que les détracteurs de Michel s'abstiennent de le lire et se taisent. c'est un artiste un Gainsbourg de la littérature avec toute sa sensibilité, sa dépression et son génie.

Ah attendez après avoir lu les critiques a une étoile de babelio et regarde leurs livres lus, je m'aperçois que sans exception ce ne sont pas des lecteurs de littérature difficile, je me permets donc de dire que pour 'comprendre' Michel il faut être aguerri aux lectures difficiles et savoir saisir le second degré.
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"Extension du domaine de la lutte" de Michel Houellebecq est un roman qui a su à la fois m'attirer et me repousser, qui a stimulé mon esprit tout en déclenchant des réactions viscérales fortes. C'est un ouragan dont l'oeil vise clairement et assez simplement au final notre confort intellectuel. Il parvient à étendre la sphère de l'exploration de la misère humaine à travers ce texte, tout en ne faisant aucune concession pour apaiser les sensibilités des lecteurs.

Tout d'abord, il faut noter le talent évident de l'auteur pour la narration. Houellebecq a le don de dresser des portraits complexes et multidimensionnels de ses personnages. Dans ce cas, notre protagoniste, un informaticien trentenaire, est présenté avec un tel réalisme -sans descriptions, on sent que ça l'emmerde véritablement- que je pouvais presque sentir son angoisse, sa désolation, et parfois même, étrangement, son humour caustique et son auto-dérision. Cette incarnation de la misanthropie et de la décadence, suscite à la fois fascination et dégoût, dégage par son racisme puant et sa misogynie fétide des diatribes épouvantables qui fendent les pages et notre confort. En dépit de l'absence apparente d'événements dramatiques ou de revirements spectaculaires, le récit reste captivant, en grande partie grâce à la maîtrise narrative de Houellebecq.

Mais au-delà de sa maîtrise stylistique, ce qui m'a vraiment intrigué est la façon dont l'auteur a réussi à articuler une critique sociale incisive et pénétrante. Houellebecq nous emmène dans une danse désynchronisée, parsemée de ruptures de ton aussi surprenantes que délicieuses, aussi tranchantes qu'une lame de rasoir, déchirant le tissu des certitudes et des préconceptions de notre complaisance collective. Ces oscillations brutales, tantôt apathiques, tantôt frénétiques, dressent un portrait caustique de l'individu moderne. Elles semblent dire : voici ce qu'est devenue l'humanité, ne détournez pas le regard. La façon dont Houellebecq interroge les notions de réussite, de statut social, et la pression de conformité dans le monde moderne est tout simplement dévastatrice.

Cependant, il convient de souligner que la lecture de ce livre n'est pas une promenade de santé. Houellebecq ne mâche pas ses mots lorsqu'il décrit la laideur de la réalité contemporaine - que ce soit dans le monde professionnel, dans la sphère privée, ou même dans la sexualité. Sa vision sans filtre et acide est impitoyablement sombre, d'un cynisme exacerbé, et bien que je ne sois pas d'accord avec tous ses points de vue, je dois admettre qu'il a réussi à me faire réfléchir sur des aspects de la société que j'avais auparavant ignorés ou minimisés. Mais son génie réside également dans sa capacité à transgresser les normes sociales, à soulever des questions troublantes sur notre identité collective. Les fulgurances ignobles de son personnage principal sont autant de miroirs que l'auteur tend à ses lecteurs, les invitant à regarder au-delà du vernis de la politesse et de l'acceptabilité sociale.

Si vous avez des problèmes coeliaques, préférez le jus de cerise. Ce sont 160 pages difficiles à digérer, qui resteront gravées dans votre mémoire et dans le bide longtemps après les avoir refermées. C'est une oeuvre qui défie, provoque et interpelle. C'est une invitation à la réflexion sur ce que nous sommes, ce que nous avons été et ce que nous pourrions devenir. Pour ceux qui sont prêts à se confronter à une vision du monde dénuée de tout romantisme, mais remplie d'une honnêteté brutale et d'une lucidité troublante, foncez, il n'est jamais trop tard.
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Premier roman de Houellebecq qui avec les Particules élémentaires a scellé le point de vue original, nouveau, littéraire, mi-philosophique sur l'état du monde, avec humour et talent, de l'auteur français reconnu internationalement. On n'avait rien vu d'aussi génial depuis Camus et Sartre.
Cette locomotive un tantinet iconoclaste, anticonformiste fait un peu oublier le désert littéraire qui a perduré pendant plus d'une génération. Il n'est pas improbable qu'il faille compter sur la toute dernière génération pour rattraper le train de la tradition littéraire française qui séduisait le monde entier
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